L’imposture de l’aide américaine

par Jules Seyes
mercredi 24 avril 2024

L’avantage de la propagande est que les éléments de langage sont distribués à tous équitablement. Il suffit de lire un article pour les avoir tous lu.

Am Stram Gram, c’est donc tombé sur France info qui fournit cette fois-ci la propagande pour analyser le prêt à penser sur le nouveau paquet de l’aide américaine.

Sonnez tambours, résonnez trompettes, le congrès a enfin voté le paquet d’aide à l’Ukraine et nous allons voir ce que nous allons voir ! Finalement, il suffit de lire la propagande, c’est elle qui en parle le mieux ! Il suffit juste de savoir l’interpréter bien sûr :

https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-ce-que-pourrait-changer-l-aide-americaine-de-61-milliards-accordee-a-kiev_6499583.html

Soyons méthodique, commençons par le chapeau :

Le vote aux Etats-Unis d'une enveloppe importante d'aide pour l'Ukraine va permettre l'envoi de nouvelles munitions sur le front, mais va aussi apporter un avantage psychologique à l'armée ukrainienne.

 

Donc, si nous considérons : L’aide soulagera la situation sur le plan des munitions, oui, mais elle ne lèvera pas les limites de production. Sinon, on nous parle d’avantage psychologique et il convient de savoir interpréter le terme psychologique dans la propagande de guerre : On l’utilise dans les moments où, faute de pouvoir invoquer des faits matériels il est nécessaire de se montrer positif.

 

Confirmé par la lecture des détails : Il va arriver des obus, des munitions, des missiles de longue portée, des missiles de défense antiaérienne.

Autrement dit, la structure des forces ukrainienne demeurera dans les prochains mois celle qui a depuis le début de la guerre subi la domination des Russes. En effet, 500 000 tués, chiffres aujourd’hui admis, contre 50-60K tués russes représentent un des rapports de pertes les plus défavorables de toute l’histoire militaire dans un conflit conventionnel. Le retour des munitions permettra de tenir un peu plus longtemps, de ralentir les Russes en leur infligeant des feux supplémentaires, mais en aucun cas de modifier la dynamique militaire.

Le commentateur suivant qui répète pour bien enfoncer la bonne parole est tout de même contraint d’admettre Certaines batteries, certains canons ne pouvaient tirer que cinq ou six coups chaque jour.

Voila la situation dramatique de l’armée ukrainienne dont on évitait de trop nous parler ces dernières semaines : Incapable de maintenir ses feux et de compenser le volume de feu de l’artillerie russe dans la zone des 0-30Km, le rapport de feu est tout simplement désastreux. Il ne s’inversera pas, mais deviendra moins dramatique !

Enfin, si les armes sont en stocks, avant la suspension de l’aide, les USA étaient à court d’obus, ils ont dû en produire… un peu.

Une partie de cette aide correspond en réalité à des achats sur le sol américain à des industriels américains pour l'armée américaine, qui va pouvoir reconstituer ses stocks et se défaire de matériel plus ancien.

27mds sont pour de nouveaux contrats

"L’aide" sécurise surtout des commandes qui mettrons du temps à arriver sur le front.

Ultérieurement l’article précise le détail ou plus exactement les besoins ukrainiens :

les munitions d'artillerie, y compris les lance-roquettes Himars qui permettent des tirs dans la profondeur, et bien sûr tout ce qui est lié à la défense sol-air.

Les fameux tirs dans la profondeur si essentiels pour démanteler le dispositif russe. Alors, certes, le renseignement de l’OTAN permet de les mettre en valeur. N’oubliez jamais que l’Ukraine tient seulement car des centaines de milliards d’investissements en moyens de renseignement de l’OTAN son mis à sa disposition : Satellites, avions de reconnaissances, stations d’écoute, probablement des capacités d’analyses des état majors occidentaux. Cette aide, intangible (Ce qui est bien pratique au plan politique) se révèle essentielle dans les combats ukrainiens et nous place à la limite de la cobélligérance. Surtout, elle nous rendra incapable de nier notre engagement aux cotés des banderistes une fois la défaite acquise et l’heure des comptes venue.

Il reste à l’exploiter et donc à trouver des effecteurs. Ceux-ci DOIVENT être ukrainiens pour maintenir le faux semblant diplomatique[1]. D’où l’importance de l’aide afin de permettre de valoriser les moyens de renseignements. Les feux dans la profondeur permettent de frapper les dépôts, les convois de ravitaillement, les états-majors et probablement nombre de systèmes à forte valeur ajoutée : Guerre électronique, radars de défense AA… La frappe dans la profondeur se montre donc précieuse pour les kiéviens, car elle dégrade l’efficacité des forces russes et donc ralenti leur rythme opérationnel, mais elle ne les protège pas de leurs propres erreurs comme le fut l’offensive sur Robotnye menée dans des conditions d’impréparation criminelles (Les logiciels tactiques de l’OTAN auraient dû révéler les failles du concept tactique. Ils l’ont surement fait, mais on a choisi de l’ignorer en pensant compenser par l’esprit de sacrifice des Ukrainiens dont la vie semble bien méprisée par leurs amis[2] !).

