Les distributions des Colis de vivres au XIXe siècle : une aide alimentaire locale grace au bénévolat

par Kilien STENGEL
mercredi 26 juillet 2023

La volonté d’aider alimentairement ceux qui en ont besoin est un sujet d’actualité depuis l’Antiquité jusqu’encore aujourd’hui.

Partant du constat du dysfonctionnement cyclique de la nutrition au sein de notre société, l’intervention humanitaire s’inscrit sur l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ».

La mobilisation des aides alimentaires s’appuie sur ce droit fondamental. L’engagement de bénévoles est une condition importante. En France de nos jours, parmi tous les réseaux associatifs existant, les plus connus qui consacrent ainsi une part importante de leur activité à la collecte et à la redistribution de denrées alimentaires sont le Secours populaire, les Restos du cœur, la Banque alimentaire et la Croix-Rouge.

Bien entendu, la vocation première de ces réseaux reste, au-delà des dons de nourriture, l’accompagnement et l’insertion sociale. Par leur aspect logistique de collecte, ces associations ont donc de fait un volet « banque alimentaire », mais une telle activité ne reste toutefois envisageable que pour les réseaux d’entraide les plus puissants.

 

A la fin du XIXe siècle, l’assistance aux plus démunis faisait l’objet de toutes les attentions. Tous les ans, les maires de chaque cité française sortaient de leur hôtel de ville, accompagnés de leurs administrateurs du Bureau de Bienfaisance, et visitaient les pauvres à domicile pour s’assurer des besoins de chacun et lutter contre la faim des rues.

A la fin de la Seconde guerre mondiale, des volontaires font ce qu’ils peuvent pour venir en aide aux prisonniers, à distance. « Objet de l’économie de marché, le colis s’adapte aux attentes des donateurs, aux conditions logistiques et aux besoins des destinataires. Bref, le colis facilite la cristallisation d’une communauté de donateurs et d’un espace d’intervention humanitaire construit par l’engagement des organisations non-gouvernementales, des organisations internationales et des Etats en guerre. » (voir travaux de Farré, 2014). Dans une ville bourguignonne, Clamecy, un groupe de volontaires programme un week-end festif du 19 au 21 mai 1945, au profit des prisonniers et travailleurs déportés. Organisant un gala artistique, une fête champêtre, un radio-crochet et un bal, ils amassèrent une recette destinée à envoyer des colis alimentaires aux nécessiteux. Durant les deux années qui suivirent, ces bénévoles renouvelèrent leur soutien.

Les Bureaux de Bienfaisance ont été remplacés par les Bureaux d'aide sociale en 1953, puis par les Centres Communaux d’action sociale (CCAS) en 1986 faisant disparaître l’action de « bienfaisance ». Créés en 1796, les « Bureaux de Bienfaisance » faisaient débuter l’action en faveur des plus démunis : une action enfin prise en charge par l’Etat, et non plus seulement par l’Eglise catholique au seul titre de la charité. Parallèlement à ces « Bureaux de Bienfaisance » relatifs à l’assistance, le développement des mécanismes de prévoyance dans la première moitié du XXe siècle aboutit en 1945 à la création de la Sécurité Sociale. « En 1947, le gouvernement ne peut assurer les importation vitales. La ration de pain est tombée à 200 grammes par personnes alors qu’elle était de 250 grammes en 1942 » (étude de Rymarsky et Thirion, 1997). Mais la prévoyance ne rend pas l’assistance inutile. Alors, le rigoureux, pour ne pas dire terrible, hiver de 1954 donne l’occasion à un homme de souligner la situation innommable dans laquelle se trouvent nombre de concitoyens. Suite à l'appel de l'Abbé Pierre, qui avait déjà créé une auberge de jeunesse (1er Emmaüs) en 1949.

