Petite parabole automobile

par JDCh
lundi 22 mai 2006

Le matin, je quitte en général mon domicile entre 7h30 et 7h45, ce qui me permet de franchir la Place de l’Etoile aux alentours de 8h, et d’être au bureau dix minutes plus tard. Mardi dernier, parce que j’étais rentré fatigué de Londres avec le dernier Eurostar, je n’ai quitté la maison qu’à 8h30, et je suis arrivé avenue Foch vers 9h, mais...

...je n’ai finalement atteint le parking du bureau qu’à 9h45, après avoir patienté une très grosse demi-heure dans l’avenue Foch, en haut de laquelle une jeune femme comme celle sur la photo ci-dessus était postée et filtrait consciencieusement le trafic. En arrivant sur la place de l’Etoile, j’ai pu détecter qu’elle avait quelques collègues "actives" en haut des avenues de la Grande Armée et des Champs-Elysées, notamment...

Ayant eu le temps d’y penser (!), j’ai cherché à comprendre quel était le rôle de ces agents de la circulation, capables de bloquer en très peu de temps trois grandes avenues parisiennes, agissant en complète désynchronisation des mécanismes régulateurs habituels (feux rouges) et suscitant une symphonie d’avertisseurs polyphoniques.

Aucune réponse claire ne m’est apparue, et seules deux hypothèses m’ont paru valides :

1/ La Ville de Paris (à moins que ce ne soit la Préfecture) a des fonctionnaires inoccupés et/ou des objectifs de dépenses à atteindre et a donc dépêché cette "squad" de casquettes à damier jaune et noir pour occuper ces fonctionnaires et/ou dépasser ses objectifs de dépense de nos impôts.

2/ La Ville de Paris cherche définitivement à dégoûter les proches banlieusards comme moi de pénétrer dans Paris en voiture, et met les moyens adéquats pour qu’une partie de la population automobile adopte les transports en commun.

Si j’habitais plus près de la gare, et si j’avais des horaires plus réguliers le soir, j’adhérerais assez volontiers au second objectif, mais j’ai du mal à ne pas retenir la première hypothèse comme étant le plus souvent valide et explicative de cette anecdote.

Vous vous demandez sans doute où je veux en venir. Rassurez-vous, je ne suis pas simplement en train de pointer, à la façon de "Combien ça coûte ?", des dépenses inutiles engagées par nos élus. La parabole est ailleurs...

La criante inefficacité du dispositif des "fliquettes à damier" a non seulement un coût mais surtout des impacts négatifs nombreux : des voitures qui consomment et polluent dans les embouteillages, des gens qui vont arriver en retard et énervés à leur premier rendez-vous professionnel du matin, des comportements irrités, voire haineux, qui se révèlent vis-à-vis de ces fonctionnaires ou des autres automobilistes...

De l’exacte même façon, lorsque l’Etat se mêle trop d’économie, y ajoute sa part d’imprévus, de sur-règlementation, de négation des mécanismes régulateurs "naturels" et d’interaction négative avec les acteurs économiques, il entrave l’économie (on trouvera, à ce propos, beaucoup d’exemples dans mes "posts" précédents, notamment Service non compris ou 35 heures : saison 4).

La Place de l’Etoile est comme une place de marché, avec ses règles et sa fluidité naturelle. La semaine, en l’absence de nos amazones casquettées, tout se passe parfaitement : le rythme des feux et les pratiques usuelles trouvent leur équilibre optimal... Tout se coince dès qu’un agent extérieur (surtout investi d’une autorité "souveraine") y apporte contraintes et imprévisibilité. Tracasseries administratives, règlements complexes, taxes sur "tout ce qui bouge"... portent tous une casquette à damier !

Le libéralisme n’est pas, comme chacun ne le sait pas forcément, une théorie économique, il s’agit plutôt d’une pensée politique qui reconnaît que des systèmes sont nécessaires pour organiser la vie collective et la démocratie, mais qui garde farouchement une ultra-vigilance quant au respect de la liberté individuelle : une des libertés fondamentales étant celle d’entreprendre (et de s’enrichir ce faisant), on comprend pourquoi les entrepreneurs sont majoritairement libéraux.

La liberté de pratiquer telle ou telle religion ou la liberté de s’exprimer sont également fondamentales : la prochaine mise en place de péages à l’entrée des églises, temples, synagogues et mosquées et les prochaines taxes touchant artistes, journalistes (et blogueurs) vont être rendues nécessaires par la situation catastrophique de nos finances publiques (je ne fantasme pas tant que cela ; quand on voit les dernières déclarations d’Alain Lamassoure, autre Pyrénéen pathétique, sur les SMS et les emails, cf. ce post...) En fait, je souhaite assez vivement l’introduction rapide de ces nouvelles "gabelles" car elles permettront au camp des libéraux de grossir très rapidement !

En effet, le respect de la liberté individuelle a dû être oublié quelque part dans nos raisonnements dits "républicains"... Les êtres censés reconnaissent que la liberté individuelle s’arrête là où commence celle d’autrui, considèrent comme absolument nécessaire qu’il y ait un code de la route (il est à noter, d’ailleurs, que, dans les pays dits "libéraux", celui-ci est respecté bien plus scrupuleusement et docilement que chez nous), mais les libéraux font partie de ceux qui recherchent le PGCD (plus grand commun diviseur) et ne veulent pas que les systèmes collectifs, par une trop forte expansion, s’arrogent prérogatives et pouvoirs contraignant l’individu. En France, malgré nos talents en arithmétique, nous semblons confondre PPCM (plus petit commun multiple) et PGCD quand il s’agit de politique ou d’économie !

Je lisais récemment que "69% des Français déclarent n’avoir confiance ni dans la droite, ni dans la gauche pour gouverner le pays, selon les résultats de la première étude du Baromètre politique français (2006-2007) Cevipof-ministère de l’Intérieur". De la même façon, je prends cela pour une forme de bonne nouvelle. Il y a vraisemblablement au sein de ces 69% une importante frange d’extrémistes de tout poil, mais il y a surtout, j’en suis à peu près sûr, une majorité de gens qui comprend que notre système est comme la Place de l’Etoile à l’heure de pointe, et que nos politiciens traditionnels ne font que s’agiter, avec leurs casquettes à damier.

Il y aurait, contre toute attente, en France, une majorité libérale (consciente ou inconsciente) en train d’émerger !


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