De facto, les commentateurs le reconnaissent : Ils ne sont pas en mesure de relancer une offensive terrestre.

L'Ukraine n'a pas la ressource humaine suffisante pour former des bataillons capables d'aller en offensive

Conclusion à en tirer : les supports et les réserves qui permettraient une telle action ne sont plus là et devront être reconstruits et comment le pourraient-ils lorsque le même commentateur ajoute :

 il faut leur donner les moyens de se défendre pour que les Russes ne percent pas la ligne de front.

Autrement dit la situation est tellement grave que les réserves ukrainiennes sont sursollicitées pour tenir les lignes. Traduisez : L’armée Ukrainienne manque d’infanterie pour occuper les tranchées et de moyens de contre-attaque. (Celles-ci sont aujourd’hui des opérations d’infanterie apportée à proximité par les forces mécanisées.)

Conclusion reconnue par le commentateur :

ce grignotage épuise l'armée ukrainienne

La seule utilité de l’aide sera donc de permettre de tirer sur les positions conquises par les Russes pour permettre des contre offensives plus facile. 60 milliards, enfin, un peu moins car ceux-ci sont saupoudrés comme du sucre glace, cela fait cher pour un si maigre résultat.

La vraie humiliation pour l'occident, au fond, ce n'est même pas que la Russie tienne seule tête militairement à 35 pays occidentaux dont toutes les puissances majeures, mais qu'elle le fasse sans même avoir besoin d'imposer de contraintes particulières à ses citoyens. De cela, pas un mot !

 

Alors, comment éviter de laisser le lecteur sur cette impression désastreuse ? Là entre en jeux le talent du propagandiste qui après vous avoir avoué l’inutilité de l’aide doit forcément vous faire rêver.

Donc, selon la plus vieille logique de la courbe en J, ça va aller mal, puis tout s’améliorera ensuite par la seule magie du temps qui passe et dans le futur tout deviendra brillant et parfait. On vous promet même l’offensive pour 2025. Les promesses n’engagent après tout que ceux qui les écoutent.

Hélas, méchanceté, étroitesse d’esprit et surtout matérialisme à en mourir me caractérisent. Alors j’ose rompre le consensus et poser la question : Avec quoi ? La ressource humaine ukrainienne est déjà sous tension et passer de la conception du bébé au soldat sur le front exige 20 ans[3]. Les soldats de cette guerre sont déjà tous nés et la seule question est celle du taux de mobilisation. Comptez les morts, les blessés, ceux partis du pays qui ne reviendront pas et vous pouvez approfondir l’ampleur de la tension sur les effectifs.

Quant à reconstruire des unités suffisamment nombreuses pour pouvoir obtenir une supériorité numérique sur une armée russe en constante augmentation ? Cela signifie de recruter plus de deux cent mille hommes simplement pour conserver la parité numérique[4], d’en trouver et former plusieurs centaines de milliers supplémentaire. En réalité, l’Ukraine a déjà dépassé le seuil raisonnable pour éviter d’hypothéquer son avenir.

Au 500 mille morts, s’ajouterons probablement autant de gueules cassées si ce n’est plus, l’aide, rajoutera plusieurs mois de combats, assez pour éviter de constater la défaite avant l’élection américaine, mais au prix de centaines de milliers de morts et blessés supplémentaire. L’égo des politiciens occidentaux incapables d’admettre la défaite finale de l’Ukraine incapable de ressaisir l’initiative stratégique sauf à imaginer l’invention d’une nouvelle technologie, forme moderne du miracle.

Là encore improbable, la courbe d’amélioration technologique des deux camps semble pourtant relativement favoriser les Russes qui ont jusqu’ici réussi à résoudre davantage de problèmes tactiques que les Ukrainiens.

 

Impossible de le dire si on désire continuer à envoyer les Ukrainiens à la boucherie, alors on vous ressort les fameux effets psychologiques avec une transition de derrière les fagots :

La guerre est aussi une affaire de moral

Et comme justification :

 Aujourd'hui, les Ukrainiens ont une perspective. Leur résistance a une perspective de renversement.

Désolé, mais vous pouvez répéter le mot perspective aussi souvent que vous le désirez, la perspective exige des troupes. Listons les besoins :

En tout, 700 000 hommes, voila la perspective, les 60 milliards n’y changeront rien, en dehors de payer une villa supplémentaire où monsieur Zelenski pourra se terrer après-guerre pour éviter de croiser ses victimes.

Donc, pour éviter d’approfondir on continue dans la propagande avec le :

Pour Kiev, c'est une victoire politique et morale.

