Londres 2006 : « massacre dans des proportions gigantesques »... ou « écran de fumée » ?
par Nicolas Voisin
vendredi 18 août 2006
Cet article tente de dresser une revue de presse (et du web) synthétique des principales sources d’information qui pointent du doigt des interrogations concernant les attentats de Londres. Par ailleurs, ce billet a également pour but de poser quelques questions au plus célèbre des soi-disant « conspirationnistes » français, l’ancien ministre de la défense Jean-Pierre Chevènement... Etat des lieux à date.
Occupons-nous d’abord de l’actualité. Hier après-midi, la police britannique annonçait qu’elle gardait la vingtaine de suspect 10 jours encore afin de démanteler le "réseau" dans son ensemble... Un réseau ?
Les autorités britanniques affirment avoir agi sur la foi d’informations obtenues de la part des services secrets pakistanais, l’ISI. Une partie de la presse britannique s’interroge cependant sur la réalité et l’importance de ces tentatives d’attentats qualifiés par le Financial Times comme "les plus meurtriers de l’histoire planétaire"... s’ils avaient eu lieu.... Selon le journal, "ce complot a des similitudes avec les attentats auxquels pensait Ramzy Yousef, reconnu coupable aux Etats-Unis en 1996 de préparer l’explosion d’une douzaine d’avions américains avec des explosifs à base de nitroglycérine". Pour The Times, comme le reporte Courrier International, en plus du type d’engin explosif utilisé par les terroristes, c’est toute une philosophie de fonctionnement qui a changé. Au fil des années, on est passé de la prise d’otages avec demande de rançon ou de libération de prisonniers a un radicalisme pur et dur, à l’idée de "on fait tout sauter". "Il n’y a rien de plus photogénique et terriblement violent que l’explosion d’un avion en plein vol", raconte le célèbre quotidien conservateur. Le 11 septembre en est la preuve ou "l’apothéose"... (Dessin de Côté via CI)
The Independent, s’interroge d’avantage encore et introduit des premiers doutes : "Depuis longtemps, notre rédaction défend l’idée que c’est par l’action discrète des services secrets et de la police que l’on peut et doit lutter contre le terrorisme, pas avec les lois ultrarépressives que favorise trop souvent ce gouvernement. Si réellement un complot d’envergure a été déjoué grâce à ce travail de l’ombre, il n’y a qu’à s’en féliciter et en être fiers."
Le mot est lancé... The Independant interroge de fait en commençant sa phrase par ce "si" beaucoup moins anodin qu’il n’y parait. Le Monde dans son édito du 11 août dernier se contentait de stipuler : "Qu’Al-Qaida soit directement ou non à l’origine du complot avorté n’est pas essentiel. A l’évidence les terroristes qui s’inspirent des méthodes et des buts de Ben Laden sont assez nombreux, et leurs réseaux assez étoffés, pour que le djihadisme international conserve la capacité de frapper fort des objectifs symboliques en mobilisant de façon coordonnée des dizaines de kamikazes."
"Mais des attentats ont-ils réellement été déjoués ?" demande ouvertement Courrier International en écho à ses confrères. "Il y a dans toute cette affaire des éléments qui mettent plus que mal à l’aise. Par exemple, le fait que le ministre de l’Intérieur ait déclaré en début de semaine que le Royaume-Uni était menacé de la pire manière depuis la Seconde Guerre mondiale : le ministre était donc au courant du complot quand il a évoqué le danger. Mais, pour ceux qui ne disposaient pas de cette information, l’alerte et l’opération d’hier (ndlr : leur compte rendu a été publié au lendemain de l’annonce du démantèlement de ce réseau) peuvent sembler une méthode cynique pour illustrer l’imminence d’un danger. En outre, cette opération arrive juste au bon moment, alors que, cet après-midi, un rapport dénonçant l’état de nos troupes en Irak devait être discuté. Du coup, cette information et ce débat seront fort à propos occultés", écrivent Christian Tientcheu et Eric Glover.
The Independent ne s’arrête pas là : " il faut rappeler que plusieurs collaborations entre les services secrets britanniques et américains ont donné lieu à des manipulations médiatiques, comme pour les armes de destruction massive en Irak, l’histoire des réservoirs à Heathrow ou l’attaque à l’aube à Forest Gate (où des musulmans accusés de terrorisme avaient été arrêtés en grande pompe, avant d’être discrètement relâchés car il n’y avait rien à leur reprocher). Sans compter la version totalement fausse de la mort du Brésilien Jean Charles de Menezes, présentée comme un courageux acte antiterroriste alors qu’il s’agissait d’une bavure policière. Au final, si nous pensons instinctivement que le gouvernement nous doit plus de précisions et d’informations sur cette opération et ses côtés obscurs, il ne doit s’en prendre qu’à lui-même." (Dessin de Bleibel via CI)
Et le quotidien The Guardian suit la même logique sceptique de The Independent : "La confiance du peuple dans son gouvernement est un fondement nécessaire de la lutte d’une société contre le terrorisme. Nous devons croire que nos dirigeants agissent de bonne foi. Malheureusement, la situation actuelle est telle que nous ne pouvons que nous demander en qui placer notre confiance. Outre les affaires de Menezes et Forest Gate, il est bon de rappeler que, après les attentats du 7 juillet 2005 dans le métro de Londres, la police avait affirmé que ces attaques avaient été commises par des individus inconnus des autorités. Nous savons aujourd’hui que c’était faux, que certains étaient connus des services de sécurité, qui avaient omis de prêter attention aux paroles de l’un des terroristes annonçant clairement ce qu’il allait faire. De toutes ces affaires, y compris le supposé complot déjoué hier, nous pouvons retenir que nous devons largement améliorer l’efficacité de nos services secrets afin de restaurer la confiance nécessaire. Et que, en outre, tout ce que le gouvernement a fait à ce jour pour lutter contre la menace - réelle - du terrorisme n’a fait qu’aggraver les choses."
