De l’effondrement à la transition

par olivier cabanel
mercredi 14 mai 2025

Arthur Keller, cet ingénieur, professeur à Centrale Supélec, n’est pas un pessimiste, même s’il n’est décidément pas optimiste, il est avant tout réaliste face à l’effondrement annoncé.

 Dans une interview donnée sur la chaîne de France Culture, il nous a proposé ses réflexions…lien

 Au delà des polémiques, des vaines promesses et des grands discours creux, questionnant le changement climatique, il trouve inconcevable que nos élus et autres « experts » refusent de se plonger dans la triste réalité qui nous menace, ignorant volontairement que nous avons déjà basculé vers le pire, même si des stratégies de résilience pourraient nous offrir quelques portes de sortie.

Edgar Morin nous avait déjà alerté sur la question, refusant de laisser « la nature » aux seuls poètes, préférant « l’homme objet » à « l’homme sujet », affirmant qu’il n’est plus question de considérer tout l’environnement comme un objet que l’on peut manipuler, ignorant les conséquences de ces manipulations : on détruit une forêt, sans le moindre scrupule, on fore, on creuse, on pille sans vergogne les richesses minières sans tenir compte des conséquences de ces activités problématiques.

Pour Edgar Morin : « ce traitement des phénomènes naturels comme objet, a commencé à entraîner certaines lésions irréparables ». lien

Keller insiste sur un point précis : nous agissons de façon binaire.

Face au problème, nous cherchons LA solution, ignorant que les solutions créent leurs propres problèmes, et du coup, nous sommes «  à coté de la plaque  ».

Pour convaincre, il nous propose une métaphore : imaginez que vous ayez 3 problèmes, un problème de mal de crane, un autre de peau en mauvais état, et un dernier, de digestion...pour résoudre ça vous allez consulter 3 « spécialistes ».

Pour vos migraines, le docteur vous conseillera de l’aspirine, pour la peau, le dermatologue vous prescrira une pommade, et pour le dernier point, il vous fera prendre des tisanes...ou autres...et pourtant rien ne sera résolu, si les « experts » ne comprennent pas que tout cela cache peut-être un cancer...

Il affirme : « les problèmes sont multiples : la bio-diversité, les problèmes d’eau, d’accès aux ressources, d’énergie, de pollution, de santé, et des problèmes qui ne sont pas strictement écologiques, mais surtout de sécurité de notre société ».

La panne gigantesque qu’ont connu récemment l’Espagne et le Portugal vient du fait que tout est connecté, et il est convaincu que cet évènement se produira régulièrement à l’avenir, sauf que notre société allant de moins en moins bien, les prochaines pannes pourraient devenir plus dévastatrices, car demain nous aurons moins de moyens pour gérer ce genre de situation, et ça met en lumière nos dépendances, et notre vulnérabilité.

Il se trouve que j’ai un témoignage direct sur ce qui s’est passé au Portugal, en Espagne ainsi qu’au Maroc, et dans le Sud-Ouest, et cette panne (qui pourtant n’a duré que seulement 12 heures) a été un véritable enfer à un point que nous sommes loin d’imaginer, car ce n’était pas simplement une question d’électricité, de privation de lumière, mais aussi de privation d’eau, leur habitation fonctionnant grace à une pompe, d’argent, les distributeurs refusant d’en donner, de nourriture, les caisses des magasins refusant de fonctionner, de carburant, (donc de transport) les stations d’essence n’en donnant plus, de communication, les téléphones étant devenus muets, et pour les hôpitaux, par exemple, il fallait actionner les « respirateurs » à la main…

Mais la question que se posaient portugais et espagnols est sans réponse : que s’est-il réellement passé pour que cette gigantesque panne se produise ? Lien

Une tempête solaire, une mauvaise stabilisation des générateurs traditionnels, la conception du réseau électrique ? lien

Le gouvernement reste étonnament discret sur la question (lien)...et certaines supputations ne sont pas recevables, comme celles qui pointaient du doigt les énergies renouvelables… lien

Pour en revenir à l’interview d’Arthur Keller, si on met en commun toutes les expertises des différents spécialistes dans tous les domaines, en imaginant qu’il existe une « solution globale », on fait une grosse erreur.