Profitant de leur expérience envers les prisonniers et déportés de guerre, les bénévoles bourguignon surent également réagir à l’Appel de l’hiver 1954, et l’avaient même anticipé quelques mois en amont. En 1953, les « vieux » et les « vieilles » de Clamecy furent, le temps d’une collation, leurs invités. En cet après-midi de novembre, pour cette première expérience, c'est une cinquantaine de grands-pères et grands-mères qui se retrouvèrent réunis au goûter servi par les amis bénévoles dans la salle du café de la halle. On procéda à une distribution de gâteaux, chocolats et cigarettes, le tout arrosé de vin blanc ou rouge ou de café, au choix des vieillards. Ce goûter amical était offert grâce à la générosité des amis des bénévoles et des dons. L’exemple du repas philanthropique et amical étant donné, au cours de ce goûter, tous ces braves vieux regagnèrent leur demeure en espérant avoir l’occasion de bientôt se retrouver.

Au printemps, donc, sous ce patronage de la Croix-Rouge et du Bureau de Bienfaisance, les membres de la commune libre, organisèrent un ramassage de déchets. Ces récupérations seraient ensuite vendues au profit des vieux de la cité et des nécessiteux.

Pour officialiser une action honorable, rien de mieux en France que de banqueter officiellement.

La dorénavant « Société des philanthropes », fondée le 28 juin 1954, profita du soutien de la Chambre de Métiers et d’Artisanat de la Nièvre, de 9.000 francs pour cette œuvre.

Ce furent aussi les anciens prisonniers de guerre, amis compréhensifs de la douleur et de la souffrance, qui en souvenir des actions faites pour eux par le passé, vinrent des quatre coins du département apporter leur soutien à l’association, avec 7.800 francs. Puis les commerçants participant à la braderie locale firent également un bon mouvement qui se traduisit par 8.100 francs.

L’association prévoit dès 1954 de distribuer chaque année :

  • Des colis de vivres pendant les mois d’hiver, et dans d’autres mois si la situation financière le permet
  • Des pommes de terre à raison de 50 kg par personne secourue
  • Du charbon à raison de 300 kg par foyer.

Chaque année, l’association peut décider d’organiser un voyage d’une journée en autocar pour les personnes secourues et pensionnaires valides de l’hospice de Clamecy.

Quand tout a commencé en 1934, c'était comme une plaisanterie estudiantine, une façon, pour les habitants du quartier de se retrouver, s'entraider, ripailler, rigoler. Et à ce titre les concitoyens de ce lieu n'étaient pas toujours pris au sérieux. Aussi, quelquefois en présence de résidents du Centre d'accueil de demandeurs d'asile (Cada) prêts à donner un coup de main, chaque année, les membres actifs de l’association sont partis à la chasse aux lots pour organiser des fêtes, afin de trouver les ressources utiles pour leur sacerdoce. Les excédents dégagés étaient alors intégralement utilisés pour les aides aux familles les plus démunies recensées.

 

Actions menées pendant un demi-siècle (1954-2004)

En 1957, cette « Société », qui n’étant qu’à ses débuts, se voyait suivie dans sa course vers son idéal, et le nombre d'adhérents bienfaiteurs passa de 195 en 1955, 245 en 1956 et arrivait à 335 en 1957.

Ces caisses se sont vidées pour aider un peu partout : ce fut à Orléansville, La Chapelle Vaupelliegne, Clamecy, le Midi de la France. Si cette société philanthropique locale est sortie de ses frontières clamecycoises, c'est qu’elle compta des bienfaiteurs bientôt un peu partout, même en Angleterre et en Suisse, ce qui démontre que les grands cœurs ne connaissent pas les frontières.

L'œuvre philanthropique se poursuit sans essoufflement durant une longue période. Année après année, les assemblées générales expédiaient les ordres du jour, reconduisaient le bureau, et faisaient le bilan des activités qui restaient semblables d'une année sur l'autre. Cela ne signifiant pas que l'association tombe dans la routine avec un manque de conviction à la clé ; bien au contraire, c'est un constat de bonne santé. Pourquoi modifierait-on ce qui donne satisfaction, ce qui est dynamique et efficace ? Comme le langage moderne des années 1960-1970 le souligne, c'est « sur le terrain » que l'action se mesure concrètement. Une preuve de la vitalité de cette société, déjà fort vénérable et pourtant toujours jeune : l'assistance en net progrès cherche toujours à maintenir le cap sur la solidarité.

