Les médicaments contrefaits, ou le remède diabolique

par Florence Dandin
vendredi 4 novembre 2005

Les consommateurs que nous sommes restent encore sous la menace d’un produit défectueux ou mortel. Certes, la contrefaçon est un fléau grandissant, qui évolue dans différents secteurs, le secteur pharmaceutique notamment. Un secteur très important, puisqu’il nous permet de faire front aux maux. Les médicaments contrefaits sont malheureusement un marché essentiel pour certains pays, et pour d’autres, la voie vers la guérison, mais à quel prix ?

Jusqu’à présent, la contrefaçon touchait le secteur de la maroquinerie, du textile, de la lunetterie, des jouets, de l’automobile, des appareils domestiques, des biens numériques, du tabac. Désormais, le monde de la panacée contrefaite fait froid dans le dos. 7% des médicaments dont la substance est un leurre représentent un gain de 20 milliards de dollars sur le marché du faux. Ces produits ne contiennent généralement que des produits de tous les jours (eau, café, sucre.) Parfois des substances dangereuses. Au mieux, ils ne sont qu’un simple placebo, mais au pire, ils peuvent nuire à la santé, ou conduire droit à la mort.

Malheureusement, ce sont les pays pauvres qui en sont les victimes : 50% des médicaments sont écoulés en Afrique. Une autre réalité alarmante : les États-Unis étant dépourvus d’une politique sociale vraiment égalitaire, poussent ses propres habitants à s’approvisionner au Mexique, au Canada, ou à se fier aux solutions vantées sur Internet, l’attrape-nigaud le plus redoutable. L’Europe est ordinairement préservée de ce genre de trafic, car l’acheminement des articles du secteur pharmaceutique est très contrôlé. Les autorités françaises, ayant renforcé leur surveillance minutieuse des douanes, semblent ne pas être trop alarmées par les faits qui se déroulent autour d’elles. Et les aides que perçoivent les populations françaises, l’achat de certains médicaments étant remboursé, évitent d’aller voir ailleurs. Toutefois, la france n’est pas à l’abri d’un tel commerce illégal. Un cas de lentilles de contact contrefaites y a été observé. Plusieurs milliers de boîtes ont été repérées. Il s’agissait de lentilles non correctives et non stériles. Un fait rare et lointain.

Des antihistaminiques (remèdes contre les allergies) aux antipaludéens : le faux fait des victimes. Sur un million de patients mourant chaque année du paludisme, 200 000 pourraient être sauvés si les médicaments étaient de bonne qualité et correctement utilisés. Au cours de l’épidémie de méningite, survenue au Niger en 1995, plus de 50 000 personnes ont reçu l’aide d’un pays qui leur avait fait don de faux vaccins, qu’ils croyaient pourtant authentiques. Cette méprise causa 2 500 morts. En Haïti, dans le courant de l’année 1995, 89 personnes sont décédées à la suite d’une consommation de sirop contre la toux contenant du paracétamol préparé avec du diéthylène glycol (un produit chimique toxique, employé comme antigel.) En 1998, ce même procédé provoquait en Inde 30 infanticides chez les moins d’un an. Plus jamais ça ! En Colombie, 20 000 tablettes de médicaments contre la grippe ont été saisies au cours de l’année 2001, ayant pour substances de la cire, de la peinture et de l’acide borique. Des comprimés d’aspirine à base de talc, des pommades combinant caféine et sciure pour soigner les brûlures, des collyres à base d’eau avariée. D’autres produits, tels que des préservatifs non étanches, et des pilules contraceptives frelatées, ont été saisis.

La contrefaçon est une entreprise très lucrative, en raison des coûts de production peu élevés. Les contrefacteurs ont développé une véritable industrie, possédant un matériel à la pointe de la technologie, couvrant un réseau de distribution élaboré, avec, à sa botte, des modes d’acheminement par voie maritime, aérienne ou ferroviaire, ou plus simplement, routière. La vente se fait de manière classique, dans les marchés forains, à la sauvette ; maintenant elle gagne de l’ampleur sur les sites Internet. La fabrication est effectuée généralement dans des usines de production très modernes, mais parfois de manière artisanale dans des usines improvisées (entrepôt désaffecté) ou dans de petits locaux (arrière-boutique ou chez un particulier.). Les faux fabricants implantent le plus souvent leur réseau de production dans quelques pays de l’Est. Ces trafiquants de « remèdes illusoires » n’ont aucun état d’âme à duper mourants et naïfs, pour le profit. Dans un certain nombre de pays cautionnant cette activité illégale, les « ouvriers » et « gros bonnets » de la contrefaçon ne craignent pas d’être arrêtés, ni poursuivis, car il existe un « trou » béant dans le système juridique de ces pays. Corruption et exécutions vont bon train. Les petites mains de la magistrature peinent, mais ne désespèrent pas de mener à bien leur guerre contre les suzerains de la pègre et leurs vassaux.

Pommades, comprimés, collyres, sirop, des produits qui devraient rassurer, soigner les malades, et non les apeurer, encore moins les tuer. Les médicaments contrefaits n’appartiennent pas qu’à l’illégalité, ils alimentent une industrie, celle de l’immoralité et de la criminalité. Une vérité bien sensible dans les pays les plus concernés par la misère et la violence. Mais qui sont les réels bénéficiaires de ce marché ?

Sources : Guide pour l’élaboration de mesures visant à éliminer les médicaments contrefaits, (Organisation mondiale de la santé, Départements des médicaments essentiels et politique pharmaceutique, Genève 2000.)

Médicaments de qualité inférieure et contrefaits, (Organisation mondiale de la santé 2003.)


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