Manifestations : le triomphe de la terreur
par mikiane
lundi 27 mars 2006
Déjà, en novembre dernier, nous avions eu un avant-goût de ce que l’on pourrait nommer le « triomphe de la terreur » : des hordes de sauvages saccageant, brûlant, agressant, tuant même gratuitement, sans revendication, juste pour l’ivresse du néant, et en louange au rien.
Quelques semaines de couvre-feu, et les cendres ont enfoui la braise. Elles l’ont enveloppée, protégée, conservée dans l’attente d’une prochaine bourrasque. Alors, le CPE et son lot d’angoisses sont arrivés. Les étudiants, les salariés et les organisations syndicales ont réagi en se mobilisant avec respect et détermination. Malheureusement, là où la nécessaire lutte des classes aurait dû opérer, provoquant une bagarre politique, généreuse et fertile entre exploitants et exploités, nous avons assisté au réveil du monstre haineux. L’embrasement a été lent : trois foyers en deux semaines ! La Sorbonne, la Nation et les Invalides. A chaque fois, des centaines d’anonymes cagoulés ont agressé plusieurs manifestants avant de s’en prendre aux CRS, volant ou détruisant systématiquement des dizaines de biens privés et publics.
Après quelques arrestations, les autorités se sont exprimées sur les appartenances politiques et sociales des "casseurs" . Elles seraient très hétérogènes. On retrouverait, parmi eux, des militants d’extrême droite, d’extrême gauche et des voyous venant de quartiers dits difficiles. Avec toutes les précautions que l’on peut prendre, compte tenu de la source de l’information, il y a tout de même les images et les vidéos, les annonces sur les forums Internet, les looks, les gestuelles, les expressions et les modes opératoires... Bref, tant d’indices qui évoquent les groupuscules extrémistes des deux bords et les petites frappes des cités.
Cette association contre nature, entre groupuscules d’extrême droite, d’extrême gauche et de simples voyous, est affolante. On reconnaît dans ce bouillon de haine ce qu’Hannah Arendt appelait les organisations massives d’individus atomisés et isolés lorsqu’elle désignait les mouvements totalitaires. Mais le plus effrayant est la réaction de nos représentants politiques. A droite, le ministre de l’intérieur est attentiste, et on le comprend. Cette situation est une aubaine : elle casse la dynamique des manifestants, de plus en plus inquiets pour leur intégrité physique lors des rassemblements, et elle accroît la peur au sein de la population qui, logiquement, sera plus attentive aux discours sécuritaires. À gauche, les syndicats, le PC et le PS appellent au retrait du CPE en mettant en avant - donc en utilisant à des fins politiques - les violences et le climat insurrectionnel.
Si la terreur triomphe, la démocratie s’écroule. Il est indispensable que tous les acteurs (médias, politiques, syndicats, citoyens) séparent les deux phénomènes : violences gratuites, et manifestations anti-CPE. A ce propos, pour la prochaine grande journée de mobilisation, le 28 mars prochain, il serait bon que l’ensemble des organisations républicaines se coordonne avec les autorités afin de tout mettre en œuvre pour parvenir à établir un cordon sanitaire entre manifestants et casseurs, garantissant ainsi la sécurité des biens et personnes, et l’intégrité du combat politique.