Ça plane toujours pour Plastic Bertrand !

par Sylvain Rakotoarison
lundi 26 février 2024

« Il y a dix albums, on retrouve tous les styles. Ce qui m'intéresse, c'est ma liberté. » (Plastic Bertrand, le 15 décembre 2020 sur France Inter).

Le chanteur belge Plastic Bertrand fête ses 70 ans ce samedi 24 février 2024. Pas si vieux que ça, dirons-nous pour celui qui, de silhouette comme de gueule, est resté toujours un jeune ado. Tout en lui semble un peu artificiel, ou plutôt article, et pourtant, il y a un peu de densité en lui au fil du temps. Les nostalgiques des années 1980 ne peuvent avoir qu'un peu de tendresse pour ce drôle de chanteur (qui ne s'est pourtant pas du tout arrêté au seuil des années 1980).

Drôle de nom déjà, plastique, comme cette décennie de l'essor de la société de consommation, du gadget tout-en-plastique fabriqué... à Hong-Kong à l'époque (ou Taïwan). Au départ, c'est l'histoire d'un passionné de musique, chanteur et batteur, qui officiait dans des petits groupes, les siens, le dernier Hubble Bubble (créé en 1973, il n'avait pas encore 20 ans). Il s'appelait encore Roger Jouret, né à Bruxelles.

Et puis, ce fut la chance de sa vie. Le croisement d'une autre trajectoire. En 1977, le producteur Lou Deprijck (mort l'automne dernier, le 19 septembre 2023) est mis au défi de produire la première chanson punk en français. Ce fut très vite "Ça plane pour moi" (composition et interprétation de Lou Deprijck et paroles d'Yvan Lacomblez), en reprenant le titre d'une chanson de Michel Delpech et en y mettant plus de fantaisie (on peut regarder ci-dessous la vidéo n°4 d'André Manoukian qui explique la genèse de cette chanson). Rythme saccadé et flux très rapide des paroles (je vous déconseille de choisir cette chanson pour un karaoké). Lou Deprijck a fait la maquette en 30 minutes, demandant à l'ingénieur son de faire aussi la guitare.

Mais son problème, c'est qu'il n'avait pas le look punk pour en faire un tube. Il est allé alors dans les cabarets, boîtes de nuit, et a découvert ce Roger Jouret qui pourrait faire l'affaire. La magie a opéré dès la sortie du disque le 1er décembre 1977 (face A : "Pogo Pogo" ; face B : "Ça plante pour moi"). Dès sa première émission de télévision, Plastic Bertrand a crevé l'écran et fait sauter l'audience (ah oui, on lui a aussi trouvé un pseudo, entre-temps). La carrière de Plastic Bertrand était lancée. Le jeune homme n'en est encore jamais revenu. Les millions sont arrivés immédiatement.

"Ça plante pour moi" a apporté la célébrité et la fortune à Plastic Bertrand à l'âge de seulement de 23 ans. Il a eu la grosse tête, a tout flambé comme un immature, a eu des problèmes fiscaux, mais il s'est redressé (et le fisc aussi) et a retrouvé le chemin de la raison et du travail grâce à sa famille, sa femme, ses deux enfants, puis ses deux petites-filles.

Ce fut ensuite d'autres tubes, aussi à succès, comme "Sentimentale moi" et surtout "Tout petit la planète", celle où va ma préférence, très représentative d'une époque, qui, finalement, pouvait se comprendre comme anticipant la future rigueur écologiste qui veut culpabiliser les passagers de vols aériens. Comme toujours avec Plastic Bertrand, ses morceaux sont un tout, les paroles (pas forcément les plus riches), le rythme, mais aussi le look (toujours décoiffé), la tenue (très colorée), le sourire, les yeux brillants, le mouvement.

Tout est un peu n'importe quoi chez lui, loufoque, déjanté. Il y a un petit air de folie de Richard Gotainer mais aussi d'autres inspirations. Plastic Bertrand a fait beaucoup de coopération internationale, il est connu très largement à l'étranger, des producteurs de cinéma ont intégré une de ses chansons dans leur bande originale (par exemple, il a fait équipe avec le grand Vladimir Cosma en 1985 pour "Astérix et la Surprise de César"), etc.