C’est beau le mot victoire, vous entendez sonner les cloches de églises, il convient donc de le mettre à toutes les sauces. Sans doute, à défaut de pouvoir remporter des victoires sur le terrain, on gagne des votes mis en scène avec soin chez les amis au congrès. Beau triomphe, mais jamais le Sénat romain n’a accordé cette distinction pour avoir gagné devant une chambre, nous vivons une époque étrange !

Cela permet d’annoncer :  l'Amérique n'abandonne pas les démocraties

Ainsi, on peut répéter à l’envie que l’Amérique, dont les élections sont contestées grâce aux machines dominion, soutient la "démocratie" ukrainienne avec ses dizaines de partis et de médias interdits, sa police politique forte de 30 000 hommes qui eux ne sont pas au front et capable de faire mourir des journalistes américains dans ses geôles. Car cette curieuse conception de la démocratie trouve normal de laisser pourrir Assange en prison pour avoir fait du journalisme, Gonzalo Lira dans les prisons de Kiev, mais elle réclame bien haut des comptes pour la mort d’un escroc dans une prison russe !

Enfin, après tout, les mots n’ont que la valeur que l’on leur confère et démocratie semble dans nos médias davantage s’appliquer aux pays sous contrôle de BlackRock qu’à ceux où le peuple s’exprime. Cette démocratie a il est vrai l’avantage de privatiser les profits et de socialiser les pertes, elle est donc préférable à celle des Russes !

Poutine, élu par 87% des votants, chiffre en accord avec les sondages d’opinion, ça n’est donc pas démocratique, alors que Scholtz, Macron détestés par les trois quart de leur concitoyens, là est la démocratie…

Donc, remettons les mots à leur place, les Ukrainiens savent désormais que BlackRock n’oublie pas ses filiales et qu’ils recevront des fonds pour prolonger le versement des dividendes. Puisse cette satisfaction leur rendre plus douce la mort de leur père de leurs maris.

Pardon, suis-je méchant et vieux jeu, de leur iels, de leurs épouses et de leur mère puisque pour atteindre les quotas d’effectifs l’armée ukrainienne post moderne prend tout le monde en première ligne peu importe son genre. Les femmes pourront donc aussi succomber pour la cause, on comprend que la psychologie soit importante pour encourager au suicide du pays !

 

Enfin, last but not least comme disent nos amis anglo-saxons :

Ce vote, c'est aussi un message envoyé aussi aux Européens pour les conforter dans leur soutien à l'Ukraine

Rappel à l’ordre : les provinces ont le droit de payer, après tout, pourquoi les familles chez nous, devraient-elles joindre les deux bouts ? Le gaz, l’électricité ont explosé et les profits de la guerre sont privatisés. Seulement, l’Europe est incapable de transformer cette aide en obus et munitions, alors il a bien fallu en passer par Washington seul à même de rendre l’aide militaire un tant soit peu concrète. Le commentateur s’empresse de nous rappeler les exigences de l’Hégémon, "merci m’sieur not’bon maître !"

In fine ? Que tirer de cette aide ? Les Usa constatent que les Européens sont incapables de soutenir matériellement l’Ukraine. L’Europe peut envoyer Valérie Hayer à Kiev, mais pour produire des obus, il faudrait un attelage qui ne soit pas mené par Thierry Breton[5].

Washington est donc contraint de remettre au pot et a dû acheter suffisamment d’Elus républicains pour y parvenir. La facture sera intéressante à connaitre !

L’aide ne changera rien pour l’Ukraine, mais le pendu se débattra un peu plus sur la route de l’échafaud et gagnera peut-être le temps nécessaire pour permettre de passer les élections de novembre. Les Russes continueront eux, à engranger les succès diplomatiques et n’ont aucune raison de presser la donne.

Et évidemment, nos commentateurs vont nous remplir les oreilles de leur discours dithyrambique pour magnifier le sacrifice des Ukrainiens, auquel ils ne participent pas depuis leur plateau de télé.

 

[1] Je vous rappelle que selon la propagande occidentale, la Russie n’affronte pas l’OTAN… Juste une très large partie de ses moyens de renseignements mis à disposition de l’Ukraine. Que font par exemple les AWAC français en mer noire, Mr Lecornu ? Du tourisme je présume…

[2] Autre point à retenir chez nos moralistes : Ils se préoccupent du bien, du mal, mais curieusement le sort du peuple ukrainien et la manière dont il vivra avec les conséquences du conflit semble échapper à leur intérêt.

[3] Seul le docteur Marty et les chefs de projets croient que neuf femmes peuvent avoir un bébé en un mois.

[4] Cela semble être le rythme de recrutement des volontaires russes : 16 mille hommes par mois.

[5] Pardon, je suis cruel et insensible au trimphe industriel que fut Athos comme à la beauté des mathématiques fais par Bruno Lemaire.


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