L’injustice sociale sent le gaz

par Olivier Bonnet
mercredi 22 mars 2006

Alors que le groupe Gaz de France n’a jamais été aussi florissant, il vient d’obtenir du gouvernement le droit d’augmenter une nouvelle fois ses tarifs, de 5,8 %, hausse applicable dès le 1er avril. Service public à la mode libérale : le public paye, et les actionnaires se servent.

Alors même que GDF annonçait triomphalement, le 16 mars dernier, le bénéfice le plus élevé de son histoire, 1,743 milliards d’euros en 2005 (+ 29 %), tout en précisant que le groupe allait verser à ses actionnaires un dividende en hausse de 48 % et en se réjouissant que les perspectives de croissance soient bonnes, Jean-François Cirelli réclamait à l’Etat, qui reste pour l’heure son actionnaire majoritaire, une nouvelle augmentation de ses tarifs ! Nous pensions alors que Le PDG de Gaz de France se moque du monde. Eh bien, il n’est plus seul. La Commission sur les tarifs du gaz, qui réunit deux députés de la majorité et un économiste universitaire au CV long comme le bras, a préconisé une hausse de 5,8 %, qui "correspond précisément à la hausse des coûts de la matière depuis novembre 2004".

Robin des bois à l’envers

La nouvelle est tombée le 21 mars : Thierry Breton, ministre de l’économie et des finances, accepte. Dès le 1er avril, les 7 millions de particuliers se chauffant au gaz paieront davantage, afin que les actionnaires de GDF touchent un dividende encore plus gras. Les ménages modestes apprécieront cette histoire de Robin des bois réécrite à l’envers : directement des poches des pauvres vers celles des riches ! Et ce n’est pas fini, puisque Breton avait osé refuser la hausse déjà réclamée en décembre, venant après celles accordées en juillet 2005, de 4 %, puis à nouveau de 3,8 % en novembre. Alors Cirelli sort sa calculette et évalue le manque à gagner à 750 millions d’euros. Et l’impayable Commission sur les tarifs annonce qu’elle va effectuer des "travaux complémentaires" au cours des prochains mois sur cette question du rattrapage des ajustements tarifaires.

Les promesses de Sarkozy, du vent ? Non, du gaz !

Le pire de tout cela, c’est que GDF est toujours détenue à 80 % par l’Etat. Drôle de conception du service public que celle-là. Qu’on lutte contre les déficits est louable, mais qu’on accroisse la rentabilité au détriment du... public ? On marche vraiment sur la tête. Encore faut-il sans doute se réjouir que la fusion avec Suez ne soit pas encore effective, qui pourrait aboutir à la privatisation dont le gouvernement avait pourtant juré, la main sur le coeur, en 2004, qu’elle ne se ferait jamais. "Y compris en cas d’augmentation de capital, l’Etat ne pourra pas descendre en dessous de 70 %", promettait alors le ministre de l’économie de l’époque, un certain Nicolas Sarkozy. Il a même fait inscrire dans la loi du 29 août cet amendement. Qu’importe, changeons la loi, et renions la promesse ! Sans le contrepoint étatique à ses ambitions capitalistes, GDF pourrait d’autant mieux tondre la laine sur le dos de ses clients. Mais soyons rassurés : Thierry Breton a précisé que "la participation de l’Etat ne sera en aucun cas inférieure à la minorité de blocage, soit 34 %". Il ne nous en voudra pas de prendre cette nouvelle promesse avec des pincettes.


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