Le rêve européen face à la réalité conservatrice
par Didier Vincent
mardi 27 septembre 2005
Sans qu’il soit très apparent, il se passe actuellement un phénomène intéressant à souligner ; il s’agit de la concomitance entre l’arrêt du processus de construction européenne et la montée des partis de droite aux élections récentes dans les pays de l’UE. Regardons le phénomène de plus près.
Exception faite de l’Espagne, dont les élections datent maintenant d’un an et demi, la plupart des « grands » pays de l’Union ont vu ces derniers temps une remontée des conservateurs. Il n’y a certes pas homogénéité dans ce processus, et il va d’une victoire en Pologne ce week-end, jusqu’à la « droitisation » d’un Tony Blair qui se maintient au pouvoir à ce prix, en passant par un statut ambigu en Allemagne correspondant quand même à une victoire des conservateurs. D’autres pays avaient succombé avant à ces mêmes sirènes. La France depuis 2002, l’Italie avec un Sylvio Berlusconi caricatural.
Force est de constater que ce processus est concomitant de la fin - ou de la pause si on reste optimiste - du processus de construction européenne. A dire vrai, il n’est pas besoin d’être un grand « politologue » pour comprendre qu’il n’y a pas de hasard.
La construction européenne, pour des raisons qu’il n’est pas nécessaire de rappeler ici, s’est faite essentiellement par une interpénétration des intérêts économiques : un « méli-mélo » des charbons et des aciers, comme le disait le Général lors de la création de la CECA puis du Traité de Rome, de la PAC etc. passons. Mises à part quelques rebuffades, plus inspirées par des questions de politique intérieure que par une réelle volonté de ne pas construire la Communauté économique européenne (CEE) d’alors - les mots sont importants, les partis de droite européens se sont tous rangés du côté de la construction européenne, enfin d’une certaine construction européenne - celle-ci est devenue un facteur intangible de leur programme.
Tout cet artifice a plus ou moins bien fonctionné tant que l’enjeu n’était pas politique au sens strict du terme et restait donc essentiellement sur le terrain économique.
La difficile décision de mettre en place un groupe de travail présidé par Giscard afin de préparer un texte constitutionnel a fait dérailler le train. Pourquoi ?
Il serait faux et malhonnête de ne pas reconnaître que les partis conservateurs ont soutenu le projet de traité mais, à bien y regarder, il s’agissait là d’un nuage de fumée. Demandant à chacun de ses membres d’abandonner une infime partie de sa souveraineté, ne concernant plus seulement la politique du porte-monnaie dont hypocritement les conservateurs de tous poils savaient bien que la mondialisation en cours rendait l’importance très relative, s’agissant de s’exprimer pour une fois de manière positive, par un engagement autre que celui d’intérêt, comme ce fut le cas de la création de l’euro, les conservateurs ont baissé le masque et ont fait resurgir leur vraie nature : nationalisme teinté de social, fermeture, défense des intérêts catégoriels nationaux, primauté de l’économie sur le politique. L’Europe est en panne. Le conservatisme est au pouvoir.
Et la gauche, me direz-vous ? La gauche porte une lourde part de responsabilité dans la situation actuelle. Refus de regarder la réalité en face. Archaïsme de la pensée, etc. mais c’est une autre histoire.
L’Europe d’aujourd’hui est en panne. Ne nous y trompons pas, c’est bien le nationalisme de papa qui en est la cause, et non pas un pseudo-rejet de la mondialisation comme les bien pensants de la gauche essaient de nous le faire avaler. « Nice ou la mort » a déclaré un « ministrable » en Pologne. Tout est dit.