Gaulois, Gauloises, de sang ou de coeur, réveillez-vous ! C’est votre mémoire qu’on assassine !

par Emile Mourey
mardi 15 décembre 2020

 
 Sur RMC découvertes, ce vendredi 11 décembre : "La capitale disparue", très beau documentaire, images de synthèse impressionnantes, on se trouve transporté à plus de 2000 ans en arrière. Cette capitale disparue, c'est celle du peuple éduen, le plus important de la Gaule, que les historiens et les archéologues persistent à vouloir situer sur un mont Beuvray perdu dans les bois du Morvan. En décidant d'accorder à son musée une part importante des subventions prévues pour le patrimoine, la Ministre a-t-elle, une fois de plus, gaspillé l'argent du contribuable ? La localisation de Bibracte au mont Beuvray est, en effet, une tragique erreur que j'ai expliquée aux archéologues du site, mais sans succés. Très inquiétant, le titre de mon récent article sur la véritable Gergovie, au Crest, largement approuvé, n'est pas paru sur la toile comme à l'habitude.

La thèse de ce documentaire est sans ambiguité : notre peuple gaulois aurait été en retard de civilisation, ne sachant construire que des maisons en bois. Au Ier siècle avant JC, César arrive en Gaule et pour la première fois, apparaîssent sur le mont Beuvray des édifices construits en pierre, à la romaine, avant de se répandre dans toute la Gaule.

Hélas ! Rien n'est plus faux ! La tour de Taisey protège la ville de Chalon depuis près d'un millénaire. Des temples de pierre fleurissent en Gaule bien avant JC et ceci, alors que c'est Rome qui n'est encore qu'une ville en bois. 

François Mitterrand, député de la Nièvre, aimait pourtant ce lieu. Il avait raison. Dominant Autun, le massif a conservé son nom d'origine dans une localité nommée Montjeu, mont Jovis, la montagne de Jupiter, montagne mystique des dieux, comme en Grèce. Mais y voir Bibracte, une capitale rayonnante, c'est d'une totale absurdité. Comme l'écrit Strabon, le pays éduen s'organisait autour d'une cité, Chalon-sur-Saône, ville au bord du fleuve, Taisey sur la hauteur, et d'une forteresse, arx, le Mont-Saint-Vincent des comtes de Chalon, en retrait sur la montagne... véritable Bibracte. Tout cela entre le fleuve Saône et un Dubis/Dheune. Au-delà, le mont Beuvray n'est pas dans les limites du pays éduen fixées par l'historien grec et ne peut donc être Bibracte. Ehfin, argument difficillement réfutable, les Éduens n'honoraient pas leur déesse au mont Beuvray mais à Mont-Saint-Vincent... Bibracte.
La géographie fait juge de paix. À l'époque des voies de l'étain, il est facile de comprendre que les deux plus importants fleuves qui traversaient la Gaule étaient "contrôlés". N'importe quel géographe devrait comprendre que la Loire et l'Allier l'étaient par les Arvernes, le couloir Rhône/Saône par les Éduens. Le mont Beuvray qui domine le pays sur la rive droite de la Loire ne pouvait être qu'aux Arvernes, d'où son nom, selon les manuscrits, de Gorgobina ou Gergovina (DBG, VII, 9), la petite Gergovie, la petite Gorgone (c'est une Gorgone que les guerriers arvernes dessinaient sur leurs boucliers). Après la défaite des Arvernes de Bituit face aux armées romaines, n'importe quel historien devrait comprendre que les Éduens ont voulu s'étendre jusqu'à la Loire, d'où l'appel des Arvernes aux Germains pour renforcer la garnison (DBG1,31,5), d'où la tentative des Éduens pour s'en emparer (DBG1,31,6) et leur défaite au Magetobriga cité par César (DBG 1,31,12) et Cicéron (ad Atticum).. .Magetobriga que n'importe quel médiéviste peut identifier au Magobrigum/Mesvres des chartes, au pied du Beuvray... irréfutable témoignage en faveur de mon interprétation... irréfutable témoignage en faveur d'un mont Beuvray arverne, non éduen, qui ne peut donc être, en aucun cas, la fameuse Bibracte. Cette preuve irréfutable, j'en ai informé les ministres et les archéologues. Bibracte, c'est l'ancienne forteresse des comtes de Chalon que Louis VII fit raser et dont il ne subsiste que son temple et une partie de son oppidum... un oppidum ovale semblable à l'enceinte de la célèbre ville de Troie.

François Mitterrand aimait le Morvan et le Beuvray. il a voulu y laisser sa trace en y faisant édifier un grand musée archéologique européen dédié au monde celte. Pourquoi pas ? l'environnement mystique s'y prête. L'erreur est d'y avoir nommé un professeur archéologue spécialiste en histoire romaine dont on connaît l'orientation par les écrits qu'il nous a laissés.

