Consommations à la maison : et si on passait du Rouge au Vert ?

par Denis-Noël
vendredi 28 janvier 2011

 

Cette expérience est partie d’un constat fort simple : jeune actif, employé dans une association travaillant sur l’environnement et l’énergie - donc sensibilisé et fortement investi autour de la question environnementale - je me demande (un peu naïvement) si des objectifs aussi lointains qu’une réduction de nos émissions d’un facteur 4 en 2050* avaient un sens au niveau d’un citoyen.

Ces objectifs sont-ils atteignables dés maintenant ? Est-il possible de les réaliser individuellement dans une échelle de temps plus courte ?

 Nous avons donc réalisé un suivi poussé de nos consommations dans notre foyer sur l’année 2009.

Ma professeur de mathématique se plaisait à me rappeler qu’il ne faut pas « additionner les choux et les carottes », hors, c’est précisément le principe de tous les outils de comptabilité environnementale. Nous avons donc croisé les chiffres des consommations diverses et variés de notre foyer afin de voir ce que pouvait apporter comme information les différents outils de comptabilité environnementale existants : Bilan Carbone, Bilan Energie, Empreinte Ecologique.

L’objectif est de voir quels outils permettent d’animer une dynamique afin que citoyen soit à même, au niveau personnel, d’obtenir des informations fiables sur les flux générés par ces activités et les améliorations à apporter pour réduire son bilan.

L’étude porte sur le suivi d’un « foyer type », le mien, sur une période d’un an.

Il s’agit d’une petite maison de campagne de 65 m².

Ce foyer est composé de deux personnes à temps plein et un colocataire, en semaine, du lundi au vendredi. Ce foyer correspond donc approximativement à 2,5 personnes.

Cette taille de foyer est assez représentatif du foyer moyen puisque la moyenne nationale de la taille d’un foyer est de 2,3 personne et de 91 m² *

La première étape, consistant à lister tous les postes, nous a déjà permis de réduire considérablement nos consommations : nous avons pu assez facilement adapter nos usages de l’énergie dans le but d’avoir un comportement « sobre ».

Lorsque l’on parle de comportement environnemental d’un foyer, apparaissent en premier lieu les consommations d’énergie liées à la maison : le chauffage, l’électricité, l’eau chaude.

Le chauffage de la maison était initialement assuré par des convecteurs électriques, l’isolation étant par ailleurs assez peu performante, l’étiquette énergie du bâtiment est donc « médiocre » :

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il semble difficile de réduire drastiquement les consommations sans prévoir des travaux lourds sur les systèmes de chauffage.

Mais il n’est pas possible de prévoir des travaux importants sur le bâti puisque nous sommes locataires de l’appartement.

Le propriétaire a été contacté pour réaliser des travaux d’isolation, ce qui a permis d’obtenir que l’achat de l’isolant (une laine de verre d’épaisseur 260 mm ) soit à la charge du propriétaire et les travaux de pose à la charge des locataires, le plafond et le plancher ont été isolés.

Concernant le chauffage, il existe un  conduit de fumée placé au milieu de l’appartement et en bon état, il a donc été possible d’installer un poêle bois qui permet de chauffer l’ensemble de la maison.

La répartition et la diffusion de la chaleur dans la maison n’étant pas optimale, il est prévu d’y remédier par d’autres travaux d’isolation et la fabrication d’un poêle de masse. Si cela s’avère insuffisant, il sera nécessaire de prévoir un réseau de soufflage d’air chaud.

Les résultats d’or et déjà obtenus avec l’isolation et le poêle sont de 121 kWep/m².an, pour un coût de travaux de 2400 €.

Si les travaux réalisés sont complétés par l’isolation des murs et l’installation d’une VMC double flux, les résultats obtenus seront alors de 82 kWep/m².an (ce qui ferait de ce bâtiment un bâtiment basse consommation.)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les consos annuelles pour le chauffage correspondent à 4 stères de bois, soit 160 €.

La production d’eau chaude est assurée par un chauffe eau électrique, avec peu de possibilité de modification.

Nous avons veillé à réduire les consommations d’eau en utilisant des réducteurs de débit. Souhaitant utiliser des énergies renouvelables pour l’eau chaude, nous avons orienté notre choix vers un fournisseur électrique d’énergie renouvelable.

L’électricité est certes à un coût plus élevé que ses concurrents mais c’est une source de motivation supplémentaire pour réaliser des économies.

Nous avons été très surpris lorsque nous avons étudiés les impacts des consommations électriques  de voir que nos consommations annuelles auraient produit l’équivalent de 1 kg de déchets nucléaires*, le surcoût lié a l’utilisation d’énergie renouvelable parait dès lors beaucoup plus acceptable.

Sans être très économe, nos consommations électriques s’élèvent à 5170 kWh/an, cette énergie électrique est très peu émettrice en CO²,  puisque produite à partir d’énergie renouvelables (hydraulique et éolien).

Les limiteurs de pression sur les robinets ainsi que des usages sobres nous ont permis de limiter les consommations d’eau à 30 m³ par an, tout en ce permettant de temps en temps quelques bains !

