Le mouvement anti-CPE à la lumière d’Hannah Arendt

par J-B.
lundi 10 avril 2006

Dans son essai « La crise de l’éducation » publié en Folio dans un recueil intitulé La crise de la culture, la philosophe Hannah Arendt nous livre quelques réflexions pouvant nous permettre de mieux analyser ce qui se passe actuellement en France.

A tous les adultes qui incitent des mineurs à enfreindre la loi, et en particulier aux enseignants soutenant leurs élèves dans leurs actions de blocage, elle nous dit "qu’il n’appartient pas seulement aux professeurs et aux éducateurs, mais à chacun de nous,dans la mesure où nous vivons dans un seul monde avec nos enfants et avec les jeunes, d’adopter envers eux une attitude radicalement différente de celle que nous adoptons les uns envers les autres. Nous devons fermement séparer le domaine de l’éducation des autres domaines, et surtout celui de la vie politique et publique."

La démission des adultes qui laissent les jeunes faire n’importe quoi et en particulier nuire aux autres et à eux-mêmes est le résultat d’une profonde crise de l’autorité : aboutissement funeste de l’anti-autoritarisme de Mai 68, quand ceux qui en étaient porteurs se sont ralliés à l’ordre dominant (sous la forme politique du mittérandisme) et ont accédé aux postes de pouvoir. Leur renoncement à changer le monde les a conduits à un désenchantement cynique et à un refus d’assumer les problèmes d’une société dont ils savent profiter. Là encore, Arendt nous éclaire : "L’autorité a été abolie par les adultes et cela ne peut que signifier une chose : que les adultes refusent d’assumer la responsabilité du monde dans lequel ils ont placé leurs enfants." ; et "l’homme moderne ne pouvait exprimer plus clairement son mécontentement avec le monde et son dégoût pour les choses telles qu’elles sont qu’en refusant d’en assumer la responsabilité pour ses enfants. C’est comme si, chaque jour, les parents disaient : "En ce monde, nous-mêmes ne sommes pas en sécurité chez nous ; comment s’y mouvoir ? que savoir ? quel bagage acquérir sont pour nous aussi des mystères. Vous devez essayer de faire de votre mieux pour vous en tirer ; de toute façon, vous n’avez pas de comptes à nous demander. Nous sommes innocents, nous nous lavons les mains de votre sort." Et ceci est d’autant plus grave que les adultes prétendent faire cela dans le souci même de l’avenir de leurs enfants, à qui ils laissent une dette gigantesque et un système en ruines.


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