Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !

par Sylvain Rakotoarison
jeudi 4 avril 2024

« Pour ma part, je préfère mille fois le Président de la République qui parle pour la première fois de la défaite nécessaire de la Russie à celui qui expliquait qu'il ne fallait pas humilier Poutine. Je préfère mille fois le Président de la République qui a compris que l'Occident a eu tort d'abandonner à Poutine la maîtrise de l'escalade, car cela revient à lui concéder l'initiative à chaque étape du conflit. » (Claude Malhuret, le 13 mars 2024 au Sénat).

Après le déclaration du Premier Ministre et un débat public à l'Assemblée Nationale le 12 mars 2024 sur la situation en Ukraine, a eu lieu, le lendemain, mercredi 13 mars 2024, un débat au Sénat sur le même sujet, l'Ukraine.

Ça a été l'occasion pour Gabriel Attal de rappeler qui était l'agresseur : « Seule responsable du conflit, la Russie a attaqué froidement une nation libre et démocratique, qui ne la menaçait pas, qui ne l'attaquait pas, en violation de toutes les règles du droit international et de la Charte des Nations unies. Ce constat, ces faits, il s'agit bien de faits objectifs, l'écrasante majorité d'entre nous les partage. (…) Certains, en Russie, nostalgiques de l'Empire ou de l'hégémonie soviétique sur l'Europe de l'Est, n'ont jamais accepté l'éclatement de l'URSS et l'indépendance de l'Ukraine. Menés par Vladimir Poutine, ces impérialistes ne supportent pas que d'anciennes républiques soviétiques, l'Ukraine en particulier, prennent leur destin en main, choisissent souverainement leurs alliances et fassent le choix de la démocratie. ».

Et d'insister sur la nature de la guerre en Ukraine : « En Ukraine, la Russie a franchi toutes les limites. Pas une horreur ne l'arrête. Pas un massacre ne la rebute. (…) Vladimir Poutine a attaqué l'Ukraine, mais, bien plus largement, c'est à toutes nos valeurs qu'il a déclaré la guerre. Croire qu'il s'agit uniquement d'un conflit territorial, d'un différend entre voisins qui ne nous concernerait pas, serait se fourvoyer. Par cette attaque, Vladimir Poutine a voulu changer l'ordre du monde pour imposer sa loi, la loi du plus fort, qui autoriserait n'importe quelle puissance en quête d'affirmation à soumettre une nation libre, soit par le chantage, soit par les armes. Par cette attaque, le Kremlin a voulu ébranler nos valeurs et montrer la faiblesse des démocraties. Ne nous y trompons pas : ce sont bien la liberté et le pluralisme qu'il remet en cause, nos modes de vie et nos valeurs qu'il agresse et veut faire tomber. Tourner le dos à l'Ukraine serait tourner le dos à nos valeurs, trahir la confiance de nos alliés et faire acte de faiblesse. Ce ne serait certainement pas avancer vers la paix ; ce serait ouvrir la porte à de nouveaux conflits, à de nouvelles blessures et à de nouvelles guerres. (…) Je le dis clairement, la guerre a évidemment déjà des conséquences dans la vie quotidienne de nos compatriotes, mais une victoire de la Russie, ce serait un cataclysme pour le pouvoir d'achat des Français. La liste est encore longue. Je pourrais continuer longtemps à énumérer, un à un, les risques concrets, tangibles et directs d'une victoire de la Russie pour la vie quotidienne des Français. Je le répète, dans un monde où la Russie gagnerait, les Français vivraient moins bien, avec des aliments plus chers, de l'énergie plus coûteuse et une insécurité croissante. Cette guerre a évidemment un coût dans notre vie quotidienne, mais celui-ci serait décuplé, sans commune mesure, si la Russie l'emportait sur l'Ukraine. Le succès de l'Ukraine, c'est aussi l'intérêt des Français. ».