A l’origine, la vocation philanthropique de l’association philanthropique s’adressait en priorité aux personnes âgées. Crise(s) oblige(nt), l’association étend donc son action en direction des personnes en difficultés. Les distributions de colis alimentaires, de kilos de pommes de terre, et de bois combustible puis de dons financiers pour payer le chauffage et de quoi se faire cuire sa nourriture, touchent des personnes de plus en plus jeunes, entre autres des femmes seules avec enfants.

D’autre part, les membres de l’association participent régulièrement aux réunions de travail à l’initiative de la Croix-Rouge, consacrée à la pauvreté et à la précarité. Dans les années 1980, des réunions se destinent à la logistique globale sur la commune de la distribution de colis alimentaires fournis cette fois par la Banque Alimentaire de Bourgogne, offerts aux personnes nécessiteuses. Cette opération était en interaction avec l’épicerie solidaire d’Avallon. Pour 1 franc symbolique, le demandeur d’aide pouvait prétendre à recevoir 1 kilo de riz, et l’epicerie participait grâce au système d’économie d’échelle. L’association se retira finalement de cette collaboration, du fait de la complexité administrative imposée par cette organisation, charge de travail trop lourde pour les membres qui étaient actifs professionnellement et bénévoles à la fois. « l’aide alimentaire réalise en nature un investissement humain » (étude Huguel, 1977).

Aux assemblées générales, ils ne sont plus guère nombreux, autour de la table des années 1990. En fait, les plus actifs sont quasiment tous là, une poignée de dévoués qui travaillent pour les personnes âgées et nécessiteuses de la ville. Une poignée qui gère tout de même approximativement un budget annuel de plus de vingt-milles francs et qui distribue en moyenne 40 colis réitérés six fois par an, principalement de nourriture et quelque peu de vêtements, 200 à 300 kg de charbon de chauffage et 200 kg de pommes de terre. On peut se douter que cette aide ne peut se faire sans rentrées, car les dépenses sont assez élevées. C’est grâce à la générosité des habitants que l'action de l'association est possible : tant par des apports officiels comme les subventions de la municipalité de 5 500 francs allouées des années 1980 à 2005, d’une aide substantielle de la Caisse d'Épargne, des recettes du ramassage et des récoltes effectuées lors de la présentation des cartes de bienfaiteurs. Enfin, n'oublions pas les dons divers et les quêtes aux mariages qui restent également une grosse partie des recettes. En France, commence l’heure « où l'aide alimentaire est laissée à la charge d'associations subventionnées en partie » (INRA, 2006).

 

Les aides régulières

Au départ, en 1955, il est proposé à cette époque aux titulaires de la carte nationale dite « Carte sociale des économiquement faibles  », encore au titre du premier trimestre 1955, un bon gratuit valable pour deux kilos de sucre. Ceux qui voulaient bénéficier de cet avantage étaient priés de se présenter d'urgence la mairie (services d'assistance), aux heures d'ouverture, munis de leur carte. Le bon qui leur était remis pouvait être honoré par le détaillant de leur choix. Cette offre était certes alléchante mais pas suffisante.

Aussi, lors d’une des toutes premières réunions de l’association, en septembre 1955, l’assemblée proposa : « d’employer la moitié de la somme déjà en caisse pour distribuer des pommes de terre ! ». Une personne proposa le nom d’un fournisseur des pommes de terre à 4 à 5 anciens francs le kilo, provenant de l’Oise. Mais la loi, à cette époque, ne permet plus d’envoyer des pommes de terre tout-venant. Et les Bintjes triées valent 8 anciens francs le kilo, à l’époque, tandis que l’Abondance de Metz en vaut 5. Pour le transport, on envisage de se renseigner à la gare pour voir si employer un transporteur serait avantageux. Mais 10 tonnes paraissent trop dans un premier temps. On envisage alors de voir auprès de la SPCC si cette usine ne pourrait pas mettre à disposition un camion de 3 tonnes qui descendrait à vide pour prendre le chargement (300 kilomètres environ). Sinon, on serait dans l’obligation de prendre les pommes de terre dans le Morvan, et le transporteur local morvandiau coûterait ainsi entre 4500 et 5000 anciens francs.

