La France n’est pas entrée dans le XXIe siècle

par Jérôme di Costanzo
vendredi 12 septembre 2008

Cela apparaît comme une évidence, en parcourant la toile internet francophone, où l’on se traite abondamment de fasciste, de stalinien, de collabo, de nazi, de colonisateur, de pétainiste, voire d’esclavagiste, ou de néo-cons, etc. À savoir, un fatras de dénominations et de termes datant du siècle dernier.

Les Français ne sont pas entrés dans le XXIe siècle.

On se déclarera ainsi « résistant », à tout ou à n’importe quoi ou à quelque épouvantail décharné datant au moins de trente ans. Estampillant les sites de photos de de Gaulle, d’un Che Guevara ou bien pour faire plus lettré d’un Voltaire, on se revendiquera de l’esprit de 1968, de la France libre et combattante, ou bien des Lumières.

Des sésames de la mémoire ! On placardera sur les écrans ces poncifs magiques tels que : laïcité, tolérance, résistance, liberté d’expression et vérité. On se proclamera, non sans fierté et buste bombé « anti » quelque chose de totalitaire, seul contre tous, et contre la pensée unique et le politiquement correct. Cocorico !

C’est le panthéon-bazar des idées d’un modernisme moribond, et l’on s’y battra, becs et ongles, pour la préservation de ces valeurs passées.

Que cela se sache : rien de nouveau ne sera dit au XXIe siècle !

Ce constat ne se limite pas au net, la France vit dans le passé et cultive d’une manière névrotique sa nostalgie. Commençons l’inventaire de cette brocante.

De gauche à droite

Bien que se présentant comme jeune et frais en politique, Olivier Besancenot nous annonce la création d’un « grand » parti anti-capitaliste. Un parti anti-capitaliste ? Pourquoi pas un comité de résistance contre la machine à vapeur ! Constatons que toutes les références de son programme datent de Mai-68, bref des idées de quarante ans, du recyclé « à la mode » anti-globalisation.

Culte passéiste qui ronge le PS aujourd’hui, tiraillé entre ses lacunes programmatiques et sa guerre des chefs, le parti n’arrive pas à trouver un second souffle. Restant embourbé dans la commémoration éternelle d’un Front populaire ou dans les années mitterrandiennes idéalisées. Refusant de sombrer dans un blairisme, refusant de rejeter un socialisme désuet, c’est une névrose, oscillant entre prostration et agressivité. Et cela, quitte à surprendre mes lecteurs de droite, est malheureux, pour ne pas dire inquiétant pour le fonctionnement de notre pays.

On radote aussi à droite !

Avec cette dernière décennie un « revival » gaulliste, clamant l’indépendance nationale, se voulant à la fois anti-américain et eurosceptique, nous sommes bien ici dans les années 60.

Dans les années 80, les idées libérales ont conquis certains, surfant sur la déferlante Reagan/Thatcher, leur tentative d’application fut un échec. Les rangs des libéraux furent plus que décimés jusqu’à l’explosion de l’UDF. On a ici raté le coche et nous sommes encore en train de nous tâter. Cette question est obsolète alors qu’avec la globalisation, les flux économiques mondiaux sont régis par les marchés.

On peut toujours sortir du chapeau le « communautarisme », mais là aussi on est en retard. La problématique des droits des minorités dans le monde anglo-saxon date de la fin des années 60, avec Martin Luther King pour les Afro-Américains ou bien avec la naissance des mouvements féministes, bref il y a environ quarante ans. Dans ce domaine, encore, nous sommes en retard.

Comme si le 11-Septembre n’avait jamais existé

Nous sommes dans le XXIe siècle, et cela définitivement depuis le 11-Septembre 2001. Vingt-cinq années de mitterrandisme et de chiraquisme nous ont rendu aveugles à toute réalité du monde actuel. Et nous voilà terrifiés à l’idée de sortir de notre cure de sommeil politique.


Depuis vingt-cinq ans, on nous a administré des antidépresseurs politiques, nous avons vécu avec la certitude que la France était encore un grand pays, nous avons fermé les yeux sur notre propre déchéance et célébré un monde du passé en nous agrippant à des rituels désuets. Mais la vérité est là : deux avions, pulvérisant des tours, et cela nous a projetés dans un siècle nouveau et dans un monde inconnu.

On ne s’étonnera pas alors que la France soit le nid des théoriciens du complot en tout genre. Un univers où l’on confond allègrement le « droit légitime à l’information » et la propagation d’intox afin de satisfaire des buts mercantiles. Ce ne sont que des coups médiatiques, manchettes de rumeurs, buzz-internets ou best-sellers.

On peut y voir ici un des symptômes de ce refus de la réalité. Si le 11-Septembre n’a jamais eu lieu, nous sommes alors toujours dans le XXe. Quel soulagement ! À ce stade, nous sommes prêts à admettre tout pour préserver notre quiétude. Sous couvert d’une certaine ouverture d’esprit, on donne une honorabilité au plus criminel des talibans ou l’on décèle chez un dictateur une sensibilité humaniste !


Les problématiques du XXIe siècle

Sans volonté exhaustive, quelles sont les problématiques de notre siècle ? 

Sachant que nous vivons d’ores et déjà dans un village global où les interconnexions se démultiplient à la vitesse de la lumière, avec l’émergence de nouvelles super-puissances comme la Chine, l’Inde ou bien le Brésil. Avec la résurgence inquiétante et menaçante de totalitarisme religieux ou nationaliste, comment allons-nous assurer notre sécurité tout en préservant nos libertés individuelles ? Nous abordons là, le débat autour du fichier « Edvige », mais aussi le fichage ADN des immigrés. Pour plus de sécurité, combien de libertés allons-nous concéder ? Pour le moment ces limites restent inconnues.

Deuxième question relevant de la globalisation, c’est la gestion et la maîtrise des flux migratoires, question importante pour les pays du bassin méditerranéen. On ne parle plus ici d’immigration brute, comme dans les trente dernières d’années, avec des immigrés travaillant et faisant souche, il s’agit aujourd’hui de travailleurs nomades et de leurs tribulations qu’il va falloir gérer.

Enfin, question essentielle : la conservation de notre nature, aussi bien humaine, avec le risque de dérive de la génétique, qu’environnementale, avec l’essor de nouveaux pays industriels. Je n’évoque pas seulement ici l’écologie ou la bioéthique, mais une question plus large découlant de la nature même du modernisme.

Allons-nous perdre tout contact avec notre nature originelle ?

Le débat dépasse bien ici toute politique ou écosystème, c’est un débat réel axé sur nos propres valeurs morales, philosophiques ou religieuses.

De ce paradigme à quoi pourrait bien nous servir un bric-à-brac passéiste ? Ils appartiennent au siècle dernier, à l’histoire de France.

La France est-elle prête à entrer dans le XXIe siècle ?

Est-elle prête à assumer sa vocation historique ?

Ou bien est-elle morte ?

Ou endormie pour l’éternité comme la Belle au Bois Dormant ?









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