Attal : le nouveau coup de com grossier de Macron

par Laurent Herblay
samedi 20 janvier 2024

Il y avait urgence. Les sondages sur l’élection européenne devenaient de plus en plus inquiétants, avec le décrochage de la liste macroniste par rapport à celle du RN et la résistance des autres formations. Et la cote de popularité du président est proche du plancher atteint pendant les Gilets Jaunes. Macron tente donc un coup de poker avec la nomination du plus jeune premier ministre et un coup de barre à droite dans la composition du gouvernement. Trop grossier pour fonctionner ?

 

Jeune clone communicant docile, conformiste et superficiel

L’opération peut sembler habile pour les analystes à courte vue. Gabriel Attal était le ministre le plus populaire et sa jeunesse semble marquer des points à la fois au sein de l’électorat macroniste et auprès des jeunes. En outre, dans un constat à double tranchant, sa popularité est attribuée à des dons de communicant, pas à un quelconque bilan. Mettre ce don au service de tout l’exécutif pourrait permettre de redresser la barre pour les européennes. Mieux, il plait à l’aile gauche de la macronie, ce qui pourrait équilibrer le brusque virage à droite de l’exécutif, avec le départ de pas moins de 4 figures de « l’aile gauche » (Borne, Véran, Dussopt, Beaune), après leurs états d’âme lors du vote de la loi immigration, alors que deux nouveaux LR (Vautrin, Dati) rejoignent la galère macroniste, rapprochant toujours plus Macron de Sarkozy. Ce casting peut-il faire à LR ce que l’exécutif a réussi à faire au PS en 2022, la quasi annihilation ?

Mais ce schéma est purement théorique, et semble en réalité bien fragile. D’abord, il ne faut pas oublier que l’ascension sondagière de Gabriel Attal est très récente. Il y a six mois, il n’était qu’un des jeunes ministres macronistes parmi les autres. Certes, il a su dire ce qu’il fallait dire pour percer une fois devenu ministre de l’éducation nationale, mais cette percée est beaucoup trop récente pour être solide. Sa popularité n’est qu’une bulle qui pourrait éclater. En outre, cette semaine a bien montré qu’il n’est que le pantin docile du président, et il devra composer avec des ministres puissants qui pourraient bien ne le prendre que comme un porte-parole plus capé… Le coup de barre à droite est aussi un rétrécissement de la macronie aux anciens UMP et aux jeunes loups, ce qui fait une base électorale un peu courte.

Le cynisme de cette nouvelle construction est un peu trop éclatant pour être ignoré. Dati, qui dénonçait une alliance des « traîtres de gauche et des traîtres de droite », cherche seulement à unifier l’électorat LR et Macron en vue des prochaines municipales de Paris, mais elle pourrait payer sa rupture trop opportuniste avec LR, d’autant plus qu’elle ajoute un dossier de plus à la longue liste des ministres mis en examen. Plus gênant encore, certains choix apparaissent aberrants. En premier lieu, la nomination d’Amélie Oudéa-Castera à l’Éducation Nationale, alors qu’elle conserve les Sports et qu’elle chapeautera les JO cette année. C’est donc bien une ministre à mi-temps qui est nommée sur ce sujet, et qui semble ne strictement rien connaître à la question, à en croire son discours totalement creux de passation.

On peut aussi s’inquiéter de la nomination de Stéphane Séjourné au ministère des Affaires étrangères  : avoir passé quatre ans au parlement européen est un court pour piloter la diplomatie d’un pays comme le nôtre. Enfin, le périmètre gigantesque du ministère de Catherine Vautrin peut aussi poser question, l’état calamiteux de notre système de santé, sa complexité et le niveau de dépenses (plus de 300 milliards, plus que les recettes nettes du budget général) semblant quand même mériter un ministre de premier plan de plein exercice. Au final, comme avec la loi immigration, on peut aussi penser que ce coup de com grossier ne permettra pas d’élargir la base trop étroite du macronisme : le nouveau casting peut achever de ressusciter la gauche sociale-démocrate et écologiste sans pour autant convaincre à droite.

L’effarante bulle médiatique, bien complaisante à l’égard du nouveau locataire de Matignon, qui n’a pas démontré grand-chose, pourra-t-elle permettre un petit redressement temporaire des sondages du président et pour les électrions européennes  ? Le nouveau plancher atteint en janvier rend la chose facile, mais je pense que si rebond il y a, il sera limité et de courte durée. La langue de bois déconnectée de la réalité ne pourra pas convaincre venant d’un exécutif depuis trop longtemps au pouvoir.


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