Réserve citoyenne de la police nationale ?
par Jean Claude BENARD
samedi 14 janvier 2006
Il y a peu de temps, je lisais un magazine dans lequel on présentait les chasseurs de primes américains qui ressemblaient, je dois l’avouer, beaucoup moins que je ne le pensais à ce que l’industrie du film nous montre généralement. Bonnes têtes de beaufs du Texas, du Wisconsin ou de Caroline du Nord, mais certainement pas sosies de Josh Randall.
Ces gens agissent pour l’appât du gain, mais légalement, puisque la constitution américaine autorise tout citoyen à devenir auxiliaire de police.
Il existe, pour ceux qui l’ignorent, des sites Web présentant les repris de justice et autres évadés, afin de permettre à tous les citoyens (police publique et privée inclues) de les débusquer et de les livrer à la justice.
Quelques adresses :
- FBI most wanted : Devenez presque un agent du FBI
- The world’s most wanted : Anonyme ? Vous pouvez leur faire un don
- America most wanted : Le plus grand show TV. La télé-réalité dans toute sa splendeur
- US Marshall most wanted : Aidez localement
Pour ceux que la traque concerne vraiment, il faut savoir que lorsqu’un individu est capturé, sa photo est barrée par la mention : CAPTURED.
Il y a de tout, là dedans. Des meurtriers, des braqueurs mais aussi des gens recherchés pour simple témoignage, refus de payer une pension alimentaire, fuite après excès de vitesse...
La France possède sa propre liste en ligne qui est située sur le site du ministère de l’intérieur.
La différence ?
Pour l’instant, les Français n’ont pas encore atteint le degré de paranoïa des Américains, et ne passent pas leur temps à penser à l’agression future qui va les frapper ou frapper familles ou amis.
Là-bas, un juge, un shérif, font campagne (en fait, pas de formation préalable demandée à ces gens, ou peu) et sont en général élus au travers de surenchères sécuritaires sur l’exemplarité des peines. Ainsi, on peut voir des condamnations insensées, en ce qui concerne la durée des peines, pour ce qu’on qualifierait chez nous de peccadilles.
J’ai, comme vous tous, été soumis au compte rendu des vœux de notre ministre de l’intérieur, puisque que tous les médias nous les ont relatés. Vœux étonnants, puisqu’il s’agissait en fait du programme électoral du candidat Sarkozy pour 2007.
Le principal passage présenté par France2, hier soir, était le suivant : « Le ministre de l’intérieur, qui sent monter chez les Français un besoin d’autorité, a également annoncé la création d’une réserve citoyenne de la police nationale, composée de volontaires désireux d’apporter leur contribution à une meilleure sécurité. Ces citoyens seront agréés par la police, et porteront des signes distinctifs... Ces réservistes ne seront pas armés… »
Cette idée, lancée par notre ministre de l’intérieur, est la porte ouverte à tous les excès et abus. Bien qu’on ait expliqué qu’il s’agirait de citoyens responsables et susceptibles de faire le lien entre les forces de l’ordre et les « agitateurs », la réaction des policiers était bien mitigée.
Que deviendra cette idée, si elle est appliquée ?
La France, qui a connu les années noires de l’Occupation, a eu beaucoup de mal à se remettre des phénomènes de délation, de collaboration, des diverses milices et autres polices.
La France possède déjà des forces de police, de gendarmerie, et des polices municipales. Nous sommes un des pays les moins dangereux du monde. Combien faudra-t-il encore recruter d’hommes et de femmes, pour qu’enfin se taise la machine à créer de l’angoisse et de la peur ?
Alors, pourquoi cette idée ?
Probablement
pour continuer à insinuer, dans l’esprit des électeurs, que leur avenir
passera exclusivement par un renforcement sécuritaire plus intense encore. En
passant, compte tenu des privatisations passées et à venir, de la cure
qui va être imposée aux Français pour corriger la dette, il est
évident que l’État ne pourra plus rien pour les problèmes d’emplois
classiques ou précaires, le logement et les discriminations dans ces
domaines.
En ce cas, que reste-t-il, si ce n’est la protection des biens et des personnes ?
J’espère
que les Français ne tomberont pas le panneau d’un discours réducteur,
qui ne laisse aucune place à un travail en amont, plus préventif que
répressif.