(R)évolution atlantiste française ?
par Shyankar
jeudi 23 août 2007
Sarkozy et Bush un rapprochement prévisible. Mais que peut-on en penser après l’analyse de sa première visite en tant que présidentiable et celle en tant que président ? La France va-t-elle un peu trop vers l’Ouest ?
Notre président ne s’est jamais caché d’aimer le système américain, son gouvernement, mais aussi son controversé président, G.W. Bush.
Sa visite en tant que ministre de l’Intérieur « présidentiable » puis celle plus récente en tant que président de « tous les Français » en est bien la preuve. D’ailleurs, lors de son discours d’investiture, il n’oublia pas de parler en « ami du peuple américain », même si, souligne-t-il, il ne faut pas toujours dire oui même quand nous sommes ami.
On peut noter une certaine « révolution » dans la politique extérieure française.
Beaucoup de remous avant et après les élections, puis il y a peu de temps après sa visite dans la demeure familiale des Bush.
On peut donc se poser la question : « Pourquoi autant de remous, que ce soit dans la majorité ou dans l’opposition ? » mais aussi une question encore plus cruciale : « Que peut-on prévoir de cette (r)évolution dans les affaires étrangères ? »
Avant toute chose, replaçons la relation franco-américaine dans un contexte contemporain d’après Seconde Guerre mondiale. Le général de Gaulle, comme on le sait ne fut pas invité à la conférence de Yalta (peut-être en garda-t-il une amertume profonde), mais on ne peut nier qu’il fut conscient des dangers d’un atlantisme trop poussé et de la relation de vassalité qui pourrait en découdre.
On se souvient encore de sa « politique de la chaise vide » ou encore son refus de l’OTAN, « machine américaine ».
Sans être traité de anti-américain féroce, il n’en fut pas moins neutre dans le rapport entre les deux grands et malgré sa prise de distance avec les États-Unis, il ne se rapprocha pas plus de l’URSS de Staline, comme le firent de nombreux gouvernement pour ne pas tomber sous « l’impérialisme américain ».
Cette politique fut suivie quasiment par tous les présidents français et qu’ils soient de droite ou de gauche. Dans un passé proche, on peut noter Chirac et son refus total d’entendre le mot opération militaire associée de près ou de loin au mot Irak. On peut aussi noter le cas du dossier du « nucléaire iranien », totalement à contre-courant de la politique américaine (sur ce coup de nombreuses explications économiques peuvent être trouvées).
Mais Sarkozy n’est pas Chirac : « Sarkozy a d’abord la qualité de ne pas être Chirac » dans les relations franco-américaine. Comme le déclare Phil Gordon : « le gouvernement américain s’était habitué à ce que Chirac soit systématiquement en désaccord avec lui pendant six ans, Sarkozy est perçu comme quelqu’un qui aura peut-être des désaccords avec les États-Unis mais n’en fera pas une affaire de principe ».
Dans tous les cas, le renouveau des relations atlantiques était prévisible. En votant pour Sarkozy, les Français savaient ce qui allait arriver. Il ne s’en était d’ailleurs jamais caché et pour certains cela lui permis de remporter quelques voix de plus. Habile manœuvre politique : il pris des voix en plus sans pour autant perdre le soutien de certains gaullistes de l’UMP qui, eux, ne pouvaient se tourner vers sa concurrente pour cause d’atlantisme...
Maintenant, tentons de nous pencher sur l’analyse des deux visites de M. Sarkozy au pays de l’oncle Sam nous pourrons alors tenter d’entrevoir certaines possibilités sur la future orientation française en matière de politique internationale.
Tout le monde connaît l’aura des Etats-Unis. Ce que certains connaissent moins, c’est l’aura de leurs dirigeants et de leurs gouvernants et gouvernements. On peut les appeler les rois ou les maîtres du monde.
