Nature : réalités et mondes imaginaires
par Jacques-Robert SIMON
lundi 14 octobre 2024
Quels sont les ressorts qui animent le Monde ? La Nature sans doute, les idées peut-être.
Existe-t-il un lien entre la Nature et l'intelligence ? Il faut trouver un paramètre pertinent pour répondre à cette question. L'Intelligence peut-elle être reliée à la taille du cerveau par exemple, ce qui fournirait un premier jalon vers le bon chemin.
Plus le cerveau est volumineux, plus l'intelligence devrait être grande. Les premiers pas dans cette direction sont encourageants : au fil de l'évolution la taille des cerveaux des hominidés a été multipliée par 3. Dans le même temps, d'innombrables aptitudes intellectuelles et manuelles ont été acquises : le langage articulé, certains outils, l'art symbolique... Les espèces dites inférieures, le gorille, le chimpanzé, ont des boîtes crâniennes beaucoup plus petites. Les choses toutefois se compliquent rapidement car les femmes ont aussi en moyenne des cerveaux plus petits que celui des hommes. On constate également que les asiatiques ont des cerveaux plus volumineux que les européens qui eux ont des cerveaux plus gros que les africains. Fort heureusement, personne n'a montré que les Hommes illustres par leur savoir ou leur inventivité ont des cerveaux plus développé que leurs congénères de même rang social. De plus il existe des différences personnelles considérables dans chacune des "races". Enfin, il a été noté une diminution globale de la taille du cerveau lors des 30 000 dernières années durant lesquelles Homo Sapiens a tant oeuvré.
Des esprits chagrins se permettent d'insister et font remarquer que les asiatiques ont commencé dès le deuxième siècle avant Jésus-Christ à construire une grande muraille qui fera finalement plus de 6000 km de long. Bien avant que la cathédrale Notre Dame de Paris fut commencée, les grecs puis les Romains avaient bâti de nombreux ouvrages grandioses. Que les premières pyramides furent édifiées plus de 2000 ans avant J.C. pour donner lieu aux 118 encore actuellement recensées. Si l'on excepte une grande mosquée au Mali du XIIIe siècle, rien de comparable en Afrique noire.
Et plus encore !
Lorsqu'une comparaison doit être faite concernant l'efficience d'un système ou d'une société, toute personne sensée fait appel au PIB par habitant (en y ajoutant si besoin est divers correctifs de pouvoir d'achat). La Chine et l'Algérie avaient des PIB/habitant à peu près identiques en 1960, soixante ans plus tard la nation asiatique produisait 3 fois plus de "richesses" que celle située en Afrique du Nord. Il y a un demi-siècle le Mali avait un PIB/habitant un peu inférieur à celui de la Chine, il est maintenant presque 10 fois moins important.
Les chiffres, les évaluations quantitatives semblent têtues : l'égalité est un mythe, une fable que l'on raconte aux croyants pour qu'ils se tiennent tranquilles. Et même ajoutent certains, si on compare le nombre d'inventeurs, de savants, d'artistes, de littérateurs, d'architectes de génie, de tailleurs de pierre, d'ébénistes hors du commun de financiers peut être retors mais fortunés... et même de cuisiniers prestigieux, bien peu sont des femmes ou si l'on en croit les vents dominants le sont restées malgré leur désirs. La Nature n'a que faire de l'égalité ou de quelque autre principe et pour survivre tous ne songent qu'à se reproduire pour perpétuer l'espèce.
Mais que sait-on de la Nature ? A l'origine, de l'eau bien sûr, puis quelques molécules d'ammoniaque, de dioxyde de carbone principalement. Par le plus grand des hasards des réactions auto-catalytiques prennent place dans le milieu et des organisations moléculaires définies sont possibles : la Vie est née laissant derrière elle la Chimie trop rudimentaire. Des cellules se forment, la reproduction sexuée prend son essor il y a 1 ou 2 milliards d'années, pour engendrer une diversité maîtrisée gage de survie dans des milieux changeants. Plantes, animaux, champignons se développèrent à partir de là. Créer des différences est un moyen supplémentaire de pérenniser l'espèce mais elle conduit quelquefois à des différences morphologiques et cérébrales considérables. Les mutations ne sont évidemment pas planifiées et sont dû au seul hasard. Beaucoup de temps est toutefois nécessaire pour qu'un équilibre soit atteint. La Nature est évidemment la seule réalité, s'y référer c'est approcher le vrai. La Nature n'a rien à voir avec l'intelligence mais l'intelligence peut modifier la Nature.
Qu'en est-il de l'espèce humaine dans ce cadre ?
Le plus fort des primitifs pille ou tue le plus faible et ses pensées ne servent qu'à accroître sa force pour exterminer avec plus d'efficacité ses voisins. Cependant déjà à ce stade, l'Homme se construit un monde imaginaire qui s'écarte des préceptes de la Nature. Ce monde disjoint du réel sera par essence arbitraire car il ne peut se donner aucune légitimité autre que la sienne propre. Ainsi notre vaillant primitif dominateur aura quelquefois pitié d'un ennemi... par peur peut-être de quelque force obscure.
