La victoire de Ben Laden
par Henry Moreigne
mercredi 8 mars 2006
On peut légitimement s’interroger sur les objectifs poursuivis par Al-Qaida en commettant les attentats du 11 septembre 2001. Si ceux-ci visaient à faire vaciller l’arrogance américaine, et au-delà, les fondements démocratiques de la patrie de Washington, ils ont atteint leur but. Deux dossiers en attestent : le procès de Zacarias Moussaoui, et la tristement célèbre prison de Guantanamo.
Zacarias Moussaoui, Français né de parents marocains, a été arrêté le 16 août 2001, initialement pour un simple problème de visa, avant d’être accusé, pour un temps, d’être le 20e pirate de l’air des attentats du 11 septembre. Il sera finalement inculpé sous le chef de conspiration.
Moussaoui, qui reconnaît être membre d’Al-Qaida, plaide coupable, mais réfute avoir été au courant des attentats projetés, et déclare qu’il était en réserve pour plus tard.
Pour de nombreux observateurs, ce procès sera révélateur de la volonté du gouvernement américain d’assurer ou pas un procès équitable aux personnes suspectées de terrorisme. En tout état de cause, il pointe un antagonisme entre une Justice en quête de transparence et le secret lié à la sécurité nationale. Très vite le procès de Moussaoui pourrait devenir celui des agences de sécurité intérieure et du renseignement, suspectées d’avoir su mais de ne pas avoir donné suite. A ce jour, la requête de Moussaoui de pouvoir accéder aux documents classés « secret » a été rejetée par le juge. Celle de pouvoir faire appel, comme témoins, à des personnes incarcérées à Guantanamo n’est toujours pas tranchée.
La prison de Guantanamo, basée à Cuba, est une prison de haute sécurité destinée à accueillir les combattants illégaux capturés essentiellement en Afghanistan et en Irak. La légalité de la détention de ces prisonniers est largement sujette à controverse. Un décret du Président Bush autorise la détention sans limites et sans chef d’accusation de tous les combattants « illégaux » capturés. Cette absence de chef d’accusation (on peut parler de détention abusive), les conditions de détention et le recours à la pratique de la torture ont conduit Amnesty international et l’ONU à condamner très sévèrement cette situation.
En plaidant coupable des accusations d’appartenance à Al-Quaida et d’implication dans les attentats du 11 septembre, Moussaoui encourt la peine de mort. La peine capitale pour un meurtrier seulement putatif, essentiellement coupable de n’avoir rien fait pour empêcher la réalisation d’une tragédie.
Un mauvais film en quelque sorte, odieux mélange de Minority report et de Star Wars, dont l’unique vainqueur serait le côté obscur de la force.