Un certain communautarisme aggrave les problèmes de racisme

par Pierre MECHENTEL
jeudi 26 octobre 2006

Il ne manquait que la cerise sur le gâteau aux débats qui depuis plus d’une dizaine d’années agitent la société française et voilà, le film « Indigènes » est sorti. Porté aux nues par les médias, la critique et certains de ses acteurs pour le moins contestables sur le sujet, il rassemble en vrac tout ce qui se dit depuis plus d’une dizaine d’années dans un aggloméré nébuleux mélangeant racisme, immigration, colonisation, passé de la France et d’autres termes ou périphrases souvent aussi creux que ceux qui en parlent. Et si tout cela n’était qu’un faux problème masquant une perte de confiance générale de beaucoup de personnes en elles-mêmes, parfois aggravé par une certaines forme de communautarisme ?

Il fut un temps pas si lointain où personne à l’école primaire ou au collège ne se posait la question de savoir si tel ou tel était Arabe, juif ou céfran... Un crétin était un crétin, quelqu’un qui ne se lavait pas sentait mauvais, un gros qui transpirait puait, un qui avait des cheveux bouclés était frisé, etc. Dans la logique naturelle et brute de l’école et des enfants, lorsque des insultes étaient échangées et pour humilier l’autre ou pour déclencher les rires, on cherchait les bons coups, et éclataient autant les "T’es noir comme ton caca" que "T’as un nez comme une banane" ou que "Tu pues", etc. Tout ça ne gênait pas les adultes, et personne ne s’en portait plus mal.

Puis, conséquence d’une refonte du langage dont on a du mal à se rappeler la cause, on s’est mis à appeler les pauvres des économiquement faibles, les femmes de ménage des techniciennes de surface. En même temps, on a séparé les considérations sur le poids, sur l’odeur, sur la connerie des considérations sur le sexe ou sur la race, heuuu, l’origine.

Les sujets intouchables ont dominé les autres et à présent on peut maintenant parfaitement dire à quelqu’un de "gaulois" qu’il est un gros qui pue sans craindre l’opprobre de la censure qui, elle, agit à tour de bras et d’associations dès que la moindre critique, le moindre sarcasme est exercé à l’encontre de quelqu’un d’"origine" différente...

Conséquence logique : il ne saurait être question d’exister dans la société en 2006 sans se déclarer d’une communauté, et, au nom d’une logique jamais démontrée, de demander le "respect" et la "dignité" dont quasiment personne ne connaît la définition puisque ces deux mots sont utilisés comme une sorte de RMI de la parole pour ne rien dire mais pour demander...

A une époque où on parle de l’égoïsme grandissant, tout semble au contraire ici effacer la personne derrière la communauté, qui agit dans un jeu à somme nulle et réclame, réclame.

Le battage autour du film Indigènes nous amène à la limite de cette logique puisqu’on a d’un côté des acteurs engagés dans ce type de discours, et de l’autre côté des témoins de l’époque qui n’ont pas du tout la même approche, le même jugement et la même considération de faits et de comportements que les premiers et la mouvance qu’ils représentent. A lire les interviews des survivants "indigènes" de l’époque, un tas de questions que les gens à la mode posent en ce moment sur le passé colonial de la France n’avaient visiblement pas cours à l’époque où ce passé était le présent.