Dans son discours, Gabriel Attal a aussi rendu hommage à l'amiral Philippe De Gaulle, décédé quelques heures auparavant, et à son esprit de résistance qu'il faut pouvoir préserver pour sauvegarder nos valeurs et nos libertés : « Pendant plus d'un siècle, Philippe De Gaulle a fait souffler l'esprit de résistance. (…) C'est bien de l'esprit de résistance, si français, qu'il est question aujourd'hui : résistance face à l'oppression, résistance face à l'invasion, résistance pour nos valeurs et pour les intérêts du peuple français. ».

Le débat sénatorial s'est engagé ensuite avec l'intervention des présidents ou représentants de chaque groupe politique, puis un vote a eu lieu, favorable sans surprise au gouvernement et à sa déclaration sur l'Ukraine : 293 sénateurs ont voté pour, 22 contre, sur 326 votants (scrutin public n°155). 6 LR ont voté contre, 4 LR se sont abstenus et 17 LR n'ont pas pris part au vote ; 6 UC se sont abstenus ; 16 communistes ont voté contre. Parmi le 22 sénateurs qui ont voté contre, citons notamment Alain Houpert, Fabien Gay, Éric Bocquet, Ian Brossat et Cécile Cukierman. Parmi les 11 sénateurs qui se sont abstenus : Alain Joyandet et Vincent Delahaye. Enfin, parmi le 21 sénateurs qui n'ont pas pris part au vote : Gérard Larcher (président de séance), Joël Guerriau, Béatrice Gosselin, Jean-Raymond Hugonet, Francis Szpiner et Stéphane Ravier.

Je voulais surtout évoquer l'intervention du sénateur Claude Malhuret, médecin bien connu (ancien président de Médecins sans frontières et cofondateur du site Doctissimo avec le docteur énarque Laurent Alexandre), ancien ministre et actuel président du groupe Les Indépendants, République et Territoires au Sénat. Comme d'habitude, confortant sa réputation déjà bien établie, il n'a pas mâché ses mots pour ridiculiser les opposants forcenés au gouvernement actuel.

Claude Malhuret a commencé par expliquer en quoi la situation en Ukraine est très grave notamment pour la France. D'abord, Alexeï Navalny : « L'assassinat d'Alexeï Navalny a fait comprendre aux derniers aveugles que le régime de Poutine n'est pas une démocratie illibérale, une "démocrature", un pouvoir autoritaire ou tout autre euphémisme mensonger, mais une mafia d'État, une gangrène totalitaire implacable au-dedans comme au-dehors, avec laquelle toute discussion, toute négociation, est d'abord une lourde erreur, ensuite une lâcheté, enfin le doigt dans l'engrenage de la capitulation. ». Ensuite, l'appétit de Vladimir Poutine : « Les menaces graves qui pèsent sur la Moldavie et les pays baltes viennent prouver aux plus obtus des idiots utiles, qui nous répétaient hier que Poutine n'envahirait pas l'Ukraine et qui nous assènent aujourd'hui qu'il n'envahira que l'Ukraine, que l'impérialisme russe ne s'arrêtera pas à Kiev, mais que, comme l'a dit un jour le boucher de Moscou, "les frontières de la Russie ne se terminent nulle part". ». Troisièmement, la faiblesse de la défensive : « La reprise de l'initiative par les Russes démontre qu'une coalition des États les plus riches du monde n'est pas capable de fournir un stock de munitions égal à celui qui est procuré à l'agresseur par la Corée du Nord et l'Iran. Voilà une réalité dont nous devrions avoir honte et qui commence à être enfin comprise par les dirigeants européens. ». Enfin, l'abandon américain : « La proximité de l'élection présidentielle aux États-Unis et l'hypothèse plausible de l'arrêt de l'aide américaine. Cette échéance n'inquiétait pas tant qu'elle restait lointaine. Elle force désormais les Européens à envisager d'assumer la maîtrise de leur propre destin pour la première fois depuis 1945. ».


