Le curieux « dialogue social » qu’annonce M. Sarkozy
par Paul Villach
mercredi 2 mai 2007
Mardi matin, 1er mai, sur France 2, à l’occasion de la Fête du travail, M. Sarkozy a annoncé sans détour la méthode à la hussarde qu’il entendait suivre dans ses relations avec les syndicats. Le moins qu’on puisse dire est qu’elle laisse présager une concertation déconcertante.
Certes les termes de « concertation » ou de « dialogue social » sont-ils répétés à l’envi, mais quelle marge, quelle interstice même laisse à la négociation l’affirmation péremptoire de la primauté de son projet présidentiel qu’il entend appliquer à la lettre ?
Deux mesures non négociables ?
1- En premier lieu, les syndicats sont déjà priés « dans la concertation » d’accepter au moins deux mesures non négociables : l’instauration d’un service minimum en cas de grève dans les transports par exemple, et l’alignement des régimes spéciaux de retraite sur le régime général. Or nul n’ignore que ces deux sujets sont des pommes de discorde. L’un, vieux comme la grève elle-même dont la nature est tout de même de gêner le déroulement normal des choses, sous peine de n’avoir aucun effet, est considéré comme une remise en cause rampante du droit de grève. L’autre, on ne l’a pas oublié, a fortement mobilisé les cheminots en 1995 aux dépens du premier ministre de l’époque.
Des questions déjà résolues ?
2- En second lieu, sont fixés d’autorité, à l’avance, les seules questions que les syndicats sont appelés à traiter dans quatre conférences qui recueilleront leur avis : contrat de travail, durée du temps de travail, conditions de vie au travail, pouvoir d’achat et égalité salariale entre hommes et femmes. Seulement là encore, la primauté du projet présidentiel ne rend-elle pas assez formel et donc illusoire ce type de débat ? Il semble qu’en matière de contrat de travail, des trente-cinq heures ou de pouvoir d’achat, le candidat ait déjà tranché. Il existe, en outre, d’autres sujets dont les syndicats peuvent se saisir légitimement, comme la violation assez régulière de la loi par l’administration chaque fois qu’elle y a intérêt, ou encore l’abolition de la loi du 12 avril 2000 qui a organisé la protection des délateurs en France.
Ne retrouve-t-on pas dans l’usage des mots « dialogue social » ou de « concertation » le même jeu de mots déjà rencontré avec la fameuse « revalorisation du travail » pour les vider de leur contenu ? « Travailler plus pour gagner plus », selon la formule qui a fait florès, revient, on le sait, arithmétiquement à dévaluer la valeur travail. De même que signifie « dialogue social » si le projet présidentiel a déjà fixé une réponse intangible aux questions qui devraient le nourrir ?
Ces avertissements lancés aux syndicats par M. Sarkozy ne résonnent-ils donc pas comme une déclaration de guerre ? Paul VILLACH