Une machine à laver sans lessive à été acheté (si si, ça existe !), il y a donc très peu de rejets, puisque les produits qui peuvent avoir un impact sont les produits de nettoyages, le liquide vaisselle, gel douche et shampoing.

Il est assez difficile sur ces produits de savoir les impacts et de trouver des produits à faibles impacts, j’ai cherché mais n’ai pas pour l’instant trouvé de solution satisfaisante.

Pour la réduction de nos déchets, il est difficile d’échapper aux multiples emballages, à se demander si il ne serait pas nécessaire de traiter ces déchets à la source en les laissant au magasin, action que  nous n’avons  pas encore entreprise. Le prix du ramassage des déchets n’étant pas fonction des quantités, nous payons donc très cher au kilo.

Pour les parties organiques, après quelques mésaventures, l’élevage de vers de terre fonctionne très bien, il faut quand même éviter de mettre cet équipement dehors (risque de gel) ainsi que à la cuisine (c’est un véritable petit monde qui habite mon installation de lombricompostage, avec des escargots, des petites bêtes et quelques volants).

Le transport, est un poste très  important, puisque les émissions de CO2 qui y sont liés sont assez comparables aux émissions dues au chauffage de la maison.

C’est un poste difficile, pour notre foyer, le fait d’être en campagne est un inconvénient majeur, il n’y a pas de services collectifs de transport, aussi nous avions autant de voitures que d’habitants, heureusement avec une utilisation raisonnée ! Malgré les efforts, la moitié des km réalisés sur des longs parcours ont été réalisés avec le train, notre impact CO2 transport est très comparable à la moyenne française concernant les émissions « usage de la voiture ».

Nous réalisons beaucoup de transports, plus que la moyenne, mais cela s’explique peut être par le fait qu’on est de jeunes actifs, et que nous sommes amené à voyager assez souvent.

Sur l’alimentation, il est assez difficile de pouvoir quantifier les impacts de son alimentation, l’épicerie du village est desservie par une centrale d’achat d’une grande chaîne de distribution. Cette épicerie est tenue par une association à laquelle je participe, suite à un questionnaire, on s’est rendu compte que il y’avait une forte demande pour des produits locaux, ce qui limitera sans doute les impacts, mais ne facilite pas pour autant la quantification de ces impacts.

Un système d'échange local est prévu au sein de l'association, avec l'appui d'un SEL existant, cependant sur ce point tout reste à faire, par contre un service postal ainsi qu'un guichet touristique sont d'or et déjà en fonctionnement dans l'épicerie.

 

En bilan

Nous avons effectué plusieurs outils environnementaux pour se rendre compte des impacts de nos activités sur notre environnement, il semble qu’il n’y a malheureusement pas d’outils parfait, ces outils ne sont que des indicateurs, comme le compteur kilométrique d’une voiture ne fait pas avancer la voiture, ni dirige la voiture.

 L’outil d’empreinte écologique permet de rassembler plusieurs démarches et plusieurs outils sous un indicateur unique, malheureusement il est assez difficile de renseigner cet outil au niveau individuel. (Def : l’empreinte écologique comptabilise la demande exercée par les hommes envers les "services écologiques" fournis par la nature. Plus précisément, elle mesure les surfaces biologiquement productives de terre et d´eau nécessaires pour produire les ressources qu´un individu, une population ou une activité consomme et pour absorber les déchets générés).

Le bilan carbone est beaucoup plus simple à mettre en œuvre mais en contrepartie assez limité.

(Def : Le bilan carbone d'un produit ou d'une entité humaine (individu, groupe, collectivité..) est un outil de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre devant tenir compte de l’énergie primaire et de l’énergie finale des produits et services.)

Les résultats obtenus en terme de bilan carbone donnent :

 

 

 

 

Si nous sommes assez loin du facteur 4 tel que la France c’est engagé à réduire ces émissions de CO2 pour 2050*, il est intéressant de constater que, mis à part sur les transports, nos actions ont été très efficaces.

Petites remarques sur les gens des villes et les gens des campagnes …

 Il existe de nombreuses contradictions entre une volonté de réduire ces impacts et les gestes possibles, ainsi sur les transports, les trains régionaux lorsqu’ils fonctionnent au diesel, vu leurs taux de remplissage, sont plus polluants que la voiture individuelle ! Ou encore pour avoir un faible impact environnemental, le bon sens nous dit que il faut habiter en zones rurales, profiter d’un environnement protégé, pouvoir profité d’une production agricole locale et  des services de proximité. Ainsi que de liens social.

 Dans les faits de nombreux services ne sont disponibles qu’en villes, le travail est aussi beaucoup plus localisé dans les zones urbaines plutôt que en campagne, les transports rendent l’empreinte écologique des ruraux souvent plus importante que les citadins et pour habiter dans une zone vigneronne, mon environnement est sans doute plus pollué que le centre de Besançon, pour certains polluants.

Les gens de mon age sont présents dans le village entre  7h du soir à 7 du matin, puisqu’ils travaillent à l’extérieur, enfin aucun agriculteur de mon village ne peux me vendre ces produits : ils n’ont pas les autorisations nécessaires.