On envisage également d’acheter du charbon afin de le fournir aux vieillards, ainsi que des bons de viande d’environ 200 anciens francs par personne. On estime que les vieillards ne mangent pas tellement de viande et pense que du sucre, des pâtes, et en particulier du riz, leur feraient beaucoup plus de profit. Il est donc conclu que l’on fournisse pour Noël : pommes de terre, charbon, sucre et pâtes dans le cadre d’un « colis ». 

Mais les comptes ne permettent pas un geste aussi large dès la première année. Les pommes de terre et le charbon seront prioritaires, puis les sucres et pâtes arriveront dans un second temps. En guise de cadeau de Noël, on cherche également la possibilité d’un objet souvenir. Il fut donc demandé à un partenaire une centaine d’affiches de la marque Byrrh. Le restaurateur de l’Hôtel de la Poste est prêt à fournir à l’association, pour les vieux, des repas pour 550 anciens francs : hors d’œuvre, poulet et légumes, dessert et fromage, vin à volonté ; dans une limite de 40 à 45 convives maximum suivant la proposition du restaurateur.

L’association philanthropique établie donc la coutume d’entreprendre chaque année une campagne d'hiver pour la plus grande joie de ceux qui sont leurs protégés habitués, comme pour ceux qui ne le sont pas mais qui ont ponctuellement besoin de leur aide. La distribution de bois commence, tandis que pour l’opération pommes de terre, plusieurs tonnes de tubercules, sont distribuées, et alors que les distributions de colis se jouent pendant la saison la plus cruciale de l’année pour ceux qui n'ont que peu d'argent à dépenser chaque hiver

Quatre tonnes par an dans les premières années de ces précieux tubercules furent réparties entre quatre-vingts vieillards, afin de réaliser cette initiative.

A la même date automnale, la cour de l'abattoir municipal revêtait une activité inhabituelle. Il ne s'agissait pas de bétaillères et camionnettes comme il est courant d'en trouver dans cet établissement, mais de poussettes, remorques et brouettes, qui s'y pressaient, car la Société Philanthropique y organisait son annuelle distribution de pommes de terre. Afin d’aider ses protégés, on offrait à chacun d’eux 50 kilos de tubercules. Les « vieux » étaient aidés par des personnes plus jeunes afin de porter leur lourd colis. Certaines personnes mettaient leur voiture à la disposition des philanthropes afin d'aller livrer à domicile pommes de terre et combustible à ceux ou celles qui n'avaient pu se déplacer. Aussi au fil des époques, les modes de combustibles ayant évolué, plutôt que d’apporter « bois et charbon » comme les bougnats, des factures d’EDF furent payées pour les gens qui ne le peuvent plus, ainsi que ce fut le cas pour les notes de frais de fioul ou de bois destinés à la cuisinière et au chauffage.

C’était souvent sous une pluie fine et froide que les bénévoles distribuaient à leurs protégés les précieux tubercules, et combustibles pour les faire cuire, qui venaient durant les pénibles journées d'hiver contribuer à l'amélioration de l'ordinaire.

Si, pour beaucoup d’entreprises, c'est à la fin de l'année que l’on examine le bilan et le travail accompli, cela n'est pas le cas chez ces philanthropes. Travaillant toujours, ils se transforment dès les premiers mois de l'hiver en livreurs. Ce fut souvent à leur propre domicile qu’avait lieu la distribution des colis d'alimentation, jusqu'à Pâques. Les articles des colis sont variés.

Dans chacun d'eux, il y avait des pâtes, du café, du sucre et du pain d'épices. Souhaitant un bon Noël et bonne année aux vieux et aux vieilles de Clamecy, les dévouée allaient eux-mêmes chez ceux qui se sentaient seuls et isolés pour les fêtes, comme de multiples autres fois dans l’année.

