Le travail : bien rare, ou mal nécessaire ?

par Maxime Gouzevitch
lundi 10 avril 2006

Dans ce court essai je me propose d’analyser les déboires de notre pays avec le marché du travail, à partir de deux propositions qui me semblent décrire assez bien la conception du travail qui prévaut en France. Tout d’abord, je tiens à préciser que ceci n’est qu’un essai ! Un effort de sondage rigoureux est naturellement nécessaire pour attester le bien-fondé de ces affirmations. Ceci dit, il me semble qu’elles représentent une sorte de conception moyenne « à la française ».

Le travail en France est un mal nécessaire.

Cela veut dire que le travail est conçu par la vox populi non pas comme une valeur en soi, mais comme une « nécessité malencontreuse ». En effet, le travail est nécessaire pour gagner sa vie et pour produire les biens qui nous servent à la mener. Cependant, il a une valeur sociale secondaire.

Les causes de cette situation sont complexes et multiples, mais l’une d’elles, que je pourrais évoquer et qui me semble pertinente, est notre héritage d’une société empreinte de culture catholique, où le travail et l’argent sont relégués au second plan derrière la charité, la culture du partage et la vie associative. Nous considérons aujourd’hui que la vraie valeur est l’épanouissement dans les loisirs, la famille, les hobbies et la participation aux associations diverses et variées (à but non lucratif). Ceci implique naturellement la dévalorisation du travail, qui devient une « corvée nécessaire » puisqu’il nous empêche de nous tourner vers les « vraies valeurs ».

C’est ce qui nous différencie des sociétés protestantes (Allemagne, Pays-Bas, pays anglo-saxons) et juives. Dans ces dernières, le travail sert de voie d’insertion sociale, il est nécessaire pour être reconnu par la société en tant que membre « utile », et le chômage est vécu comme « l’inutilité ».

Quelles en sont les conséquences ?

Le travail en France est un bien rare.


Cette conception malthusienne est caractéristique d’un marché où, pour des raisons diverses, l’offre d’un bien nécessaire est en manque chronique par rapport à la demande. C’est la situation de notre marché du travail. Les raisons en sont complexes et ne font pas l’objet de ce texte (bien que l’attitude même que nous avons face à ce bien rare puisse en être une, la célèbre problématique de la fluidité du marché n’y est pas étrangère). Cependant les conséquences sont, elles, beaucoup plus visibles.

Quelle conclusion pouvons-nous tirer de cette réflexion ? Celle qu’une éventuelle solution de notre problème chronique face au marché du travail, qui nous poursuit depuis 25 ans, nécessitera forcément, d’une façon ou d’une autre, l’évolution en profondeur de notre mentalité nationale. Naturellement, on peut se dire qu’il n’est point nécessaire d’évoluer, cependant dans une concurrence directe avec des pays où le travail est une valeur de base, nous nous trouvons démunis, car non concurrentiels. Ce dernier terme, qui blesse horriblement l’œil de nombre de mes lecteurs, ne manquera pas de provoquer une multitude de remarques acerbes, telles que : « Mais à quoi bon vivre dans ce monde de sauvages où l’argent et la consommation à outrance sont une valeur de base ? Résistons ! ». Je répondrai simplement :

Soit ! Allez voir les altermondialistes. Cependant, réfléchissez-y à deux fois. Les intérêts du tiers monde vont à l’encontre de beaucoup de vos propres intérêts et vous coûteront, forcément, à court terme du moins, des concessions douloureuses ! Etes-vous prêts à cela ? C’est bien ça, le problème et la triste vérité, autrement le cycle de Doha aurait abouti depuis longtemps !


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