Sarkozy : nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas...

par machinchose
samedi 5 mai 2007

Nous savons ce qu’il a fait, nous avons lu et entendu ce qu’il veut faire. Le soutien, le vote, le devoir de citoyen, ce n’est pas anodin.

En février, Thierry Pech, le « patron » de la République des idées, écrivait sur son blog (1) ceci :

« Imaginons à présent qu’un candidat à l’élection présidentielle promette de confier au chef de l’Etat certaines des fonctions du chef du gouvernement. Imaginons qu’en outre, il laisse entendre qu’il resterait volontiers à la tête du parti majoritaire une fois élu : chef de l’Etat donc, mais aussi un peu chef du gouvernement et peut-être bien chef de la majorité aussi. Imaginons que, par le passé, ce même candidat n’ait guère fait preuve de respect à l’égard du pouvoir judiciaire, qu’il n’ait manqué aucune occasion de formuler des doutes sur la compétence des juges, de fustiger leur irresponsabilité, voire de mettre en cause leur neutralité idéologique. Imaginons que, dans l’exercice de ses responsabilités passées, il ne se soit pas montré très soucieux de prévenir l’arbitraire dans les pratiques de l’administration dont il avait la charge. Que, par exemple, il ait couvert de son autorité une forme de loterie préfectorale des expulsions et des régularisations concernant des enfants scolarisés de sans-papiers, c’est-à-dire qu’il ait laissé s’installer l’inégalité des personnes devant la règle de droit. Imaginons qu’il ait de surcroît proposé et fait voter des lois qui contournent les principes fondamentaux du droit commun, par exemple en associant à des qualifications aussi floues que le « crime organisé » des procédures d’exception peu soucieuses des libertés individuelles. Imaginons enfin qu’il n’ait pas une idée suffisamment élevée de la liberté et de l’indépendance de la presse pour retenir ses attaques quand celle-ci a le malheur de lui être contraire...
Les intellectuels partisans d’une politique des droits ne pourraient probablement pas accorder leur onction à ce personnage sans craindre pour les principes au nom desquels ils se sont si souvent et si durement battus. Non, un tel ralliement serait tout simplement inimaginable. »

Et pourtant certains se sont ralliés. Depuis cela, ils ont dû accepter l’association de ministère de l’Identité nationale et de l’Immigration. Depuis cela ils ont dû accepter la scandaleuse réécriture de l’Histoire de France et la franchement dégueulasse (je ne vois pas d’autre mot) et indigne attaque contre l’Allemagne, dont le seul but aura été de flatté la France profonde rance.


Depuis cela, on aura ils auront dû accepter l’idée selon laquelle il faudrait « liquider » 1968 !
Et Mme Simone Veil, par exemple, qui doit tant à 1968 et aux députés de gauche, après avoir dû accepter tout cela pour satisfaire son désir absolu de vengeance contre M. Bayrou, a accepté de monter à la tribune la plus démagogique de France pour faire huer les RMIstes. Quelle élégance ! et pas un, pas un de ces intellectuels n’a bougé son petit doigt. Pas un n’a dit « c’est peut-être un peu excessif comme stigmatisation ». Pas un.

M. Sarkozy a déclaré qu’un délinquant à 16 ans était définitivement foutu pour justifier le besoin de faire du « depistage de délinquance » dès 3 ans. Pas un n’a dit mot ! Pas un !

M. Sarkozy se pose en victime médiatique, tous le soutiennent.

Alors cela ce sont les intellectuels. Tout cela c’est leur engagement, leur peur, leur lâcheté, leur compromission.

Mais tout cela c’est aussi votre responsabilité, notre responsabilité de citoyen. Nous avons laissé dire de l’un ce que nous aurions refusé de tous les autres. Et nous savons. Nous savons qu’il a obtenu le limogeage d’un journaliste, nous savons qu’il a institué l’arbitraire face à la loi, nous savons qu’il a manqué à son devoir de loyauté vis-à-vis de son pays lors de son voyage aux Etats-Unis ; nous connaissons son communautarisme et son goût pour la religion, toutes les religions, même les plus sectaires. Nous avons lu le Canard enchaîné, nous le savons probablement coupable au moins d’une prise illégale d’intérêt, nous savons que la justice et la police ont été noyautées de bas en haut. Nous avons vu les nominations au CSA, nous connaissons les rapports entre M. Sarkozy et la presse. Nous savons tout cela.

Nous savons que c’est l’UMP qui offre ses images aux chaînes de télévision qui les acceptent. Nous savons cela. Nous avons constaté à l’écoute de ses meetings qu’il ne voit le monde que dans une éternelle opposition. Les coupables et les gentils. Nous savons qu’ainsi il s’autorise des usages réthoriques inacceptables dans un débat républicain lorsqu’il dit par exemple « moi, je suis du côté des honnête gens. ». Cette phrase qui est non seulement stupide en tout point mais qui sous-entend en plus que Mme Royal serait du côté des fraudeurs. M. Sarkozy nie le débat. Ce genre de réthorique nie le débat. Il l’a d’ailleurs refusé jusqu’au bout. Et ce dernier débat, il ne le fait que pour apparaître calme. Le fond n’a jamais eu d’importance. Son programme on le connaît depuis cinq ans. Son programme c’est la France qui se lève tôt et la France dont on fiche l’ADN ; son programme c’est le pouvoir. Et voilà qu’il est à deux doigts de l’obtenir.

Il est à deux jours de l’avoir parce que certains de ceux qui savent choisissent de s’en satisfaire par misogynie ou irresponsabilité politique (« je ne voterai jamais à gauche »). Il est à deux jours de l’avoir parce que ce que nous savons, la plupart des gens ne le savent pas. Parce que les journalistes n’ont plus fait leur travail, parce que les citoyens ne font plus leur devoir de reflexion et d’information, parce qu’ils acceptent la démagogie sans plus se poser de questions. Il est sur le point de l’obtenir parce que les « intellectuels » d’aujourd’hui vont à la soupe. Rien de plus.

Nous livrons la République à quelqu’un qui assume de dire « vive la République et, par dessus tout, vive la France ». Par dessus la République, la France. Par dessus tout, la France. Nous laissons cela se faire. Nous laissons faire face à l’aveu même du peu de cas qu’est fait par cet homme de nos valeurs fondamentales.

Personnellement je voterai pour Mme Royal. Je n’aime pas cette France qui réécrit son histoire comme les pires régimes. Je n’aime pas cette France qui parle de « droits de l’hommiste », je n’aime pas cette France qui méprise son avenir par un goût rance pour un passé idéalisé. Je n’aime pas cette France qui se replie. Je n’aime pas cette France égoïste. Va-t-on me demander de la quitter ?


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