Son "dossier Vercingétorix" s’efforce de démolir le personnage historique des textes antiques auquel, depuis Camille Jullian, nous avons cru. Vercingétorix fait piètre figure. Il n’a pas de personnalité, il ne joue qu’un tout petit rôle (page 230). La reddition de Vercingétorix devant César ? Une invention des auteurs anciens ; la fin est nulle, plate (page 328). Après avoir déboulonné la statue de Vercingétorix, le « grand patron » en histoire gauloise s’en prend ensuite à la Gaule. Véritable paradoxe, alors que les discours de César se font au nom de Rome, alors que ceux des Gaulois se font au nom de la Gaule, il nie tout sentiment gaulois ; il n’y aurait eu que des patriotismes de cités. Les frontières de la Gaule ? Une invention de César (page 238). Corrigeant superbement les témoignages antiques, il affirme : « Dans l’antiquité, la Gaule, ça n’est rien, ça n’existe pas (page 238) ». La maison de Vercingétorix ? Une maison en matériaux périssables (terre et bois) (page 243). Le physique impressionnant du chef arverne ? Une invention de Dion Cassius et de Florus (page 282). Comment fut-il exécuté ? Nous l’ignorons et, à vrai dire, cela importe-t-il ? (page 328). Faisant l’apologie de l’ouvrage, la revue "L’archéologue" (n°53) résume l’idée que se fait l’auteur du héros arverne : un guerrier coupeur de têtes, un paysan élevant des cochons. 

Il n'est donc pas étonnant si le documentaire s'inscrit dans ce fil. Sur le plan artistique, avec ses images de synthèse d'un paysage oublié, le film est certes magnifique, mais que veulent dire ces reconstitutions de monuments à colonnes typiquement romains qui surgissent et derrière, alignées comme un troupeau, ces petites maisions de bois aux toits de chaume ou de bardeaux ? Le message est clair : le documentaire veut nous persuader que nous avons là le début d'une urbanisation à la romaine qui va se répandre sur toute la Gaule. Dans cette hypothèse absurde, je suppose que les édifices faussement dits romans qui vont, dit-on, suivre, feront disparaître définitivement le "gaulois". Hélas, Rien n'est plus faux ! Nous sommes en pleine confusion.

Voici une entrée de Mont-Saint-Vincent qui n'est manifestement ni romaine, ni romane, mais gauloise.

Je me suis beaucoup intéressé aux fouilles des lieux antiques, notamment de Galilée, et c'est bien la première fois que je vois une restitution de grandes demeures à colonnes sur la mise au jour, apparemment, d'un seul pied retrouvé de colonne. Quant aux maisons antiques, en pierre, de Bibracte et de Gergovie, il faut aller les chercher à Mont-Saint-Vincent et au Crest. Beaucoup sont toujours là. Moi-même, j'ai pu visiter, à Mont-Saint-Vincent, le palais ignoré des empereurs qui se cache dans une maison bourgeoise aux murs dont l'épaisseur étonne.

Conclusion : Face à César, ce géant de l'Histoire - un jeune homme se dresse : VERCINGETORIX, un nom qui est fait pour inspirer la terreur (Florus). Son programme politique : « Faire diligence pour rassembler les cités gauloises, et faire ainsi de toute la Gaule un seul conseil où se décideront des accords auxquels tout le monde devra se soumettre (DBG VII, 29) ». Sa motivation : « Si j’ai mené cette guerre (contre l’envahisseur), ce n’est pas pour mes intérêts mais pour la liberté de tous (DBG VII, 89) » (c’est-à-dire pour un idéal de société où tous les hommes, quels qu’ils soient, seront libres). Son père naturel : Celtil, grand chef des Arvernes, druide suprême de la Gaule. Son père spirituel : Dumnorix, chef de la cavalerie éduenne, qui s’écria avant de mourir, assassiné sur ordre de César : « Je suis un homme libre ! J’appartiens à une cité libre ! (DBG V, 7) ».

  1. Emile Mourey, 14 décembre 2020
  2. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/mont-beuvray-gorgobina-site-159475
  3. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/cette-plaisanterie-de-bibracte-au-189584
  4. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/a-mm-les-archeologues-au-sujet-de-209158
  5. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/a-mm-les-archeologues-pierre-209492

Voici ce qu'était la Gaule !

En haut, à gauche, Gaulois élevant dans sa main droite le sanglier du courage militaire, dans sa main gauche, le serpent du mal. Gourdon, Ier ou IIème siècle avant JC...

Chaudron de Gundestrup : homme sage à la ramure de cerf/épine noire.

Terre-mère selon Gergovie Bibracte transmet à sa colonie, Flavie (Autun), le symbole du pouvoir : le temple de Bibracte/Mont-Saint-Vincent, porche et abside. 


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