Paradoxes politiques ?

par cimade63
jeudi 7 juin 2007

Le premier geste de Nicolas Sarkozy fut de se rendre à une stèle, posée au bois de Boulogne à Paris en l’honneur de jeunes résistants fusillés. Comme tout au long de sa campagne, il ne manqua pas d’y rendre hommage à Guy Môquet, jeune militant communiste, lui aussi exécuté par les Allemands.

En cet instant, difficile de ne pas penser aussi au groupe Manouchian de l’Affiche rouge, comme à d’autres étrangers qui donnèrent leur vie ou leur jeunesse pour la libération de la France. Immigrés, juifs, ouvriers, communistes, socialistes, pour beaucoup parlant mal le français ou logés dans des taudis : probablement, nombre d’entre eux eurent été recalés si à l’époque on leur avait imposé un contrat d’intégration.

En fait et à l’extrême, le sacrifice de ces résistants étrangers traduit l’unique critère « d’identité nationale » : la volonté ou le fait, indépendamment de son origine ou de son mode de vie, d’être citoyen. C’est-à-dire d’appartenir à une communauté de destin, de valeurs. En l’occurrence : la liberté, l’égalité, la fraternité.

Supposant une adhésion individuelle et volontaire, aucun ministère, aucun Etat ne saurait donc prédéfinir qui est digne ou indigne d’être français. D’ailleurs, qui des émules contemporains de la petite France antisémite et xénophobe, délatrice et collaboratrice ou ceux de Manouchian seraient les plus à mêmes d’être français ?

Egalement difficile de ne pas se rappeler la contribution apportée par les « Indigènes » à la libération de la France. Cette réalité historique, popularisée il y a un an par le film, contraste avec la volonté de nier toute « repentance ».

« Repentance ». Avec démagogie et dédain, ce terme désigne la dette de la France envers les peuples des ex-colonies. Il prétend ainsi exonérer notre responsabilité quant aux conflits et à la misère y sévissant. Au néocolonialisme ultralibéral, s’ajoutent rejet et mépris de la part des pays occidentaux, réunis prochainement en G8.

Darfour, Iran, Colombie, Liban, etc... Collant aux éphémères humeurs de l’opinion publique et des projecteurs médiatiques, les discours politiques ne trouvent pas de qualificatifs suffisamment forts pour en décrire l’horreur, le chaos insécuritaire ou l’absence de démocratie. Hypocrite et paradoxale attention, comme naguère à propos de l’Afghanistan, de la Serbie, de l’Irak, etc.

Ainsi, la France a été récemment condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, pour bafouer, entre autres, son devoir de protection. Pourtant né des leçons tirées des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, le droit d’asile, version européenne, se restreint constamment, ne laissant que très peu de chances aux Darfouri, aux Colombiens, aux Iraniens, aux Libanais, venus tout simplement chercher la paix, la sécurité, la liberté.

Toujours à propos de la Résistance, difficile enfin d’oublier Lucie Aubrac, décédée récemment. Les engagements de cette combattante inlassable des droits de l’homme étaient marqués par le désir exigeant de fraternité, de tolérance, de justice, de progrès démocratique et social, d’émancipation, d’universalité. Ces idéaux ont profondément marqué l’époque de la libération.

Leur générosité tranche avec le énième durcissement législatif à l’encontre des étrangers, annoncé par Brice Hortefeux, nouveau ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de « l’Identité nationale » et du Codéveloppement.

Depuis 1986, la classe politique, amalgamant insécurité, clichés racistes et immigration, semble en demander toujours plus. En substance, elle proclame « Votez pour nous, nous serons fermes avec les étrangers, une bonne fois pour toutes, et les problèmes d’emploi, de logement, de la sécurité sociale, de terrorisme, d’insécurité seront réglés ». Revendiquer pendant vingt ans les mêmes recettes restrictives revient bien, selon le bon sens, à en constater l’échec. Voire leurs vices. En effet, précarisant les étrangers, elles favorisent les passeurs, les exploiteurs de main-d’œuvre clandestine, et autres économies parallèles.

Elles remettent aussi en cause le droit de vivre tranquillement en famille, le droit de vivre honnêtement de son travail. Force est alors de constater un décalage supplémentaire entre, d’un côté, les conséquences de ces lois et, de l’autre les valeurs familiales, laborieuses que sacralise le nouveau président.

Habillés des paillettes du cérémonial, nourris des nouveaux gourous de la communication, les lapsus volontaires, les paradoxes assumés du nouveau pouvoir élyséen à l’égard des symboles ne sauraient en évacuer ni la force, ni le sens.

Monsieur le Président, vous invoquez l’esprit de la Résistance. Chiche ! Comptez sur nous pour le faire vivre, pour le rappeler, tant aux responsables politiques qu’aux citoyens. C’est, certainement et effectivement, cela la grandeur de la France.


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