Le total annuel du budget « colis » des premières années était éloquent. La campagne hivernale à elle seule se soldait habituellement par une dépense de près de 400.000 anciens francs qui se répartissent de la façon suivante : quatre colis pour un montant de 179.428 anciens francs. A noter qu’un colis comprenait, pour exemple, dans les années 1960 : une douzaine d'œufs, une demi-livre de beurre, un paquet de gâteaux et du poisson frais. Soixante-seize personnes en moyenne bénéficièrent de ce cadeau providentiel à cette époque. Les colis de Noël étaient tout naturellement beaucoup plus achalandés et donc plus coûteux, d’autant par la présence de produits non pas de nécessité (contrairement aux colis des autres saisons) mais des produits de fêtes.

Certaines années, le colis contenait une tablette de chocolat, une demi-livre de café, deux boîtes de lait condensé, des biscuits, une livre de macaronis, une demi-livre de datte ou de figues et un kilo de sucre. En outre, des pots de confiture étaient quelquefois tirés au sort et vinrent chez les heureux gagnants grossir l'important cadeau. Ces colis comprenaient également quelquefois poissons, oranges et beurre.

Et parfois, l’association recevait une aide appréciable des habitants des communes voisines, en main-d’œuvre comme en matières premières, ce qui permettait de faire bénéficier les années suivantes les vieillards des localités avoisinantes, de la répartition des colis. Ainsi, en moyenne, chaque année, durant la première décennie, une quinzaine de personnes supplémentaires profitaient de la généreuse association.

La société philanthropique de la cité des Flotteurs fut vue comme « le Veau d'or pour cette petite sous-préfecture, doué d’honnêteté charitable : un exemple à suivre ».

Les Banquets pour « les vieux »

Le dynamisme d'une association repose en partie sur les liens d'amitié entre ses membres. Quand les objectifs sont atteints, quand le travail est bien fait, quand les « protégés » ont été aidés, les bénévoles se retrouvèrent autour d’un banquet. Mais il s'agissait surtout de profiter de cette occasion pour inviter nombre de personnes âgées qui n’avaient pas les moyens de manger au restaurant et encore moins de participer au plaisir convivial d’un banquet. Aussi lors de ce banquet, entre les bénévoles qui payaient leur repas et les invités séniors, l’harmonie se crée. Les uns étaient reconnaissants de l’invitation et les autres étaient respectueux de l’expérience de la vie des premiers. Au début des années 1960, le banquet amical et traditionnel fut ouvert à tous les clamecycois et clamecycoises, sans pour autant être un sénior, dans un des nombreux restaurants de la ville, tel que le restaurant du Parc pour un coût de 1.500 anciens francs. Au menu du banquet de 1961 : Gnocchi à la romaine, Filet de sole glacé au Chablis, Coq au Chambertin, Endives braisées au jambon et Pommes paille, Salade printania, Plateau de fromages, Desserts et Gâteau maison, Coupe de fruits glacés, café, liqueurs, vin compris. Alors que l’année suivante étaient servis au menu : charcuteries du chef, crêpes farcies sauce Mornay, escalope à la crème, pomme, salade, fromage, salade de fruits, petits fours, le tout arrosé de vins blancs et rouges.

Alors que dans cette association, le travail était souvent plus à l’ordre du jour que les belles phrases, les philanthropes de la cause alimentaire ont laissé derrière eux quelque chose de visible et bien palpable ; une réussite dont la cause profonde fut l'esprit d’entraide, et de solidarité dans le travail que tous les bénévoles présents au banquet avaient l’habitude de manifester dans l'amitié et la bonne camaraderie.

Cet état de choses ne pouvait avoir de suite que celle qui s’est dessinée par la confiance créée autour d’eux. Confiance sans limite, car du plus petit au plus grand, dans cette vieille cité, chacun voulait apporter sa pierre à l'édifice philanthrope et être présent au banquet pour s’en féliciter.