Pour ceux qui doutent ou trouve ce ton radical, je tiens à dire (sans vous noyer sous les exemples) que toutes les décisions prises par les États-Unis il y a dix ou quinze ans ont un impact sur la politique et la géopolitique du monde actuel. Et cela seulement si l’on regarde un peu l’histoire. Mais, là n’étant pas la question, passons.
Comme dit ci-dessus, les États-Unis ont souvent pris des décisions qui ont globalement changé l’état du monde, si ce n’est son sort. La politique française (loin de détenir la même puissance) à elle aussi eu d’énorme impacts, mais cette fois-ci sur le continent africain. Pourtant la France a toujours montré une certaine indépendance face à l’hégémonie américaine (je parle ici d’après 1989).
Le premier voyage de Sarkozy en tant que ministre de l’Intérieur change la donne.
Celui-ci s’envole vers les Etats-Unis (alors que son adversaire tente le coup du Moyen-Orient). Escale a New York pour la commémoration du 11/09/01 (fait on ne peut plus respectable) puis, escale à Washington : discours devant la fondation « franco-américaine » et viste à G.W. Bush.
Sarkozy, et ce à l’avis général, n’y va pas de main morte. Que ce soit au Figaro ou à Libération, on se pose certaines questions. Que l’on soit de l’UMP ou du PS aussi. Devant l’association donc il avoua la « grandiloquence stéril e » de la France (allusion au discours de De Villepin devant l’ONU en 2003), et il jugea aussi qu’il n’était « pas convenable de chercher à mettre ses alliés dans l’embarras » ou « de donner l’impression de se réjouir de leurs difficultés ».
Il continue en déclarant que les relations transatlantiques « souffrent de trop d’incompréhensions causées par un manque de dialogue et parfois un poil de mauvaise foi ».
Peu après ce discours, N. Sarkozy fut « ravi » d’obtenir un entretien avec G.W. Bush.
Il se promit, lors de celui-ci, de « rebâtir les relations transatlantiques une fois à l’Élysée ». Cette « tournée américaine » (comme le déclarèrent les médias) dura quatre jours. Quatre jours qui lui permirent de rencontrer aussi Condoleezza Rice, avec qui il a abordé des thèmes divers comme l’Iran, l’Irak, le terrorisme, la Russie ; mais il a aussi rencontré le secrétaire à la Sécurité intérieure : Michael Chertoff, ainsi que deux sénateurs très influents : John Mc Cain chez les républicains et Barrack Obam chez les démocrates,
A son retour, le monde politique et médiatique s’en prirent à cœur joie, comme un bon matraquage en règle.
Un « présidentiable normal » serait allé à la commémoration et serait parti et si, il pensait vraiment que une entrevue avec le président lui apporterait quelques voix, il serait allé à la Maison-Blanche mais sûrement en demi-teinte, si ce n’est pour casser du sucre sur la politique américaine en Irak et ressortir la France un peu plus grande.
M. Sarkozy ne l’a pas fait, il a même tout fait à l’envers. Voilà le pourquoi de ce remue-ménage politique et médiatique.
Cet « atlantisme béat », ce « candidat de la présidence de la droite libérale américaine qui accumule les génuflexions devant le Medef, Bruxelles, et maintenant Washington » (Nicolas Du Pont-Aignan UMP Gaulliste) ne plaît pas à tout le monde.
De fervents atlantistes comme Axel Poniatowski (UMP) déclarèrent ne pas « être en phase avec l’étape de Washington ». Il déclare aussi pronostiquer un « raidissement de certains ex-RPR purs et durs »,
Chirac lui même a jugé la position de Sarkozy « irresponsable » ou encore « lamentable »,
Voilà pour la première intervention de Nicolas Sarkozy aux Etats-Unis,
Maintenant tentons d’analyser la nouvelle visite cette fois-ci en tant que président.
Vacances après une dure session de réformes et de lois. Et là drame, après le yacht de Bolloré, la maison de 2 200 m². Que cela nous indigne ou nous laisse indifférent, on ne peut louper l’info.
