La clientèle chiraquienne votera-t-elle Sarkozy ?

par Paul Villach
jeudi 19 avril 2007

L’élection présidentielle de 2007 présente, dit-on, la particularité d’un renouvellement de générations. Sexagénaires et septuagénaires laissent enfin la place à des quinquagénaires, comme Mme Royal et MM. Sarkozy et Bayrou.

Seulement, en France, ce pays dont l’originalité est d’avoir des hommes politiques qui s’accrochent au pouvoir 40 ans et plus, un changement de personnes implique automatiquement un autre changement plus important dont on parle moins : c’est celui des clientèles que ces dirigeants ont draînées autour d’eux et qui, le temps passant, ont pris leurs habitudes. Un pouvoir détenu si longtemps, par mandats indéfiniment renouvelés, est par nature producteur de clientèle grâce aux postes, aux interventions, et aux avantages de toute nature qu’il peut octroyer à sa guise.

Un vaste réseau clientélaire en déshérence ?

- Ce n’est un secret pour personne que le pouvoir de M. Chirac s’est appuyé, depuis sa première élection en Corrèze dans les années 60 jusqu’à son accession à la présidence de la République en 1995, en passant par sa prise du RPR et par son élection à la mairie de Paris dans les années 70, sur un vaste réseau clientélaire - au sens quasi romain du terme - qui lui a assuré sa longévité politique.
- Cette élection présidentielle va donc par la force des choses permettre à une nouvelle clientèle d’installer son « patron » au poste politique le plus puissant de la République.
- Seulement, si la passation de pouvoir entre le nouvel élu et son prédécesseur se déroule en démocratie fort civilement sous les caméras, qu’en est-il, dans les coulisses, des relations entre la clientèle qui doit céder la place à l’autre ? On a vu que le président Chirac, prévoyant, a déjà pris quelques précautions d’usage en plaçant des fidèles à nombre de postes opportunément vacants.
- Mais ces mesures n’ont comblé qu’un petit nombre d’entre eux. Que vont devenir les autres, maintenant que leur « patron » quitte le pouvoir ? La clientèle chiraquienne serait-elle en déshérence ? M. de Villepin ,qui apparaissait, après M. Juppé, comme le fils spirituel de M. Chirac, aurait-il renoncé à toute ambition de prendre la relève et d’en assurer la continuité ?

Mitterrand plutôt que Giscard en 1981

On voit mal la clientèle chiraquienne se fondre dans la clientèle sarkozyste. Sans doute M. Chirac s’est-il prononcé en faveur de M. Sarkozy, mais l’extrême tiédeur de ce soutien n’a échappé à personne. Les sentiments anti-sarkozystes du fidèle parmi les fidèles, M. J.-L. Debré, le tout nouveau président du Conseil constitutionnel, sont un bon indicateur. La présence de Mme Chirac à un de ses meetings à Lyon n’y change rien : peut-elle être vraiment interprétée comme une manifestation de soutien au « candidat de la rupture », lui qui veut à tout prix ne pas être pris pour l’héritier sortant ? Le passé a montré que M. Chirac ne soutenait pas « naturellement » le candidat de son camp... quand son propre avenir politique était en jeu : J. Chaban-Delmas en a fait les frais en 1974 au profit de V. Giscard d’Estaing. Et selon ce dernier qui, dans le dernier tome de ses mémoires, relate sa rencontre avec F. Mitterrand en décembre 1995, il semble bien que M. Chirac ait préféré contribuer à l’élection de Mitterrand plutôt que de Giscard dont « il fallait se débarrasser », aurait-il dit en 1981.

Même s’il a renoncé au pouvoir pour lui-même, M. Chirac ne peut-il pas être tenté de préparer l’avenir de ses héritiers spirituels en préservant la clientèle puissante qu’il s’est attachée pour la mettre à leur service ? Et puis, l’élection de M. Sarkozy qui a soutenu M. Balladur contre lui-même, n’apparaîtrait-elle pas comme l’insupportable revanche de son ami de trente ans et traître qu’il avait contre toute attente battu en 1995, et voué, dit la rumeur, aux mines de sel ? Paul VILLACH



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