Depuis des lustres et d’autant plus depuis l’après-guerre, il est recommandé, pour resserrer les liens de l’amitié, de se réunir autour d'une bonne table et de parler à cœur ouvert. Pour cela les philanthropes ont songé durant ces nombreuses années, à toujours réserver pour cette réunion amicale au moins une journée annuelle dans leur calendrier.

Les protégés changent de profil

Au fil des années, la précarité vint à toucher de plus en plus de personnes dans la cité. « A l'heure où la pauvreté croît de manière fulgurante en France, où les associations ne savent plus à quels saints se vouer pour nourrir tous les demandeurs, la précarité alimentaire s'impose comme un domaine d'action crucial pour la société. » (Dhoquois, 2015). Dans les années 1990, quatre associations caritatives locales vinrent, pour des questions organisationnelles, à travailler en collaboration avec le CCAS afin d’aider les plus démunis. Il fut convenu que les aides ponctuelles seraient attribuées soit directement sur demande individuelle, soit par l'intermédiaire des services sociaux. « Tous les organismes sociaux travaillent de façon complémentaire selon leurs compétences et leur mode de gestion. Ainsi, quand nous avons des besoins urgents, nous faisons appel à la Association philanthropique que nous apprécions beaucoup pour la qualité et la rapidité de ses interventions  », explique la responsable du Centre communal d'action sociale (CCAS) en 1990 au journal local. Ainsi un collectif tenta de lutter contre une précarité aux visages multiples. Les associations caritatives clamecycoises dressèrent le même constat : la précarité est en augmentation et touche de plus en plus de personnes jeunes. Le Centre communal d'action sociale, l’association philanthropique, les Restos du Cœur, le Secours Catholique, la Croix-Rouge travaillèrent donc en groupement pour apporter une réponse rapide et plus précise à des besoins de plus en plus évidents. « Ce qui a changé, c'est la classe l'âge », confirma le président de la société philanthropique en 1997 aux médias, « Nous nous occupons aujourd'hui de vingt-deux familles, soit une cinquantaine de personnes dont deux seulement sont assez âgées. Nous avons affaire à des mères isolées ou à des familles recomposées, avec des enfants ». Ainsi chaque année, l'association distribue des colis à ses ayant-droits pendant l'hiver et intervient sur demande le reste de l'année. Elle apporte une aide au chauffage de 50 €. Elle intervient, ponctuellement, par exemple, pour trouver un stage. Elle distribue, aussi, ses kilos de pommes de terre (aux nombres de 10 kg/an dans les années 2004), et la société remet à ses protégés les six bons alimentaires valables d'octobre à mars. « Avant, on distribuait cinquante kilos et les gens venaient les chercher. Maintenant, c'est nous qui sommes âgées et qui apportons les colis à des jeunes valides ». Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Depuis quelques années, l’association assiste à une augmentation légère, certes, mais constante, de profils variés, tels que des demandes d’accompagnement émanant du Centre d'accueil des demandeurs d'asile (Cada). Il s’agit de couples, avec ou sans enfants, des personnes seules avec des enfants. Il n’y a pas trop de personnes de moins de 25 ans. « On ne saurait donc appliquer indifféremment dans un cas les solutions valables pour l'autre. Le meilleur exemple de cette différence réside dans le secours apporté sous forme de colis alimentaires » (Comité international de la Croix-Rouge., 1957). On enregistre un pic de fréquentation au cœur de l'hiver. Et en intersaison des demandes ponctuelles sont faites dans le cadre de colis de dépannage. Le président de l’association déplore, cependant, la difficulté relationnelle avec les assistants sociaux du Conseil général, et pour conclure s’inquiète de la difficulté à prévoir de quoi sera faite la nouvelle saison : « Je connais deux ou trois personnes qui ont trouvé du travail. Mais pour combien qui l'auront perdu ? » On a également surtout constaté une hausse du surendettement, mais ce n'est pas tant une hausse de la précarité mais plutôt de vrais problèmes liés à l'argent.

