Iran : des sanctions plutôt que des frappes

par Alain Hertoghe
vendredi 19 mai 2006

Le forcené de Téhéran a balayé ironiquement la nouvelle offre européenne sur le nucléaire iranien, et cela avant même qu’elle ne lui soit concrètement présentée. Le président Mahmoud Ahmadinejad confirme, dans un langage de tyranneau, toutes les craintes que son élection a fait naître sur la direction prise par le régime des mollahs.

La situation a ainsi le mérite d’être claire : l’Iran, qui prépare sa bombe atomique depuis vingt ans, a pris la décision stratégique de l’avoir coûte que coûte et en dépit de toutes les mesures incitatives qui lui ont été ou lui sont offertes, hier par la Russie, avant-hier et aujourd’hui par l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne. Seules des sanctions fermes et graduées du Conseil de sécurité de l’ONU pourront donc éviter à terme une action militaire américaine ou israélienne pour écarter la menace iranienne.

Puissent les partisans du multilatéralisme et les adversaires de l’option militaire prendre conscience de l’urgente nécessité de sanctions, avant qu’il ne soit trop tard pour pouvoir rappeler les bombardiers et les missiles de croisière. Car, à ce stade, le régime iranien fait la même erreur de calcul que Saddam Hussein avant la Guerre d’Irak : refuser d’appliquer de manière transparente le droit international et compter exclusivement, pour passer en force, sur les divergences entre les Etats-Unis d’un côté, les Européens au milieu, la Russie et la Chine de l’autre côté. Voire parier sur l’absence de volonté américaine d’agir militairement.

Les membres du Conseil de sécurité ne partagent certes pas le même diagnostic sur la manière de ramener les Iraniens à la raison. Mais, actuellement, plus aucune chancellerie n’a de doute réel sur la finalité du programme d’enrichissement d’uranium du régime des mollahs.

L’histoire de la bombe iranienne, les tenants et aboutissants de la crise actuelle, ainsi que les motivations de chaque acteur face à celle-ci sont très pédagogiquement expliqués en 140 pages, dans le livre L’Iran, la bombe et la démission des nations (Ceri/Autrement, avril 2006), par Thérèse Delpech, directeur des affaires stratégiques au Commissariat de l’énergie atomique (CEA) et chercheur associé au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri).

Que veut l’Iran ? Malgré tous les discours de Téhéran sur le caractère pacifique du programme nucléaire, la réponse à cette question est simple. L’Iran veut la bombe, avertit en conclusion de son ouvrage cette spécialiste de la géostratégie nucléaire. Il est en vérité difficile, sauf à attendre un essai nucléaire du type de ceux qui ont été faits par l’Inde et le Pakistan en 1998, de disposer d’un nombre plus important d’indices d’un programme nucléaire militaire que dans le cas iranien [...] L’Iran pourrait être beaucoup plus proche de la production d’une arme qu’on ne le pense souvent. Après avoir surestimé les capacités irakiennes, on sous-estime peut-être celles de l’Iran.

Dès l’introduction de son livre très factuel, Thérèse Delpech souligne que si la preuve de l’impuissance des nations est faite, chacun devra reconnaître ses responsabilités : les Européens qui ont toujours agi trop peu et trop tard, les Américains qui n’ont pas défini de politique claire à l’égard de l’Iran, les Russes qui ont constamment favorisé la carte de l’ambiguïté, et les Chinois qui se sont cachés derrière les Russes.

La chercheuse estime que l’option militaire n’a pas la faveur de Washington en raison de la capacité de nuisance des Iraniens en Afghanistan, en Irak, voisins de l’Iran, ainsi qu’en Israël et au Liban. Mais elle rappelle que la crédibilité de la dissuasion des Etats-Unis serait en cause si l’Iran continuait son programme en toute impunité. Par ailleurs, les alliés de l’Amérique ne peuvent ignorer que la portée des missiles iraniens, qui ne cesse de croître, leur permet d’ores et déjà d’atteindre le territoire européen. Ni oublier les liens de Téhéran avec des organisations terroristes. Vu de Tel Aviv, l’Iran est même devenu une menace susceptible de mettre en cause l’existence de l’Etat d’Israël.

Aux yeux de l’administration américaine, une arme nucléaire iranienne pourrait avoir un coût bien supérieur encore à celui d’une opération militaire en remettant en cause toute la politique américaine du Grand Moyen-Orient. Notamment parce que l’Arabie saoudite et l’Egypte, rivaux sunnites de l’Iran chiite, ne tarderaient pas à suivre son exemple nucléaire. Les Etats-Unis et Israël pourraient donc arriver à la conclusion que le point de non-retour approche et que l’avenir ne peut être sacrifié au présent...

Les négociations n’ont pour l’instant profité qu’aux mollahs. La fenêtre d’opportunité pour user de sanctions ne sera pas éternelle...


Lire l'article complet, et les commentaires