Togo or not Togo : un Poulpe sous les tropiques

par akram belkaïd
vendredi 18 juillet 2008

Le Poulpe découvre l’Afrique. Un voyage initiatique du Togo au Bénin en passant par le chaotique Nigéria.

C’est en Afrique noire, plus précisément au Bénin, au Nigeria et (un peu) au Togo, que se déroule l’une des récentes aventures du Poulpe, « personnage libre, curieux, contemporain (…) qui va fouiller, à son compte, dans les failles et les désordres apparents du quotidien. » (*)

Le Poulpe, c’est aussi Gabriel Lecouvreur, un homme accablé par les cons et la France sarkozyenne. Un itinérant pour qui l’appel de l’Afrique tombe à pic, un peu comme ces humanitaires qui ne savent pas quoi faire de leur vie et qui partent ailleurs en une fuite qu’ils espèrent salvatrice.

Dans ce polar de Pierre Cherruau, journaliste à Courrier international et spécialiste de l’Afrique, tout commence avec le kidnapping d’un enfant au Togo. Le gamin est particulier : c’est un albinos et pour qui connaît l’Afrique subsaharienne cela signifie beaucoup de drames et d’ennuis. Même le grand griot Salif Keita a connu les vexations, les menaces et les injures de ceux qui sont persuadés qu’un albinos porte malheur et qu’il concentre en lui des forces négatives. Certains vont même jusqu’à penser que leur mort ne peut qu’apaiser dieux et éléments surnaturels qui commandent aux destins des humains…

On comprend dès lors l’urgence à retrouver le gamin, combat dans lequel s’investit immédiatement le Poulpe. Certes, en bon « oyibo », il ne connaît rien de l’Afrique, mais, dans son périple initiatique, il sera efficacement secondé par Marcus Adjovi, un journaliste béninois, et excellemment couvert par Mme Diop, une détective privée sénégalaise qui fait régulièrement son apparition dans les romans de Cherruau (**).

En suivant Lecouvreur dans ses pérégrinations, c’est une Afrique déjantée, mais ô combien réelle que l’on découvre. Superstitions, misère, esclavage moderne, violence quotidienne, milieux interlopes, corruption, trafics en tout genre, qu’il s’agisse de drogue, d’objets antiques ou d’essence, tout y est conté et décrit sur fond de latérite, cette terre rouge qui est aussi la marque de fabrique de la région où nous entraîne le Poulpe. Une terre où l’on croise des Natembas, des Yoroubas, des Haoussas ou des Igbos aux joues entaillées.

En lisant ce polar, on réalise aussi l’importance du chaos au Nigeria, « plus grande kleptocratie du monde » et l’on plonge même dans les méandres de la françafrique avec la découverte inattendue, mais ô combien hilarante d’une université particulière, celle de Padara Onishi. Située au sud du Nigeria, financée avec quelques fonds publics gaulois et proclamée « le plus important centre académique de langue française au sud de la Méditerranée », le campus offre au Poulpe une inoubliable expérience d’art moderne et cela quelques heures avant un dénouement que je vous laisse découvrir.

Akram Belkaïd

 

(*) Le Poulpe : Togo or not Togo, Ed. Baleine, 214 pages, mai 2008. 5,95 euros.

(**) Chien fantôme, Ed. Après la lune, 143 pages, février 2008, 14 euros.


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