Concernant les critères d'attribution, durant ses dernières années, l’association philanthropique avait fait parvenir aux familles auxquelles elle apporte son soutien un questionnaire de ressources calqué sur celui institué par les Restos du Cœur. Ainsi, les situations furent réexaminées périodiquement par un comité restreint des membres du bureau. Les ressources de l'association furent redistribuées aux vingt-quatre allocataires sous forme de bons d’alimentation dont le montant variait avec la composition de la famille, à faire valoir dans les magasins de la ville.

Ainsi, à la fin du XXe siècle, dans le cadre de l'aide complète des colis de produits alimentaires de première nécessité valables pour six mois à partir de fin octobre, dont le montant varie selon la composition de la famille, les bons alimentaires sont remis lors de la traditionnelle distribution de pommes de terre. Assistance à laquelle s'ajoute une participation au chauffage de 750 francs à 1.000 francs (112€ à 150€) par foyer. L’association philanthropique attribue également des aides ponctuelles, pour des situations particulières, en nature ou numéraire, suite à des demandes individuelles ou à des sollicitations de différentes instances sociales locales.

Le CCAS, recense en détail les aides possibles offertes par les associations caritatives locales et les aides à apporter aux représentants des associations. Ainsi les jeunes endettés sont repérés par la Permanence d'accueil de la Maison de la formation, d'information et d'orientation ou par les assistantes sociales. Sont concernés 772 personnes. Mieux gérer son budget est une aide qu’il faut imaginer en amont de l’aide apportée par les associations caritatives. La personne en difficulté demandant une aide pour régler ses factures de consommation, peut par exemple demander une demande d'aide préventive auprès de la Commission locale de coordination financière, en remplissant un formulaire. Le montant de l'aide préventive dépend du poids des factures par rapport aux revenus de la personne. Les associations caritatives collaboratives doivent renvoyer les personnes vers ces travailleurs sociaux.

 

Conclusion

Compte-tenu de l’effritement de ces membres bénévoles dû à leur âge avancé, avant de disparaître, l’association philanthropique a fait ses comptes et avec son crédit a offert un réfrigérateur et un four à micro-ondes aux Restos du Cœur implantés depuis 10 ans à Clamecy. Un plus pour la campagne d'hiver des Restos du Cœur qui va s’entamer. Une poursuite des activités, en fait, puisque des distributions alimentaires sont hebdomadaires durant toute l’année. Le responsable du site Restos du Cœur de cette commune peut actuellement compter sur un volant de vingt-cinq bénévoles (environ cinq nouveaux par an), qui assurent le suivi par roulement. La grande médiatisation des Restos du Cœur, grâce entre autres aux Enfoirés et à leur émission de télévision annuelle, fait largement la différence, en termes de recrutement des bénévoles, vis-à-vis de l’association philanthropique dont la communication a une lumière trop limitée. Ils sont une quinzaine de bénévoles à chaque ouverture du local des Restos du Cœur qui se partagent les tâches. C'est là que seront utiles le four à micro-ondes et le réfrigérateur, pour y stocker des produits frais. Ainsi, l'accueil sera un peu amélioré.

Philanthropique : L'adjectif n'est plus beaucoup employé, on préfère aujourd'hui parler d'humanitaire. Mais le sens est pour ainsi dire le même, mise à part une notion d’aire géographique et d’époque d’utilisation. Pour les acteurs bénévoles qui poursuivent des objectifs de solidarité et d'entraide, ce terme a toujours sa raison d'être.

De nos jours, beaucoup de personnes, mais toujours trop peu, donnent de leur temps ou participent par une action à l’aide alimentaire, alors que tous s’entendent dire avoir la conviction profonde qu’un autre monde est possible, plus digne et plus humain. « Au regard du droit fondamental à une alimentation adéquate, l'accroissement du recours à l'aide alimentaire dans un pays développé ne peut que nous heurter » (étude Nieuwenhuys et Hubert, 2010). L’évocation historique de cette association locale, et de son arrêt d’existence, souligne la même détresse sociale de femmes et d’hommes qui tombent chaque année de plus en plus dans la précarité. Partout nous faisons le même constat de cette réalité sociale du manque alimentaire. Mais il est plus facile de prendre la température d'un pays que de jauger les besoins de chacun.

 


 


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