Es ce dire que le bon sens se trompe ?  Les ruraux peuvent beaucoup plus facilement avoir un impact positif sur leur environnement, ne serait ce que en cultivant leurs jardins, mais aussi en réenchantant leur environnement, épicerie solidaire, AMAP, réalisation de chemin pédestre de découverte, système d’échange locaux (SEL), structure d’insertion tout ces projets sont en cours, au cœur de mon village, ils sont plus ou moins avancés, j’y participe !

 Il s’agit d’une aventure avant tout  humaine et aussi immobile, car les plus grands changements ont concernés pour ma part mes changements propres, mes manières de voir mon environnement immédiat.

Aussi je trouvais intéressant de croiser les points de vue des aventuriers du 22 Rue du coin du Four :

« Pour ma part, je me suis rendu compte de beaucoup d’axes d’actions dans ma maison, je me suis vraiment pris au jeu et cela ne me gêne plus de faire 4 km en vélo en janvier dans le Jura, pour aller au travail, je sais pourquoi je le fais, quand je le fais ! Je me suis rendu compte aussi que compter les échanges d’un foyer est une chose, il y’a aussi tout ce qui n’est pas quantifiable,  le merveilleux, qui fait d’un foyer son foyer. »

« J‘estime ne pas avoir eu spécialement un comportement écologique.

Avoir une action sur les transports n’est pas facile, alors que Port-Lesney se prête beaucoup plus à des actions sur les jardins.

Je trouve intéressant de pouvoir jardiner des variétés locales, de pouvoir réaliser mes propres graines, échanger ces graines.

 Le contexte est bien plus favorable en campagne pour jardiner que en ville, par exemple à Paris ou ce n’est pas du tout adapté. Il s’agit donc pour moi d’une adaptation à des contextes environnementaux très locaux, ainsi il était plus important à mes yeux de nourrir les poules des voisins avec nos déchets verts, que les problèmes d’énergies ou je n’estime pas avoir eu d’actions significatives. J’ai beaucoup pris le train mais je ne suis pas sur que ça aurait été le cas si j’avais eu le choix de prendre la voiture. »

« Au-delà de la maison et des consommations d’énergie qui y sont liées, les comportements de chacun et leurs implications dans notre vie sont prépondérants.

Pourquoi vouloir habiter à la campagne quand le seul mode de déplacement est la voiture ?

Quand des appartements sont à louer à quelques mètres de votre travail, pourquoi s’exiler à 8 km aller/retour ?

Que considère t’on comme "part non négociable" de notre vie et donc de nos consommations ?

Aider les autres, monter des projets, vivre et faire vivre des idées… sont –elles des raisons suffisantes pour dépenser de l’énergie fossile ?

La meilleure énergie restant celle que l’on n’utilise pas, toute action (éthique ou non) doit a mon avis être passé au crible du " Puis-je m’en passer ?" »

Des actions de l’ordre de la technique sont plutôt malvenus dans les relations humaines, quand par exemple il est possible de savoir le temps que dure un bain grâce à des relevés de température et d’humidité, ou alors quand une émancipation conduit à avoir trois voitures au foyer, ce qui était peu compatible avec notre dynamique, qui se doit de changer de mode de déplacement ?

Se rendre compte aussi que tout ce qui à trait aux techniques, ainsi que les échanges du foyer avec l’extérieur, sont des sujets généralement porté par la gente masculine, les décisions qui vont avec aussi alors que ce qui se passe dans la maison et son utilisation est plutôt porté par la gente féminine !

Serait il possible que les idées aient un sexe ? Une approche technique de l’environnement est peut être déjà assez orienté, hors l’environnement c’est ce qu’on à en partage : biodiversité, culture, liens sociaux, beauté du monde, de bien belles batailles en devenir …

 

En conclusion :

 

Les « bons » critères objectifs sur l’environnement sont difficiles à trouver, Ce qui n’empêche qu’il soit intéressant et très porteur d’utiliser des outils pour mesurer nos impacts. On butte sur un fait : malgré toute la bonne volonté du monde une personne seule ne peut modifier l’ensemble de ces consommations, par exemple, pour la moitié les émissions de CO2 sont liées à des choix collectifs.

Assez naturellement, aux problèmes collectifs, des ressources collectives existent ! (Comme par exemple pour la fourniture de service d’électricité renouvelable).

A titre personnel, je souhaitais limiter les impacts de mes actions sur l’environnement, je me retrouve à vouloir augmenter mes actions ayant un impact avec mon environnement.

* Taille moyenne des habitations (2006) : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1202#inter1

Nombres de personnes par foyer (2004) : http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1202#inter1

* http://groupe.direct-energie.com/cgv.html

* Plan Climat Nanterre

http://www.nanterre.fr/Developpements/Environnement/Plan+climat+territorial/

* En France, Facteur 4 désigne généralement l'engagement pris en 2003 devant la communauté internationale par le chef de l'État et le Premier ministre de « diviser par un facteur 4 les émissions nationales de gaz à effet de serre du niveau de 1990 d'ici 2050 ». Cet objectif a été validé par le "Grenelle de l'environnement" en 2007.


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