 

Ce qui l'a rassuré, c'est cette « prise de conscience par les Européens de l'Ouest de l'urgence d'une riposte résolue, laquelle n'était comprise, jusqu'à présent, que par les pays d'Europe de l'Est, qui sont en première ligne et depuis longtemps déniaisés ». Claude Malhuret a ainsi fustigé tous les pseudo-pacifistes qui sont contre les accords bilatéraux de sécurité avec l'Ukraine ou qui ne veulent pas afficher clairement leur opinion : « Les pacifistes, les défaitistes, les collabos, bref, les troupes de Poutine en France, comme vous avez eu raison de les qualifier, monsieur le Premier Ministre, la cinquième colonne de l'extrême droite et de l'extrême gauche, les poutino-pétainistes et les poutino-wokistes, ceux qui hier, à l'Assemblée Nationale, ont voté contre ou se sont abstenus, ceux-là sont évidemment vent debout contre ces accords, comme ils sont déchaînés depuis dix ans pour applaudir à l'annexion de la Crimée, pour refuser l'entrée dans l'OTAN de la Suède et de la Finlande, pour refuser la livraison d'armes à l'Ukraine, pour continuer de salir la mémoire de Navalny après sa mort. Ils taxent le Président de la République d'être un "va-t-en-guerre", eux qui n'ont jamais employé cette expression à propos de celui qui massacre les Ukrainiens avec 500 000 soldats en première ligne, eux qui sont les "va-t-en-capitulation". Collabos des Allemands avec Pétain, collabos de l'URSS avec le soutien au pacte germano-soviétique, collabos de Poutine aujourd'hui, ils sont les partisans de la paix des lâches, qui n'est autre que l'annonce de la servitude. Ils affirment que le Président de la République "rompt brusquement avec sa politique étrangère en raison de l'approche des élections européennes", petite invective politicienne. Or le chef de l'État a seulement compris que la ligne jusqu'au-boutiste de Poutine n'a jamais changé, qu'elle ne changera pas et qu'elle se durcit chaque jour. ».

Puis, est venue la charge ironique contre Jordan Bardella, président du RN et candidat tête de liste du RN aux élections européennes, député européen sortant qui n'a quasiment jamais travaillé au Parlement Européen en cinq ans de mandat : « J'entends "Jordan Selfie", dents blanches, haleine fraîche, le Ponce Pilate de la guerre en Ukraine nous expliquer qu'il faut fixer des "lignes rouges", par lesquelles nous désignerions à l'avance les limites de notre soutien, alors que la Russie, elle, n'en reconnaît aucune. Ce Gamelin du Dniepr prétend être un jour Premier Ministre de la France. Je lui suggère une économie considérable pour notre pays endetté : supprimer le budget des armées et le remplacer par un répondeur téléphonique, qui dirait, au nom du ministère de la défense : "Message à l'armée russe, ne tirez pas, nous nous rendons". Les professionnels de l'agit-prop mentent aux Français en leur disant que leurs enfants vont être envoyés sur le front, alors que l'armée française est une armée de métier et que le ministre de la défense a expliqué que d'éventuelles missions seraient de soutien et de maintenance. ».

Les déclarations du Président Emmanuel Macron ont permis, selon l'ancien maire de Vichy, une prise de conscience de plus en plus grande des Européens et même de leurs Alliés : « Il paraît aussi que nous sommes isolés ; et l'on reproche à Emmanuel Macron de ne pas s'être assuré au préalable de l'aval de nos alliés quant à ses déclarations. Qu'en est-il aujourd'hui ? Pour ce qui est de l'avis des premiers intéressés, les Ukrainiens, ils se félicitent de la position française. Les Polonais, les Baltes, les Moldaves, les Néerlandais, le Président tchèque et d'autres encore abondent dans le même sens. Quant aux États-Unis et au Royaume-Uni, leur humour tout britannique a sans doute échappé aux va-t-en-défaite. Biden, vieux routier de la guerre froide, annonce sans sourciller qu'il n'enverra pas d'Américains en Ukraine au moment même où le "New York Times" révèle qu'il y a quatorze bases de la CIA dans le pays… Le Premier Ministre du Royaume-Uni annonce quant à lui qu'il ne prévoit pas d'envoyer de nouvelles troupes "pour le moment et au-delà de celles qui y sont déjà", cette phrase se passe d'explications. Il faut ajouter, à l'intention des semeurs d'affolement qui n'ont à la bouche que le spectre de l'apocalypse nucléaire, que Poutine le sait parfaitement et que, comme ses précédentes lignes rouges qu'il abandonne chaque fois qu'elles sont franchies, la présence de soldats alliés ne l'a pas incité à appuyer sur le bouton malgré sa vingt-sixième menace de le faire depuis deux ans. ».

