Oł en sommes-nous ?

par Corinne Lepage
mercredi 14 avril 2010

Beaucoup de décisions ou de débats lancés par les pouvoirs publics trouvent leur origine, non dans la proposition qui est avancée, mais dans la réalité de nos finances publiques qui ne permettent plus de faire les choix les plus opportuns. La dette abyssale jointe à des risques non négligeables, liés à la nécessité d’emprunter en permanence, ne permettent plus de poser les questions en termes de coûts réels, à court, moyen et long terme et encore moins en termes de politique.

L’affaire des 1500 démolitions des maisons des Pays de la Loire entre dans cette réflexion. Outre le caractère choquant (après 30 ans de laxisme) de mesures aussi rapides et aussi radicales – et sans aborder la question juridique qui n’est de loin pas mince, le choix de démolitions expresses s’explique en grande partie par le fait qu’ordonner la démolition en application du droit reconnu à l’Etat d’exproprier en cas de risque majeur d’origine naturelle permet de recourir au fonds Barnier, au demeurant insuffisant. En revanche, faire les travaux de confortation de digues impose de recourir aux fonds publics, ce qui est probablement impossible à budgéter. Voilà ce qui provoque la décision des zones noires avec une tentative de passage en force. En effet, l’application de la loi permet aux personnes de recourir au juge de l’expropriation après enquête publique, laquelle doit comporter un dossier justifiant à la fois d’un risque majeur et du fait qu’il est moins coûteux d’exproprier que de protéger…

Cela reste à démontrer …sauf que ce n’est pas la même caisse qui paye. Voilà ce qui justifie le choix délibéré de sacrifier des zones qui peut-être pourraient permettre le maintien d’habitations : éviter des travaux, même peu onéreux.

Certes, on peut déplorer que les PPRI n’aient pas été mis en place, que la spéculation se soit attaquée à des zones fragiles et à risques, mais les maisons existent au moins pour certaines d’entre elles. Leur démolition devrait aboutir à une politique identique dans toutes les zones à risque majeur, ce qui conduirait à des changements de cap considérables et à un financement spécifique bien au-delà de ce que permet aujourd’hui le fonds Barnier. De plus, le retard pris pour la mise en œuvre les PPRT (Plans d’exposition aux risques technologiques) est dû à l’insuffisance de moyens pour payer le départ des habitants qui l’auraient demandé. Et pourtant ! L’existence de zones létales au voisinage d’usines Seveso est un fait.

Alors, qu’en est-il ? L’Etat a voulu frapper un grand coup sur la table. Mais outre le fait que la décision ne soit pas nécessairement légale ni opportune, elle ouvre un immense sujet pour lequel il n’est pas financièrement en état d’agir.

Alors, que faire ?

Sortir d’abord d’un mode de faire qui confond urgence et précipitation.

Ensuite, prendre le temps de l’évaluation des choix en ne faisant pas de la trésorerie l’alpha et l’oméga des décisions. Une orientation est une question, son mode de financement en est une autre.

Enfin, changer de priorités, car celles qui ont été poursuivies jusqu’à présent dans ce domaine, à savoir le laxisme et la cécité nous ont conduit au drame que nous vivons et auquel l’Etat est en passe d’ajouter l’injustice comme un deuxième traumatisme. Il est grand temps d’admettre que le XXIème siècle ne se satisfait plus des recettes du XXème.


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