Pour lui, le problème c’est que notre civilisation, notre société, sont des machines qui convertissent la nature en déchet : en amont on prélève un certain nombre de ressources, on les transforme, on en fait de la nourriture, des biens des services, des infrastructures, etc. et en aval on génère des déchets, de la pollution, des gaz...lesquels sont soit liquides, solides ou gazeux, et parmi les gaz, il y a des gaz à effet de serre qui détraquent le climat.

Il conclut, on prélève trop, on transforme trop, et on détruit la nature plus vite que sa capacité d’auto-régénération, et on pollue trop, plus vite que sa capacité d’auto-épuration des écosystèmes.

L’équation que pose l’expert est simple, et se découpe en 3 parties : d’abord développer les renouvelables au dépens des énergies fossiles, puis choisir l’efficacité énergétique, (innovation, optimisation…) et enfin le 3ième point, le plus important : la sobriété, réduire les gaspillages, rouler moins vite,etc. mais même en mettant en œuvre toutes ses solutions, ça ne va pas suffire, car ce qu’il faudrait surtout, c’est produire et consommer moins.

Or si on consomme moins, on aura moins de PIB, comment investir dans la transition ?

Sauf qu’il assure que : « nous n’avons jamais eu autant d’argent, et il faudrait mettre des limites à ceux qui en ont déjà beaucoup trop ».

En réalité, ceux qui nous gouvernent ne sont pas compétents, et il faudrait que les discours politiques soient un peu plus éclairants, un peu moins manipulateurs, car, affirme-t-il « il ne faut pas venir nous dire qu’on manque d’argent pour faire la transition énergétique, et il est faux de dire qu’il faudrait croître pour financer ça, c’est juste que l’argent ne se trouve pas au bon endroit  ». lien

Nos décideurs n’ont pas compris, ou alors ils ont compris, mais ne veulent pas agir…

la logique de la décroissance est théoriquement possible, et il y a mille et une raison pour ne pas l’envisager.

On a vu lors de la crise sanitaire qu’il était possible de décroître, mais des que le déconfinement est arrivé, tout est reparti de plus belle…

et la plupart de nos économistes menacent notre société d’effondrement si nous décroissons…

Or nos réserves s’épuisent, et un jour ou l’autre, il faudra bien envisager de décroître, car face à la décroissance obligée, ou plutôt subie, (ce qui a été le cas lors de la crise sanitaire) il faudrait l’organiser afin de pouvoir la vivre, en la pilotant pour protéger les plus fragiles, afin que ça ne fasse pas éclater nos sociétés…, car si nous ne l’organisons pas, nous subirons une « contraction économique », qui provoquera des conflits intra-étatiques, voire extra-étatiques...et un effondrement, ou plutôt des effondrements, que nous constatons déjà : l’effondrement du vivant, c’est un fait.

Sur l’ensemble des vertébrés, mammifères terrestres et marins, amphibiens, poissons, reptiles, oiseaux...selon un rapport de « planète vivante » nous observons partout des phénomènes de déclin, et si on fait la moyenne sur l’ensemble des espèces, sur la planète entière, en 50 ans, on est à moins 73 %...(lien) même si les bactéries se portent très bien.

Par contre, pour les formes de vies dites complexes, comme la notre, la vie sur terre est en train de s’effondrer, nous sommes en train d’observer une extinction massive du vivant sur la planète terre, car il s’agit bien d’un effondrement du vivant…lien

...et la fin de notre système économique est certaine, affirme Arthur Keller, à moins que nous ne commencions à organiser une réelle décroissance, car la résilience n’est pas la panacée...juste un emplâtre sur une jambe de bois…

Comme dit mon vieil ami africain : « ne met pas ton doigt entre l’écorce et l’arbre  ».

L’image illustrant l’article vient de « la science légiférée »

Merci aux internautes pour leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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