Le M51 et ce nucléaire tactique que nous finançons

par Nicolas Voisin
vendredi 14 avril 2006

« La délégation générale pour l’armement (DGA) a notifié à EADS Space Transportation une commande d’un montant de 3 milliards d’euros pour la production du missile balistique M51. Le missile M51 est destiné à équiper, à partir de 2010, les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de nouvelle génération de la force océanique stratégique. » [Gaëlle Jouanjan, attaché de presse de la DGA].

Plus ou moins 45 euros par Français. Vous, nous, ils, tous dépenseront 45 euros chacun pour financer un nouvel armement nucléaire tactique (les "mini-bombes" ou "mini-nukes" dont nous sommes déjà en possession de quelques exemplaires d’une valeur d’un dixième de la puissance d’Hiroshima pour les plus "petites"), bombinettes qui, à l’instar de leur grande sœur (la bombe atomique "traditionnelle" dite de dissuasion, elle-même déjà contestable) sont bel et bien conçues et fabriquées pour être utilisées. Tout cela, notre Président l’a confirmé dans ses récentes allocutions [janvier 2006 : voir l’extrait de la Tribune de Brest et le discours de Jacques Chirac en lien ici]. Ces annonces se sont faites dans une indifférence notable.

"L’activité industrielle générée par ce marché concerne environ 1200 emplois sur une période de 10 ans dont un millier en région Aquitaine" [suite et conclusion de ce même communiqué du 23 décembre 2004]


Où l’on nous fait culpabiliser sur ce qu’un désarmement ou la remise en cause de ces choix stratégiques coûteraient en terme d’emplois à la France.

Mais quel est le prix de ces vies que cibleront nos M51 ? Valent-elles moins que celles que ces missiles prétendent défendre ? Et comment interdire à un encombrant voisin ses inclinaisons nucléaires (l’Iran, mais aussi la Corée du Nord sont ainsi aujourd’hui montrés du doigt) en faisant de tels choix ? Car il s’agit bien ici de décisions politiques, de nos choix, de nos volontés.

Un dossier qui ne pourra pas être écarté d’un revers de bras par nos candidats à la présidentielle. Messieurs, Mesdames qui aspirez à nous gouverner, prononcez-vous clairement sur cette question ! Dans un pays dont une partie des médias (presse en particulier) sont détenus par des fabricants d’armes, des associations comme Greenpeace en appellent aux blogueurs pour enquêter, donner à penser, imposer le débat public et des prises de positions précises de nos (futurs) dirigeants. Cette situation, inédite et rocambolesque, où liberté de la presse et lobby de l’armement semblent fusionner, doit nous inciter à travailler avec sérieux et détermination. Il s’agit là d’un défi à la hauteur des ambitions des "journalistes citoyens". Un défi que je vous propose de relever ensemble.

Si nous sommes effectivement en démocratie, où est-ce que l’on coche la case :"Je ne souhaite pas que les impôts que je paye servent à fabriquer des armes ?", me demandait récemment un proche. Car il s’agit bien de nos deniers, de nos représentants, de nos "bombinettes". Et si je ne voulais pas, moi, donner ma voix à quiconque s’engagerait plus encore dans cette tragique direction ? Ségolène Royal comme Nicolas Sarkozy semblent d’ailleurs, en coulisse et loin de tout prosélytisme, se prononcer contre ces choix. L’argent manque pour financer universités, recherche, aide aux personnes... Voilà donc bien une source de financement que ne renieront pas certains ! Sachez qu’il y a des dissensions sur ce projet militaire ô combien dangereux, y compris au sein de l’armée (qui voudrait plutôt voir renforcer ses capacités tactiques traditionnelles).

Parce qu’il serait bien aisé de ne nous parler que d’insécurité et d’emploi lors de cette campagne, de passer sous silence des investissements aussi considérables que signifiants, faits en nos noms, je mets volontiers les "pieds dans le plat". Toutes vos sources, infos et volontés d’investigations sont les bienvenues. Et quel est, sur ce sujet fondamental, l’avis des lecteurs d’AgoraVox ?

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