Et le loustic n'a pas fini, il a sorti son dixième album le 13 novembre 2020, en plein confinement pour cause de covid-19. "L'expérience humaine" recueille les adieux à la Terre d'un extraterrestre qui l'a aimée mais qui n'a jamais compris pourquoi tout y était compliqué.

Et Plastic Bertrand continue régulièrement à faire des concerts, à remplir des salles de spectacle (jusqu'en Chine l'été dernier !). Il a aussi ouvert une galerie d'art contemporain et a coopéré avec le musée d'art contemporain de Valenciennes (qui est une ville très culturelle). S'il a animé quelques émissions télévisées, il a aussi participé à une émission de téléréalité en 2005 avec d'autres anciennes stars déchues ("La Ferme des célébrités"), ce qui l'a conduit à faire gagner 60 000 euros à une association caritative, Perce-neige (fondée par Lino Ventura).

Plastic Bertrand a aussi tenu des concerts pour aider les Ukrainiens plongés dans une guerre sordide. Pas étonnant puisque sa mère est ukrainienne et son père français, lesquels se sont rencontrés dans un camp de concentration pendant la guerre (en 1942) : « Ils se sont croisés dans un camp de concentration, ont eu un coup de foudre et se sont enfuis jusqu'à Bruxelles. Par hasard. Il n'y avait pas beaucoup de sous à la maison, mais ils m'ont appris à être curieux et à refuser la paresse. J'ai essayé de transmettre cela à mes deux enfants, dont je suis très proche. », a-t-il précisé dans "Le Parisien" du 23 novembre 2020.

Trente ans après son succès de "Ça plane pour moi", on a découvert que finalement, la bande sonore n'était pas chantée par Plastic Bertrand mais était l'original de la maquette, chantée par Lou Deprijck. Cela ne fait pas de Plastic Bertrand un imposteur, puisque c'était Lou Deprijck lui-même qui lui avait demandé d'interpréter cette chanson sur scène et sur les plateaux de télévision. La collaboration avait duré pour les quatre premiers disques de Plastic Bertrand, mais ils se sont quittés fâchés pour toujours. Amer et écœuré, Plastic Bertrand a dit à "Libération" le 29 juillet 2010, à propos de Lou Deprijck : « Ce producteur m'a fait chanter dans tous les sens du terme ! ».

À ce jour, Plastic Bertrand a vendu plus de 20 millions de disques dans le monde entier et ses tubes sont vus par plus de 40 millions d'internautes. Il a été couronné par seize disques d'or et cinq disques de platine, et de nombreux prix dont le Grand Prix de l'Académie du Disque en France. En voici quelques illustres échantillons.


1. "Pogo Pogo" (1977)






2. "Ça plane pour moi" (1977)






3. " Ça plane pour moi" (version de la jeune chanteuse américaine Billie Eilish)






4. " Ça plane pour moi" (raconté par André Manoukian)






5. "Bambino" (1978)






6. "Tout petit la planète" (1978)






7. "Tout petit la planète" (version longue)






8. "Tout petit la planète" (version du 28 avril 2020 : confinement covid)






9. "Sentimentale moi" (1979)






10. "Hula Hoop" (1980)






11. "Stop ou encore" (1980)






12. "Jacques Cousteau" (1981)






13. "Plasticubration" (2003)






14. "L'expérience humaine" (2020)






15. Émission de Thierry Ardisson (2012)






Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (24 février 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Biographie officielle de Plastic Bertrand.
Plastic Bertrand.
Jacques Dutronc.
Françoise Hardy.
Guy Marchand.
Maria Callas.
Catherine Deneuve.
Gérard Depardieu.
Stéphanie de Monaco.
Jane Birkin.
Fernand Raynaud.
Marcel Zanini.
Patricia Kaas.
Kim Wilde.


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