On achève bien les chevaux

par Michel DROUET
vendredi 15 décembre 2023

Écrit à la suite de la grande dépression de 1929, "On achève bien les chevaux" est le premier roman noir d'Horace McCoy (*). Ce texte intemporel, est une violente dénonciation du rêve américain. Particulièrement noir et désespéré, il s'attache à explorer l'envers du décor en décrivant la misère de ceux prêts à toutes les humiliations pour pouvoir gagner simplement de quoi survivre.

Désœuvrés et sans argent, Robert et Gloria, figurants au cinéma n'ont eu qu'un long parcours chaotique semé d'échecs. Ils décident de s'inscrire à un marathon de danse dans l'espoir de décrocher les 1 000 dollars de récompense et de se faire remarquer par un des producteurs formant le public quotidien de ces soirées. Il ne leur reste plus qu'à tournoyer des semaines entières au rythme de l'orchestre (**).

Il existe des similitudes entre la description du « rêve américain » inatteignable, décrit dans le roman d'Horace McCoy « On achève bien les chevaux » et la Russie de Poutine qui recrute des volontaires - primes alléchantes à ceux qui survivront - pour aller se faire tuer en Ukraine au rythme de l’orchestre du Kremlin, dans un tragique bal des zombies.

Nous ne sommes plus dans la fiction, mais dans la triste réalité. L’annexion surprise de la Crimée n’a pas pu être réitérée et la prise « en douceur » de Kiev et de l’Ukraine est un échec. « L’opération spéciale » s’est transformée en guerre totale (il faut bien appeler les choses par leur nom). C’est désormais la guerre du Donbass et son bourbier qui font référence.

Vingt mois après, les « buts de guerre » ne sont pas atteints. L’Ukraine résiste, avec l’aide des occidentaux, et la Russie est obligée de faire appel à des alliés sulfureux comme la Chine, la Corée du Nord, l’Iran ou les monarchies du Golfe pour contourner les sanctions, refaire ses stocks de munitions ou maintenir les cours du pétrole. Poutine est devenu l’obligé des dirigeants de ces pays autocratiques eux aussi peu portés sur les droits des hommes et des femmes.

Ces « alliés » de circonstance sauront se payer sur la bête le moment venu, lorsqu’il s’agira de toucher les dividendes de leur soutien, qui ressemble fort à la corde qui soutient le pendu.

Des signes de faiblesse existent aussi sur le terrain. La Russie occupe 18% de l’Ukraine, sans avoir pu assurer sa domination sur la mer Noire ni occuper Odessa, principal port. Les attaques ukrainiennes sur la Crimée et sa flotte ont fragilisé et exclu la Russie de cette zone maritime et rouvert la voie à l’exportation de céréales.

La stratégie de défense consistant à bétonner et à miner à outrance la ligne de front, a été complétée par des assauts meurtriers pour les fantassins russes et le pilonnage massif et aveugle de l’Ukraine sur les lignes de front, les villes et leurs infrastructures, touchant en particulier les civils afin d’atteindre le moral de la population.

La Russie est en « économie de guerre » Tous les moyens de production sont consacrés à cet effort, au détriment de la population touchée par l’inflation et les oligarques sont priés de marcher au pas. La Russie affiche une démographique en berne. Ceux qui ont quitté le pays au début du conflit et les nombreux morts de cette guerre amplifieront cette trajectoire. La proposition faite aux femmes russes de faire chacune 7 ou 8 enfants relève du tragique.

Sur quoi « règne » aujourd’hui Poutine, Tsar vieillissant ? Un territoire dévasté par ses bombes et pollué par des millions de mines et dépeuplé et une Russie affaiblie. Il faudrait des décennies de reconstruction et de dépollution pour que son rêve fou s’accomplisse. La nation russe y survivrait-elles sans s’engager encore plus dans la voie de la vassalisation vis-à-vis de ses encombrants alliés et voisins ?

(* voir également le film de Sydney Pollack tiré de ce roman)

(**Source : site BABELIO)


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