Pourquoi Villepin doit partir

par Olivier Bonnet
vendredi 23 juin 2006

Depuis la déconfiture de son CPE et le scandale Clearstream, Villepin cherche son salut entre fuite en avant et déni de réalité. Accumulant les échecs, acculé de toutes parts, ayant perdu sa majorité en même temps que crédibilité, légitimité et honneur, cet homme n’est plus en état de gouverner.

Après avoir porté plainte contre Denis Robert (pour Clearstream l’enquête) et le tandem Gilles Gaetner/Jean-Marie Pontaut (Règlements de comptes pour l’Elysée), on a appris hier que Villepin attaque en Justice l’auteur d’un troisième ouvrage, Complot des paranos, le journaliste Airy Routier. A-t-on, oui ou non, le droit d’informer dans ce pays ? Villepin introduit un très dangereux précédent : enquêter sur le premier ministre conduit directement devant les tribunaux. Et ça commence à faire beaucoup de journalistes d’un coup qu’on cherche à réduire au silence. Croit-on vraiment ainsi étouffer la vérité, en frappant ses messagers au portefeuille ?

Illusion. Villepin gagne du temps. Comme ultime stratégie, suicidaire, de fuite en avant, inaugurée le jour où il dut baisser pavillon (et culotte) devant la déconfiture de CPE. A partir de là, le premier ministre est devenu virtuellement démissionnaire.

Démocratiquement, sa politique désavouée, on se retire. Lui reste. Son implication étroite dans la manip’ autour de Clearstream n’a fait que l’enfoncer encore. Désavoué par l’opinion et ne disposant même plus d’une majorité, comme l’illustre le dossier GDF, Galouzeau ne tient qu’au fil de la volonté d’un président usé, qui a perdu toute légitimité lui aussi, et achève dans la décrépitude absolue un calamiteux règne de douze ans sur la France. Villepin lui-même, génial inventeur de la dissolution désintégratrice de sa propre majorité, jamais élu nulle part, collectionne les sorties de route. Voilà maintenant qu’il insulte le chef du principal parti d’opposition !

Cerné d’accusations de toutes parts, il se conduit comme un autiste politique qui toujours s’enferre, accumule les mensonges sans plus ne tromper personne mais persiste encore. Croit-il pouvoir se raccrocher à son CNE, pourtant jugé par des prud’hommes contraire au droit international ? Une étude du ministère du travail révèle que 10 % à peine des CNE sont d’authentiques créations, les autres venant se substituer à des contrats classiques. Nous écrivions le 19 février dernier : Salariés en CNE : 71 % de dindons de la farce. Hélas, loin du compte. Que répond alors Villepin ? Une étude, pas plus qu’une hirondelle, ne fait le printemps. Foutage de gueule, déni de réalité, irresponsabilité, illégitimité. Prend-on la mesure du danger de laisser un homme dans un tel état aux commandes ? Il mise sur un conflit avec l’Iran pour reprendre la main et dire aux Français qu’ils ont besoin pour les protéger d’un homme d’Etat à la hauteur des grands enjeux internationaux, révèle un haut diplomate anonyme, selon notre confrère de Libération, Antoine Guiral, repris par la revue de presse de Michel Grossiord sur Europe 1.

Une crise internationale majeure pour servir les ambitions du brushing argenté ? Qui peut imaginer un instant que cet homme-là soit encore capable d’être premier ministre de la France ? Peut-on impunément cesser de gouverner ce pays jusqu’à la prochaine présidentielle ? Se permettre de déconsidérer à ce point la classe politique ? Et jusqu’à quand fera-t-on l’économie de la réforme d’institutions qui permettent de telles dérives monarchiques, autorisant Chirac et Villepin, que quatre Français sur cinq ne peuvent plus voir en peinture, à tenir l’Etat en otage ?

Le retour de bâton risque d’être terrible.


Lire l'article complet, et les commentaires