Le jogging et la conférence de presse, la prise de bec avec les journalistes... Bref, Arrive « l’invitation de Mme Bush à Mme Sarkozy » qui se trouve être elle aussi en vacances avec Bush père et fils. Invitation acceptée. Petit détour de 11 000 km de notre président (retour à Paris puis come-back to America).
Le déjeuner fut composé de « hot-dogs et d’hamburgers, ainsi que en dessert une tarte aux myrtilles ». C’est beau ce que peuvent nous apprendre certains médias. J’ai failli ne pas dormir de ne pas savoir ce qu’avait mangé notre président.
Petit problème, Mme Sarkozy et fils ont une angine blanche « et c’est moi qui leur ai donné », déclare tout sourire le président. Il se retrouve donc seul après le repas avec Georges Bush père et fils dans le bureau et parlèrent un certain temps de politique internationale.
N. Sarkozy est le second président à être invité dans le ranch personnel de son homologue américain. Le premier fut Vladimir Poutine. Avec le président Russe pas de soucis : on voyait mal une quelconque vassalité avec le gouvernement Bush, plutôt une tentative de « refroidir » certaines tensions.
Là avec Sarkozy, ce n’est pas pareil. Que pouvons-nous en conclure ?
Cette (r)évolution peut se passer de diverses manières, mais les faits sont là. Sur le continent beaucoup reprochent cet atlantisme à Sarkozy aussi bien dans l’opposition que dans la majorité.
Que faire ? Sur une petite « crise », aller à l’encontre de la politique américaine pour montrer qu’il n’est aucunement le quelconque vassal de Washington ? Ou encore leur porter un soutien inconditionnel pour prouver sa bonne foi ?
Les hypothèses sont variables et diverses sur la politique franco-américaine à courte échéance. Pourtant, difficile de nier que sur le long terme nous allons arriver a un rapprochement inéluctable. Mais, autre question, pour le bien ou le mal ?
Là problème. Un rapprochement américano-français (pour changer un peu), et celui-ci surtout avec le gouvernement de Bush peut être catastrophique. On a vu l’Irak, l’Afghanistan et bien d’autres.
Alors comment dire "non" si on fait miroiter au gouvernement un rapprochement ? Là et la vraie question. Pas besoin de rapprochement si médiatique pour que l’économie franco-américaine se renforce. Là nous sommes vraiment dans le tape-à-l’œil pour montrer à tout le monde ce qui se passe.
Alors l’Iran ? Eh bien, si les États-Unis s’engagent aidés d’Israël et de quelques autres pays, difficile à la France de dire "non" si on garde cette politique à l’égard du gouvernement Bush. On l’a vu avec la Grande-Bretagne. Malgré le fait que environ 70 % de la population ne voulait absolument pas envoyer des hommes sur le terrain le gouvernement la fait. Gordon Brown a bien compris la leçon. Il se fait distant. Que le peuple britannique oublie et vite. Son gouvernement ne s’en portera que mieux. N’est- ce pas ce qui d’une certaine manière a accéléré la chute de Tony Blair ?
Alors maintenant, passé le temps de probabilités. Attendons un peu.
En tout cas, avec cette vision de la politique, la France ne peut perdre qu’un peu de son indépendance politique et non la renforcer. Peut-être pas parce que cette « alliance » se fait avec les États-Unis, mais sûrement parce qu’elle se fait avec le gouvernement Bush.
Alors qu’il serait grand temps de regarder vers l’Europe (comme le disent certains), Merkel fait ses courses dans un supermarché de quartier avec sa carte de crédit et Sarkozy se « pavane » jet-set sur la côte américaine avec le président Bush que peu de gens apprécie.
N’y aurait-il pas comme un problème ?
Shyankar pour Partigiano Connection Now !, Agoravox et Bellaciao.