Le 20, nous n’avons plus rien !

par CHALOT
vendredi 19 mai 2023

 

Comment faire ?

Comment nourrir les enfants ?

« Ils savent bien pourtant qu'à partir du 20 du mois, il ne reste plus que des nouilles à manger.

Je refais mes calculs, rien n'y fait !? »

Ce sont des propos rapportés qui reflètent la réalité pour des milliers et milliers de familles.

Le dessin que m'envoie Sapiens et qui illustre cet article est révélateur d'une situation vécue.

 

Smina Kernoua dans son livre « Combattre la misère et le mépris  » raconte sa vie de petite fille, aimée par ses parents mais vivant dans la pauvreté, voici une des anecdotes qu'elle écrit :

«  A force de les tailler mes crayons deviennent tout-petits. Je me souviens encore des mots de la maîtresse : « Tu diras à maman qu'elle t'achète des crayons avec l'argent des allocations familiales » ! Une remarque que je ne comprends pas ! »

Moi non plus, je ne la comprends pas.

J'ai été instituteur et j'ai toujours distribué des cahiers, des crayons, des gommes, des ardoises....aux élèves. En principe, l'école est gratuite.

Je me rappelle avoir bataillé contre certains directeurs d'école pour que les familles n’aient rien à payer. Les fournitures scolaires devraient être fournies gratuitement et d'ailleurs les communes mettent pour cela à disposition des écoles des fonds spéciaux– quelquefois insuffisants....

***

En 2005, j'ai participé aux travaux de la commission officielle «  Familles, vulnérabilité, pauvreté ». Pendant 100 jours, au début 2005, elle a travaillé sous la présidence de Martin Hirsch pour aboutir à des propositions qui devaient être reprises par la Conférence de la famille. Le livre qui en a résulté est construit autour de ces propositions qui inspireront peu les politiques publiques, si ce n'est la création du RSA et son mode de fonctionnement. Je viens de le relire (« La pauvreté en héritage » (Martin Hirsch avec Sylviane Villeneuve, 222 pages, Robert Laffont 2006 – un document historique important)

Si je suis cité dans la page de remerciements, j'aurais préféré retrouver le débat un peu vif que nous avons eu, M. Hirsch et moi-même, sur l'éradication de la pauvreté. Le président de la commission considérait qu'il fallait faire comme Tony Blair en Grande Bretagne, c'est à dire se fixer un programme sur 20 ans pour faire disparaître la pauvreté et notamment celle des enfants. Je lui rétorquais que l'éradication devrait être entreprise maintenant car en se donnant des échéances trop lointaines on risquait de faire se relâcher la vigilance et de sacrifier toute une génération…

De fait, rien n'a été entrepris par les gouvernements successifs et la pauvreté s'est étendue. Cependant, je trouve que ce livre constitue un document fort intéressant et utile. Les auteurs reprennent de nombreux témoignages, citent et analysent les données chiffrées. On y aborde tous les sujets : le logement, la précarité, le surendettement, l'accueil de la petite enfance, l'alimentation et la santé.

Quand on lit aujourd'hui ce document , on constate que la situation a peu changé si ce n'est sur la question du surendettement où l'on est passé d'un surendettement surtout actif à un surendettement passif. Ce qui signifie que les lois votées par l'Assemblée Nationale ont permis de s'opposer au pouvoir des banques, quelque peu gênées dans le développement des crédits revolving.

Le livre revient sur ses préconisations, certaines plus ou moins reprises comme l'alourdissement de la taxation des villes n'ayant pas atteint les 20% de logements sociaux, d'autres abandonnées par les gouvernements successifs, comme la création d'un service public de la petite enfance.

La montagne a accouché en 2005 d'une souris qui était encore trop grosse pour le gouvernement et ceux qui ont suivi.Très peu a été fait.

« Selon les dernières données disponibles, 1 enfant sur 5 – soit 2,9 millions d'enfants – vivaient en dessous du seuil de pauvreté en 2018. » Combien sont-ils en 2023 ? Plus de trois millions ! C'en est assez !

Je ne vais pas terminer avec des « faut qu'on ».....Nous n'en sommes plus là ! Seul un mouvement social d’ampleur pourrait contraindre les politiques à accélérer.

On peut prévoir soit une désespérance de masse, soit des manifestations musclées, voire des révoltes....

 

Jean-François Chalot

 


Lire l'article complet, et les commentaires