Donneur de leçons

par C’est Nabum
jeudi 5 octobre 2023

 

Une évidence qui m'agrée…

 

Un quidam fort mal embouché, pensant sans nul doute se montrer fort indélicat, du haut de sa suffisante prétention me traita de donneur de leçons. Ainsi, je devais avaler ce trait qu’il m'assénait pour me faire taire. À le voir engoncé ainsi dans sa panoplie de vendeur de voitures de luxe, je ne doutais pas un seul instant que pour lui, comme on lui avait enseigné dans les écoles de commerce, son propos relevait de la plus virulente insulte.

J'ai voulu comprendre pourquoi cela lui semblait être une saillie définitive, un propos dont je ne pourrais pas me remettre. À le voir s'en aller, fier d'avoir imaginé une réplique digne des séries télévisées qui doivent nourrir son imaginaire miséreux, je pensais en mon for intérieur que nous étions bien loin d'une réplique digne de Audiard. Ni le ton mielleux du commercial de pacotille ni son allure ne le rendant pas digne de figurer au générique des Tontons Flingueurs. Tout le monde ne vend pas des voitures à Montauban.

Puis, le laissant partir à vivre allure, le champignon étant la seule chose qu'il sache écraser, il me prit l'envie d'analyser les deux termes de ce coup qu'il pensait m'asséner verbalement. En quoi ces deux termes pouvaient-ils constituer à ses yeux, le sommet de la bassesse, l'expression la plus aboutie de la médiocrité ou de l'insignifiance ? L'expression méritait d'être approfondie afin d'en tirer la substantifique moelle même si jamais ce triste personnage ne sache que Rabelais est l'auteur de cette formule.

Donneur : l'attaque est terrible venant d'un chantre du libéralisme. Rien n'est plus odieux à ces gens-là que la générosité d'un don. Dans son domaine, tout se négocie et se vend, se brade parfois sans jamais qu'il n'y ait de relation entre la valeur réelle et la somme exigée. Vendre est son credo, son cœur de cible, sa raison de vivre, alors ce Dupont la joie ne peut supporter la moindre forme de générosité, le don est son ennemi, son antithèse absolue.

Leçon : la chose est pire encore. Elle est porteuse de morale, de vérité, d'éthique et de raison. Autant de valeurs qui ne seront jamais des marchandises ni monnayables à la grande foire du consumérisme souverain. Le vendeur peut tout commercialiser sauf les expériences tirées de l'existence, les leçons que l'on tire de ses erreurs, de ses rencontres, de ses découvertes.

La leçon peut être bonne elle ne sera jamais pour autant cotée en bourse. La chose l'horrifie car elle se distribue, se partage, se répand sans que la monnaie ne vienne s’immiscer dans ces échanges. Que l'on soit plus riche après avoir reçu ou donné une leçon échappe totalement à son univers. Je comprends mieux son courroux.

Que cet individu, porte drapeau à damiers de la pensée libérale ait une sainte horreur des codes sociaux, des principes éthiques, des règles de civisme ne doit pas me surprendre. Pour lui, la seule réussite qui vaille passe par le compte en banque, l'intéressement à sa contribution à la grande gabegie universelle. L'argent et les valeurs, il y a en dépit d'une fraternité trompeuse entre ces deux termes, un antagonisme si fort que ce pauvre type ne peut admettre qu'il puisse exister des valeurs qui se transmettent non de la main à la main, mais d'esprit à esprit.

Il s'en va, le portefeuille gonflé de ses valeurs monétaires ou boursières, de sa liste de clients à gruger ou de ces pauvres diables à détrousser. Il ira gagner sa vie en puisant le sang des autres. Il ne saura jamais que donner une leçon, transmettre un message, tenter d'apporter une pierre à la compréhension du monde est un acte d'une immense générosité. Raconteur certes mais jamais comptable, seuls les bons contes font les bons amis et celui-ci ne sera jamais le mien.

À contre-sens.


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