Contrairement à ce que dit un Philosophe, Dieu n'est pas la Nature. L'Homo Sapiens a eu peur des orages, des volcans, des bêtes sauvages, il lui fallait le recours de forces surnaturelles pour maîtriser des éléments naturels trop menaçants. Un temple datant de plus de 10 000 ans a ainsi été retrouvé probablement dans ce but. Une religion aurait donc précédé l'apparition de l'agriculture. Une floraison de cultes va suivre célébrant une multitude de dieux. On voua ensuite une vénération particulière pour un seul dieu quelques centaines de siècles avant Jésus Christ. Si les rites diffèrent sensiblement, les raisons qui conduisent à l'apparition de toutes les religions sont identiques, il s'agit de construire un "irréel" crédible permettant une hiérarchie à l'écart des "lois" naturelles et faisant donc accepter un arbitraire écrit par les Hommes plutôt que dicter par la Nature. Puisque l'arbitraire est Roi, la Vérité devient un principe annexe, elle est remplacée par le vraisemblable ou plus communément par tout ce qui peut être cru. Les systèmes politiques s'adosseront aux religions déistes comme païennes pour asseoir leur pouvoir.
L'intelligence est souvent mise en avant pour vanter les qualités d'un système politique, d'un clan, d'une civilisation alors qu'elle ne se manifeste que par un individu, le groupe n'est préoccupé que par la domination. L'intelligence comme toutes les autres aptitudes est inégalement répartie dans un groupe humain (ou pas). Si vous chronométrez les performances lors d'une course de 100m, très peu courront en moins de 10s, un peu plus en moins de 11s, beaucoup en moins de 20s et seuls quelques-uns devenus inaptes aux efforts mettront davantage de temps. Ceux qui innovent font eux-aussi partie d'une petite minorité qui ne souhaite généralement pas faire comme les autres. Ils se créent un microcosme personnel surtout pour se protéger d'une quotidienneté trop éprouvante. Les puissants régentent un monde qu'ils ne comprennent pas et qu'ils n'ont aucune chance de changer.
Mais la plus grande des révolutions permettant de se détacher de la Nature restait à faire. La loi du plus fort des primitifs qui mimait, sans atteindre sa dureté, la sélection naturelle, fut remplacée par la loi du plus apte par sa naissance, puis du plus méritant par sa vertu, puis du plus attrayant grâce au suffrage universel. Les principes proposés par ce dernier mode de sélection des puissants n'avaient plus grand-chose à voir avec la Nature mais dans ce mode chacun pouvait se sentir l'égal de tous (avec évidemment des arrangements considérables pour préserver la mainmise des uns sur la société). Il subsistait encore une formation pyramidale des responsabilités mais celles-ci étaient exercées non par le plus talentueux mais par celui qui avait le plus d'allant et bien plus encore le plus attrayant.
Il était toutefois possible d'aller plus loin.
Les hiérarchies sociales dépendaient jusqu'alors d'une pensée, plus ou moins élaborée, plus ou moins accessible. Les uns y croyaient, les autres l'utilisaient à leur profit. Les Droits de l'Homme, considérés vraisemblablement à juste titre comme universels, permettaient d'entrapercevoir un monde idyllique où chacun respecterait chacun. Le rêve semblait pouvoir permettre d'effacer ou du moins de gommer les différences et les inégalités qu'elles engendrent. Mais le cadre était encore celui de la pensée, on jugea bon de s'en passer. L'émoi, l'affectif, les sentiments fugaces et insaisissables allaient se substituer au rationnel qui ne conduisait pas au résultat souhaité : faire un monde d'identiques.
Pour mettre en valeur un combat qui doit culpabiliser la gent masculine trop captif de son héritage biologique qui le porte à désirer ce qu'on ne lui offre pas toujours aussi souvent qu'il souhaiterait, une lutte fut engagée. Plutôt que d'argumenter, on choisit d'utiliser les images pour troubler les consciences.. Tous les détails les plus sordides, les plus monstrueux que des monstres avaient commis furent dépeints avec un luxe de détails, encore et encore jusqu'à obtenir le dégoût désiré, non pas des actes mais des hommes. L'homme est dépeint comme un prédateur réel ou au moins potentiel et toute la "race" est à condamner. Le système politique en place donnant une grande place spectaculaire et les extraordinaires caisses de résonance fournies par les nouveaux médias fonctionnent à merveille pour transformer les émotions en un cadre législatif.
Les Hommes étaient rêvés égaux, ils vont pouvoir devenir identiques non seulement dans un monde imaginaire. La reproduction est au coeur de l'évolution naturelle et c'est, et de très loin son principal ressort. Si hommes et femmes s'entredéchirent, il y a peu de chances que leur union puisse être encore envisagée. Normalement ceci devrait conduire à l'extinction de l'espèce. Mais les innovations techniques sont bien en avance sur le savoir-faire politique. Le monde des Sciences a d'ores et déjà trouvé des parades à une infructueuse possibilité de descendance. A partir de molécules chimiques simples, le technicien sait faire de l'ADN, il sait l'introduire au sein de cellules permettant la duplication de celles-ci, il sait recueillir dans de bonnes conditions l'embryon en gestation, il sait attendre le temps convenable pour qu'un nouvel humanoïde apparaisse. Il serait possible de varier les caractéristiques morphologiques et cérébrales de ces nouveaux nés, mais le plus simple pour éviter tout désagrément sera de les fabriquer strictement identiques et en nombre tout juste suffisant pour tirer profit des ressources résiduelles de la Terre.
Et les tous-pareils seront heureux et à l'abri de tout péril. De toute façon on peut en synthétiser d'autres. C'est une anticipation bien sûr, mais de si peu...