Le sénateur n'a pas été tendre non plus avec le Chancelier allemand Olaf Scholz dépassé par la situation : « Reste Scholz, qui, n'écoutant que son courage, ne jure que par la garantie américaine ; il est la cible de tous les partis allemands, même ceux de sa coalition, pour son immobilisme. Je lui donne rendez-vous en novembre prochain en cas d'élection de Trump pour une comparaison entre les choix de la France, qui appelle depuis des années à une défense européenne, et les siens, lui qui a mis tous ses œufs dans un panier qui aura disparu. Le nombre de ceux qui comprennent que la défaite de l'Ukraine serait dans la seconde même notre défaite ne cesse de croître. La lassitude de nos concitoyens, attisée chaque jour par les appels à la lâcheté des "paniquocrates", ne les empêche pas d'être toujours largement favorables à la poursuite de l'aide, alors que les traîtres espéraient un lâchage dès l'hiver 2022. ».

Le docteur Claude Malhuret a terminé par une comparaison historique malheureusement pertinente de Vladimir Poutine avec Hitler : « Le discours poutinien, il ne faut pas s'y tromper, évolue exactement comme le discours hitlérien des années 1930, quoique certains tentent de nier la comparaison. On prétend, tout d'abord, que le pays a été humilié dans le règlement de la guerre froide, c'est la réplique du mythe allemand du "coup de poignard dans le dos" : nous avons été non pas vaincus, mais trahis par nos propres politiciens. On prétend ensuite que la Russie doit montrer les poings afin de retrouver son rang dans le monde. On considère enfin, comme Hitler avec les Allemands des Sudètes et de la Pologne, que partout où il y a des minorités russophones, la Russie est chez elle. Cette propagande a été relayée chez nous, à chacune de ses inflexions, par des complices conscients ou inconscients. ».

Et de conclure sur une parole malheureuse de Pascal Boniface prononcée le 27 février 2024 sur France 5 : « Au fameux éditorial de Déat paru en mai 1939, "Mourir pour Dantzig ?", répond aujourd'hui, comme en écho, le "nous ne voulons pas mourir pour le Donbass". En réponse à cet étalage indécent de lâcheté, je voudrais citer Raymond Aron, qui disait, en 1939 également : "Je crois à la victoire des démocraties, mais à une condition, c'est qu'elles le veuillent". Cette phrase n'a jamais été autant d'actualité. ».

Il a beau avoir une voix monocorde, il est toujours succulent à écouter : les interventions de Claude Malhuret sont très finement ficelées, toujours bien senties, très synthétiques malgré la complexité des sujets, bien cousues comme un excellent chirurgien, ciblant au bon endroit et s'il ne fait pas que des heureux, c'est parce qu'elles visent juste. L'écouter ou le lire rassure énormément ceux qui pourraient devenir dépressifs en avalant les coulées de boue de haine et de désinformation qui peuvent surgir dans les réseaux sociaux, où le simple bon sens, la logique, l'intérêt général et, surtout, la vérité sont en permanence remis en cause dans un monde internautique qu'il faut bien admettre complètement pollué par les trolls poutiniens. La chance, c'est que les Français réfléchissent encore un petit peu, et c'est heureux !


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Sylvain Rakotoarison (13 mars 2024)
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