Le danger du pacifisme inhumain

par Xanadu
vendredi 14 avril 2006

Le pacifisme constitue a priori une approche individuelle, collective et politique louable, voire souhaitable. Atteindre ses objectifs sans agressivité ni violence, n’est-ce pas faire preuve d’humanité ? Comment condamner un individu qui refuse de blesser son prochain ? Cependant, derrière ces trompeuses apparences angéliques, l’idéologie pacifiste, dans sa déclinaison politique, occulte une inhumanité insidueuse, véritable apologie criminelle de l’inaction.

L’expérience de la dernière décennie est sur ce point irréfragable. Les mouvements et manifestations pour la "paix" dans le monde, généralement affiliés à un dogmatisme de gauche, constituent en effet un exemple péremptoire. Les pacifistes avaient défilé contre l’intervention internationale pendant la Guerre du Golfe, alors que le Koweït et sa population appelaient désespérément à l’aide. Ces "militants de la paix" avaient ensuite récidivé durant les années 1990 en protestant contre les frappes de l’OTAN en ex-Yougoslavie, alors en pleine période d’épuration ethnique. Ce sont encore ces même activistes qui affirment aujourd’hui que la violence ne résoudra pas la crise du Darfour. Et tandis que les tenants de cette idéologie en appellent à l’humanité présente en chacun de nous afin de privilégier le seul dialogue comme solution, ce sont des centaines de milliers d’êtres humains qui sont massacrés, et des millions d’autres qui sont obligés de fuir et de se réfugier dans les pays voisins.

Le pacifisme politique dévoile là son vrai visage ; un dogmatisme irrationnel et criminel, une doctrine chimérique et inhumaine, dont la dangerosité est aggravée par un aspect séraphique et vertueux illusoire.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette apathie délictueuse n’est pas une dérive politique récente. Dès 1936, Roger Martin du Gard, célèbre pacifiste français, déclarait : "Tout plutôt que la guerre, tout ! Même le fascisme en Espagne, même le fascisme en France, même Hitler !". Cette citation caractérise parfaitement l’essence du pacifisme politique ; lâche, aveugle et insensible.

La faille première du pacifisme, c’est qu’il repose sur le postulat douteux que la nature humaine est dissociable de sa composante violente et instable. Une telle hypothèse ne peut que résulter d’une contemplation candide et superficielle de l’essence humaine. L’homme, parce qu’il est doué de raison, sujet aux passions et aux émotions, et dépositaire de reliquats instinctifs, est incapable de se débarrasser définitivement de cet élément endormi et relativement aléatoire que constitue la tendance à la violence. Si l’homme ne peut être réduit à un simple loup pour l’homme, il conserve néanmoins la potentialité d’en devenir un. Et rappelons, à ceux qui voient uniquement dans cette inclination un héritage bestial qu’il faut éliminer, que les animaux ne font pas la guerre, concept proprement humain.

Bien sûr, ces dernières lignes peuvent apparaître pour le moins pessimistes, ou plutôt sombrement réalistes. Mais ce serait tomber dans l’excès inverse que de considérer cyniquement et lugubrement l’homme comme un être seulement violent. Les éléments constitutifs de notre nature que sont la raison, la passion, l’émotion, et même le reliquat instinctif, cités ci-dessus comme sources potentielles de violence, sont également des moyens de canalisation et d’annulation de cette tentation violente, et donc de formidables raisons d’espérer. Car si les animaux ne font pas la guerre, la paix leur est également inconnue.

Pour revenir au pacifisme politique, si j’ai abordé la question, c’est en réaction au traitement complaisant par les médias des manifestations pour la paix d’il y a quelques jours, à l’occasion du troisième anniversaire de l’opération Iraqi Freedom. Des milliers de personnes ont ainsi défilé dans plusieurs grandes villes du globe, afin de protester contre l’occupation de l’Irak et de l’Afghanistan. C’est donc le retrait pur et simple des troupes coalisées qui était demandé, au cri de ralliement : Ensemble contre la guerre, place à la paix, comme au Canada, et donc ni plus ni moins l’abandon des populations locales qui était prêché. La prospective évidente d’un chaos innommable et de conséquences meurtrières et criminelles n’a même pas semblé effleurer l’esprit des militants, plongés dans un univers utopique déconnecté du réel.

Car que l’on ait été pour ou contre la guerre en Irak, un retrait prématuré, voire immédiat, des troupes coalisées aurait des conséquences indéniablement terribles pour le pays, pour les populations locales, la région, l’Occident et le monde. Ce qui relève a priori de l’évidence ne l’est apparemment pas pour les esprits innocents, ou idéologiquement anesthésiés, qui ont manifesté à cette occasion. Car c’est aussi le propre de l’homme que d’asphyxier son esprit critique par le biais de carcans idéologiques.

Bref, si le bellicisme doit effectivement être abhorré, méfions-nous également du pacifisme, menace sous-estimée dans nos démocraties.


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