Le droit au logement, écran de fumée de la pauvreté
par Henry Moreigne
vendredi 5 janvier 2007
Les Enfants de don Quichotte, à l’image de leur géniteur spirituel, aimeraient-ils se battre contre des moulins à vent ? On peut légitimement le penser. Leur victoire médiatique débouchera-t-elle sur une avancée sociale majeure ? On peut en douter. La fameuse opposabilité de ce droit nouveau laisse sceptique plus d’un juriste. Relégués au rang de figurants, les SDF risquent de voir les lendemains qui déchantent succéder aux illusions d’un soir. Il serait un brin naïf de penser qu’un simple texte de loi suffira à lui tout seul pour balayer d’un revers de la main le véritable problème : les 6,9 millions de pauvres qui vivent en France.
Moins de 788 euros par mois. C’est le montant en dessous duquel on bascule statistiquement dans la pauvreté. Avec 6,9 millions de personnes concernées, les pauvres, chômeurs ou travailleurs, représentent 11,7 % de la population totale. Concrètement, un peu plus d’une personne sur dix. Si l’on ajoute aux pauvres par le revenu, les personnes qui cumulent des conditions de vie difficiles et de faibles ressources conduisant à des privations, près du quart de la population (22 %) appartient à l’une ou l’autre de ces deux catégories, soit deux français sur dix. Voilà le vrai visage de notre société. Dans ce paysage, les SDF sont la partie émergée de l’iceberg. Leur nombre est évalué entre 80 000 et 100 000 personnes. Pas énorme, selon le quotidien allemand Die Welt qui indique que la ville de Los Angeles en abrite à elle seule tout autant. Tout un symbole.
Oui, la pauvreté, dans la patrie des Droits de l’homme, est bien présente au XXIe siècle. Elle a beaucoup évolué. Elle compte moins de familles nombreuses, davantage de personnes seules et de familles monoparentales. Elle tend également à se concentrer dans les grandes villes. Pour tous ces pauvres, catégorie dans laquelle beaucoup d’entre nous craignent un jour d’appartenir à la suite d’un accident de la vie, avoir un toit est une nécessité. Toute aussi impérieuse que de manger. Le toit est souvent la pierre angulaire de la construction de son insertion dans la société. Celle qui permet d’avoir un travail, une vie sociale. Personne ne remet cette évidence en question.
Mais ce n’est pas un hasard si, dans un communiqué de presse, Emmaüs appelle tout à la fois l’ensemble des citoyens "à se mobiliser en solidarité avec les SDF et à combiner cette action avec une réelle politique de prévention des situations de pauvreté et le développement de l’offre de logements très sociaux".
Un challenge malheureusement pas vraiment au coeur du projet de ceux qui briguent la magistrature suprême dans ce qui devrait être, pour tous ses habitants, la douce France, la construction d’une société plus humaine et solidaire. En résumé, le plus manifeste échec de l’actuel locataire de l’Elysée au terme de son bail de douze longues années. Pouvait-il en être autrement, de la part d’un ancien maire de la capitale qui a marqué la gestion de celle-ci par ses frais de bouche et son clientélisme dans l’attribution des logements sociaux, pour ne parler que de cela ? On avait eu, un temps, la faiblesse de l’espérer.