Le revenu d’existence collective, pour supprimer le chômage ?

par José Peres Baptista
vendredi 9 décembre 2005

Ce revenu serait un revenu attribué par la collectivité à tout citoyen français jusqu’à sa mort. Comme dans la proposition Attali-Chambain, il regrouperait toutes les aides sociales inhérentes au traitement du chômage ; cependant, il aurait des effets induits beaucoup plus considérables. En effet, ce revenu ne serait pas soumis à la situation du citoyen face à l’emploi, mais inhérent à sa citoyenneté. En compensation de ce revenu, ceux qui choisiront de ne pas exercer d’activité privée intégreront le secteur que j’appellerai le secteur quaternaire.

Le secteur quaternaire
Ce secteur regrouperait toutes les activités n’ayant pas pour objet d’être rentables. On pourrait y classer l’art, les services à la personne, l’amélioration du domaine public, la politique, etc. On peut par secteur calculer le nombre d’heures annuelles nécessaire à l’amélioration du service public.

Je vais prendre l’exemple de l’enseignement : les directeurs d’écoles, les proviseurs et aussi les enseignants se plaignent qu’avec la réduction des effectifs leur sont imposées des tâches qui ne relèvent pas exclusivement de leurs attributions. On peut aussi estimer qu’il manque des surveillants. Ces heures sont quantitativement chiffrables. En faisant le décompte de toutes ces heures nécessaires par année, il deviendra facile de déterminer le nombre d’heures de travail collectif à exiger des citoyens relevant du REC -qui ont choisi de ne pas exercer dans le privé. Les conditions d’attribution de ces tâches restent à définir en fonction des compétences, mais cela ne me semble pas incohérent. D’autre part, c’est ainsi que se justifie son attribution : c’est bel et bien un revenu d’existence collective, et non individuelle. Pour disposer de ce REC, le citoyen devrait signer un contrat indéterminé l’engageant à tenir sa responsabilité envers la collectivité dans le cas où il choisirait de s’y consacrer, et dans le cas où il choisirait d’exercer une activité, il devrait la justifier.

Les modalités d’attribution du REC
Les citoyens seraient tous égaux devant le REC. Pour ne pas défavoriser les familles ayant des enfants par rapport aux autres, il conviendrait d’attribuer pour chaque enfant, dès la naissance, un REC progressif jusqu’à sa majorité, date à laquelle il disposerait de son intégralité. À cette date, il pourrait alors choisir, soit de gérer son REC pour se lancer dans la vie indépendante, soit de poursuivre ses études en laissant la gestion de son revenu à ses parents. La condition nécessaire pour l’attribution du REC serait la nationalité française.

Les effets induits du REC
Le REC étant attribué à vie à tous les citoyens, ceux-ci n’auraient plus peur du chômage, et ne seraient donc plus à la merci de décisions économiques de leurs employeurs, imposées par la rentabilité. C’est l’aspect psychologique, mais je vais poursuivre sur les effets induits sur la rentabilité des entreprises. En effet, ce REC diminuerait d’autant les salaires. Je vais prendre un exemple, mais je vous prierai de ne pas vous attacher trop aux chiffres, puisque je ne suis ni gestionnaire, ni comptable, ni économiste.

Partons du principe qu’aujourd’hui, pour avoir une vie sociale un minimum décente, il faut disposer d’un revenu équivalent au SMIC, que j’arrondirai à 1000€ nets. Pour les salaires les plus faibles, il faudrait calculer une progressivité de leur diminution, mais à partir d’un certain seuil minimum (1,5 fois le SMIC), on permettrait alors aux entreprises de diminuer du SMIC tous les salaires.

Pour les entreprises
Ainsi un salaire de 2000€ avant le REC descendrait à 1000€ après, et le pouvoir d’achat du citoyen n’en serait pas modifié puisque, salarié ou non, le REC serait un droit. La baisse générale des salaires permettrait alors aux entreprises de revenir à un niveau de compétitivité tel que la nécessité de délocaliser leurs emplois sur d’autres territoires deviendrait quasiment caduque. Les investissements et créations d’emplois seraient relancés à très court terme.

Pour la société
Les bénéfices pour la société seraient multiples. Sans exhaustivité : outre l’amélioration de nos conditions de vie collective par les activités d’échange, l’économie nationale se trouverait fortement relancée quasiment immédiatement. Le retour sur notre territoire de la fabrication de produits jusqu’ici nécessairement importés permettrait, par simple effet de balancier, de ne plus importer d’autant. D’autre part, ce REC serait imposable sur le revenu, et l’assiette serait élargie à toute la collectivité nationale. La retraite ne serait plus en danger, puisque le REC s’y substituerait, et la couverture sociale ne souffrirait plus de déficit chronique, puisque tout le monde y cotiserait, sans exception non plus. Les allocations familiales, comme les différentes aides à la scolarité, ne seraient plus nécessaires, puisqu’intégrées à ce revenu, etc.

Autre considération à prendre en compte : les salaires ayant alors très fortement diminué, et le REC n’étant accessible qu’aux citoyens, les effets sur l’immigration seraient alors très dissuasifs, sans pour autant agir de façon discriminatoire, puisque les revenus du travail restent accessibles aux résidents étrangers, mais beaucoup moins incitatifs pour ceux venant des pays les moins développés.

Pour le citoyen
Il est évident que l’emploi ne doit pas être découragé, et ce serait le cas puisque que le REC ne peut être supprimé ni diminué. Ainsi, tout salaire proposé par un employeur viendrait en supplément, incitant toujours ceux qui ne veulent pas se contenter de ce revenu à travailler pour améliorer leurs conditions de vie. Les avantages pour les conditions de vie ne seraient pas négligeables non plus, en termes de flexibilité de l’emploi, puisque les entreprises pourraient alors trouver plus facilement des citoyens proches de leur lieu d’exercice disposés à ne travailler que quelques heures ponctuellement ou de façon dispersée dans la semaine.

L’évolution du montant du REC
Le REC serait évalué chaque année en fonction de la santé économique du pays. Ainsi, une fois établi son montant initial, et le pourcentage qu’il représente par rapport aux rentrées financières du pays, ce taux serait conservé. Dans le cas où les citoyens se laisseraient tenter en masse par le choix de l’activité collective non productrice de richesses, le produit économique du pays s’en ressentirait immédiatement en diminution, et le niveau de vie des citoyens serait diminué d’autant. Le REC aurait donc pour principe fondamental la bonne santé économique de notre pays. Il serait, par l’activité choisie, notre conscience collective.

Conclusion
Je ne suis pas en mesure de chiffrer concrètement une telle proposition, mais je ne pense pas qu’elle soit incohérente, et je n’y vois aucun obstacle majeur constitutionnel (au contraire), politique ou technique. Je n’y vois rien qui bafoue l’égalité, ou qui provoque une quelconque discrimination, et une mise en place progressive ne devrait pas rencontrer d’obstacle majeur. Je ne suis évidemment pas en mesure d’y discerner objectivement des effets pervers possibles, puisqu’elle émane de mon propre esprit. Les discussions que j’ai pu avoir à son sujet avec Gaëlle, qui est gestionnaire et comptable, n’ont fait apparaître aucune ineptie. Par ailleurs, elle tente d’en établir une évaluation approximative.

La e-Cité aujourd’hui ne dispose pas en son sein d’expert suffisamment qualifié pour en modéliser la viabilité, et je le regrette. Je serais ravi si des commentaires faisaient apparaître une faille dans mon raisonnement.


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