Le denier de l’insulte

par C’est Nabum
jeudi 28 octobre 2021

L’Aumône jupitérienne.

« Pour vos menus frais mes braves, Jupiter nous le prendra au centuple ! »

La scène désormais ne se passe plus à la sortie du culte. Les bourgeois ne font plus l'aumône aux miséreux, l'argent est vite expédié dans un paradis fiscal afin d'anticiper sur le grand dérèglement final, une forme élaborée de guerre des classes durant laquelle tous les coups seront permis pour survivre à la condition d'avoir de la fraîche, de l'oseille, des espèces

C'est le pouvoir en personne qui se fend du denier de l'insulte, un petit billet glissé dans la poche revolver d'un peuple excédé qui était tout près à dégainer en regagnant ses bastions sur les ronds-points. Pour éviter l’insurrection des réservoirs à sec avant la grande messe de la présidentielle, un petit geste s'imposait.

Le mépris n'a d'égal que la révélation ahurissante, passée sous silence par les exégètes de la parole jupitérienne. Il y a dans ce pays, cinquième ou sixième puissance mondiale trente-huit millions d'individus sous la ligne de flottaison financière. On perçoit bien à l'annonce de cette vérité révélée, combien les autres doivent se goinfrer en partageant le restant du gâteau.

Les célébrants des grandes messes télévisuelles ne vont d'ailleurs pas cracher dans la soupe puisqu'ils font partie des élus, de ceux qui ont touché la grâce et le pactole. Ils travaillent du reste pour des patrons qui du haut de leur Olympe, leur demandent chaque jour d'abrutir un peu plus ce peuple des damnés.

Le billet en poche, les miséreux se presseront devant les grandes pompes du consumérisme, aspirateurs surpuissants pour siphonner les maigres salaires, les revenus de substitution et les différentes primes. À Cap Satan et dans tous les autres temples de la tentation, les mauvais diables se préparent à un afflux de visiteurs. « Pour cent balles, tu n'as presque rien mais ne perds pas ton temps, en période de pénurie organisée, les premiers délestés seront les premiers servis. »

Jupiter se frotte les mains. Le brave Serge Dassault distribuait des billets de 500 francs (à l'époque) pour asseoir son élection. Il a effectué une juste corrélation à ses yeux, cent euros feront l'affaire d'autant qu'ils ne seront pas comptés sur ses frais de campagne. C'est du grand art, un joli tour de passe-passe !

Réjouissez-vous les gueux, ce qui est pris n'est plus à prendre. Penchez-vous pour ramasser les miettes du ruissellement et surtout n'allez pas examiner les sommes astronomiques gagnées durant la crise par les disciples du patron. Il vous revient de vous réjouir de cette obole en baissant la tête, en faisant grande génuflexion devant votre Seigneur. Les voix discordantes iront tout droit en Enfer.

Les pompes de la liturgie présidentielle font résonner les grandes orgues. La distribution des bons points est du passé. Le billet de cent euros glissé dans la prochaine carte d'électeur, ça vous a de la gueule ! La foule des fidèles, transportée de joie et de reconnaissance, s'empressera de glisser le nom du sauveur dans la petite enveloppe bleue. Les voies qui mènent au Paradis passent justement par la couleur de l'azur.

L'indignité élevée en principe de manipulation d'une foule déjà soumise à la manipulation par la terreur, la menace et la contrainte, la République en lambeaux, le parlement devenu chambre d'enregistrement des caprices du Monarque, nous allons malgré tout devoir subir encore cinq années durant ce purgatoire tant les opposants dans leurs honteux orgueils, leur saisissante cécité, leur ignoble égoïsme se déchireront plutôt que de présenter un front uni devant une telle mascarade. Tous ces gens du reste, ne sont pas dans les trente-huit millions et ne savent rien de nos existences.

Pactolement sien.


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