Et n’oublions pas que cette même police a également déclaré après les attentats de juillet dernier qu’ils n’étaient au final en aucun cas liés à Al Quaeda comme je l’expliquais dans cet article publié sur AgoraVox.
Quel serait alors le but du gouvernement en agissant de la sorte ?
Le lendemain des arrestations de Londres, le quotidien le plus lu d’Allemagne, le Bild-Zeitung, commentait :" Le Djihad, la guerre sainte contre les infidèles, la conquête du monde par l’islam représente une menace croissant de jour en jour (...). Le plus dangereux dans cette guerre est que même les enfants d’immigrés, qui grandissent chez nous dans la paix, se laissent contaminer par ce virus et se mettent à croire qu’ils doivent, en tant que ’Soldats d’Allah’, détruire les ennemis de la Foi. Ils se cachent également en Allemagne, parmi nous, des bombes invisibles au cour de notre société. Tout comme dans les années 1930, un groupe entier au sein de la population de notre pays est désigné à la vindicte populaire comme étant l’ennemi intérieur." Cruel parallèle. Le propos peut surprendre...
Les journaux à sensation du groupe Springer en Allemagne fournissent une autre version que celle évoqué par The Guardian, qui fait intervenir le Mossad comme source supplémentaire : "Baalbek, début août : un commando israélien s’empare d’un hôpital. Le but initial est de débusquer des terroristes du Hezbollah mais - si l’on en croit des experts britanniques - lors de cette opération des agents des services secrets israéliens seraient tombés sur trois ordinateurs. Les disques durs contiennent des informations sur plus de 20 cellules terroristes en Angleterre. Tel Aviv, dimanche 6 août : au siège du Mossad tombe une information urgente envoyée depuis Islamabad : Al Qaïda vient de donner l’ordre à ses terroristes en Angleterre de se préparer à agir ! Peu de temps après le chef du Mossad informe son homologue des services secrets MI6." Science-fiction ? La revue de presse ne s’arrête pas là...
Que reste-t-il aujourd’hui des annonces faites par Scotland Yard la semaine passée ? "A qui profite cette immense panique internationale ?" s’interroge Pyrron sur AgoraVox. "Le ’complot’ de Londres serait-il un montage destiné à créer un climat de panique ?". Pyrron fait une revue des articles "complotistes" et là, le bas blesse.... "Quelqu’un aurait-il (elle) trouvé des articles, questions ou commentaires dans des médias français (officiels ou alternatifs) sur le « complot » de Londres" demande l’auteur ? Peu ou pas.
En effet, notre exercice de "revue de presse" recense essentiellement des publications étrangères. Pour avoir posé la question sur mon blog, je suis à nouveau passé pour un dangereux (voir pas dangereux du tout mais abruti à souhait) "complotiste-négationiste" et autres caricatures de critiques en "iste". La presse étrangère s’interroge ; la presse française nullement semble-t-il (ou j’interprète mal l’édito du Monde discuté ici). Est-il si mal vu d’être sceptique, d’exprimer ses questionnements, de tenter de partager ses doutes ou ses interrogations ? N’allez pas dire que je suis révisionniste, ou alors les équipes de toutes ces rédactions le seraient... J’ai largement entendu cela pourtant...
Et vous quelles seraient les questions que vous souhaiteriez poser au Che’ ?
Jean-Pierre Chevènement n’avait pu (à cause de son départ en vacances) répondre à mes questions il y a 15 jours de cela. Dorénavant cette contrainte devrait être dépassée. J’ai assez subi de pressions et insultes, et Agoravox également, lorsque nous avons fait écho au sujet du film de Dylan Avery pour être aujourd’hui curieux d’aller à mon tour demander un "retour sur préface" à celui qui a pris le risque de ses opinions...
J’ouvre ici le débat. Peut-on être convaincu de la vérité des informations communiquées en matière de terrorisme international ? Doit-on à tout prix éviter de remettre en cause la "voix officielle" ? Et au sujet de Jean-Pierre Chevènement, qu’est ce que ses positions vous inspirent ? Répondra-t-il à mes questions ? Et pourquoi cette caution, apportée par un ancien ministre à des propos condamnés si vivement par ailleurs, n’intéresse-t-elle absolument pas la presse française pourtant si friande de polémiques politiciennes en tout genre ?