Alors, pourquoi toutes ces interrogations et cette condamnation quasi par avance du rôle et des agissements de la France dans son ex-empire colonial  ?
Est-ce le précédent de reconnaissance par Jacques Chirac des crimes du régime de Vichy qui a ouvert la boîte à Pandore du "on rase gratis dans les excuses" ?
Je penche plutôt pour expliquer cette mode par le manque de confiance des individus en eux et en leurs possibilités. L’humain, en période de doute, retrouve ses instincts grégaires et se regroupe, pensant optimiser son gain personnel par l’action du groupe et réduire sa peine par la diffusion de celle-ci dans le groupe. Ce dernier principe est utilisé d’ailleurs avec profit chez les alcooliques anonymes ou autres rassemblements du même genre.
Le problème ici est que des études psycho-sociologiques ont montré (voir un numéro récent de Cerveau et psychologie qui en parle plus en détail) que la constitution de groupes communautaristes revendicatifs n’arrangeait pas le problème mais l’amplifiait. Logiquement, la revendication à être traité comme les "autres" peut de moins en moins se faire au fur et à mesure que le groupe communautariste grandit, donc érige des règles d’admission et de séparation avec les autres.
Au niveau personnel, l’adhésion à un groupe n’est pas nécessaire si la personne n’est pas en quête de repères ou ne subit pas le clientélisme du groupe qui, pour grandir et donc exister (rares sont les groupes qui continuent d’exister sans grandir), cherche à recruter de plus en plus de membres.
De plus et pour "aggraver" cette spirale infernale, les fondateurs et les relais de la mode du reproche à la France sur son passé colonial fondent leur propre réussite sur ce sujet et sur son exploitation, que ce soit notamment pour continuer d’exister médiatiquement ou (c’est souvent lié maintenant) politiquement.
Les "blancs", eux, pour ne pas s’attirer les foudres du politiquement correct (et quand ils ne sont pas plus royalistes que le roi et parlent du racisme qu’ils ne connaissent qu’à travers ce qu’on en dit...) font bien attention à ne pas trop se mêler du sujet tout en affichant un "background" : "Bien sûr que je suis de l’avis de ceux qui pensent comme on doit penser"...
Toute personne de race non blanche a donc à présent toujours le choix d’utiliser le racisme pour se plaindre, réclamer et attribuer ses propres difficultés aux autres, et dans le cas standard, à la France, à son système, à son histoire, à ses élites.
Sans qu’on en parle, les personnes d’origine asiatique (qui n’ont pas moins ni plus de difficultés que les Africains ou les Maghrébins) n’ont que très rarement ce type de revendication, alors que leurs pays d’origine ont été aussi colonisés, ont aussi fait l’objet d’une guerre qui a fait beaucoup de victimes. Eux aussi ont une communauté puissante mais qui est beaucoup plus tournée vers ses membres que vers l’extérieur. L’aide apportée par la communauté à ses membres est orientée vers et pour le développement personnel de ceux-ci.
Cette différence entre communautés d’origines étrangères n’est bien sûr jamais remarquée dans les médias, puisque la communauté asiatique ne s’occupe que très peu de "réclamer".
En retour on dénombre peu de racisme à l’égard des Asiatiques (on a tous un ou plusieurs restaurants chinois près de chez soi sans que cela soit ressenti comme gênant).
Cela montre clairement que quand la personne est considérée en mettant toutes ses caractéristiques sur le même plan, l’origine devient un aspect parmi d’autres et occupe la place qu’elle doit occuper.
Tant que certaines personnes qui manquent de confiance en soi choisiront ou seront poussées, par un certain type de communautarisme, (le communautarisme à revendication externe et non le communautarisme vocation interne) à la solution de facilité en mettant en avant d’abord leur origine, le racisme sera un problème car il se développera plus qu’il n’existe à son état naturel... (hé oui, les amis, le racisme est naturellement présent dans tout groupe, comme les bactéries sont présentes dans votre assiette, même si vous la lavez en permanence)... ne serait-ce que parce que que la "réclamation" entraînera une classification à part.
Donc une séparation des autres par la caractéristique cause de la revendication... Arrêtons aussi de considérer ce "problème" de manière médiatique ou comme s’il était nouveau, et revenons à ce que pensaient les anciens. Quand quelqu’un fait mention de son origine, quelle qu’elle soit, la meilleure réponse est :
tu es ... ? Et alors ? Ou comme disent les Anglais... : So what ?
(et c’est un "beur" qui vous écrit ça...)

Si dans la lutte politique qui a déjà commencé et qui s’annonce âpre, les politiques faisaient moins attention aux différentes communautés ethniques et classifiaient leurs "clients" selon d’autres critères, ils contribueraient sûrement à éliminer les extrêmes du débat.


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