Fiasco sur toute la ligne pour le remaniement

par Laurent Herblay
samedi 17 février 2024

Ce début d’année devait permettre une relance du second quinquennat de Macron, après une victoire à la Pyrrhus sur la réforme des retraites. Fin 2023, les sondages étaient calamiteux, pour les européennes comme pour le président, à la popularité proche de ses plus bas. Mais la grande offensive déclenchée par le président, entre conférence de presse et remaniement, a complètement échoué.

 

Le soufflé communicant s’est dégonflé

La nomination d’Attal avait été accueillie avec une bienveillance extravagante des grands médias, tout comme ses débuts à l’éducation nationale. Mais il faut croire que le jeune communicant qui officie à Matignon n’a pas autant convaincu les Français que les éditorialistes conformistes et paresseux. Et encore, ils ne prennent pas en compte l’émission exceptionnelle de Caroline Roux jeudi soir, où il a démontré une arrogance et une morgue qui n’en fait qu’un nouveau roquet macroniste monté trop vite. L’assurance en soi et une capacité certaine à vouloir faire passer les vessies pour des lanternes ne sont plus des « qualités » qui peuvent imposer un homme politique. Depuis Sarkozy, les Français ont compris que cette assurance mal placée et l’agressivité ne sont pas les signes d’un grand homme. Et la révolte des agriculteurs et le fiasco de la nomination de son successeur rue de Grenelle devrait inciter à plus de modestie.

Cette semaine indique au contraire une forme de décomposition de la macronie, dont la direction est toujours plus floue. Faire porter un nouveau virage à droite par un ancien socialiste pouvait sembler habile, une façon de concilier la chèvre et le chou, rassurer (un peu) l’aile gauche, tout en assumant de pencher toujours plus à droite, pour ne pas trop se couper de l’évolution de l’opinion publique, tout en chercher à venir à bout de LR. Mais comme toujours, l’exécutif ne va pas jusqu’au bout. Le ravissement à la censure très politique de la loi immigration par le Conseil Constitutionnel et le retour de Nicole Belloubet, exfiltrée après bien des polémiques suscitées par des prises de position dignes de la gauche socialiste de la fin du 20ème siècle devraient doucher les électeurs LR, malgré la prise de Rachida Dati. Mettre Belloubet rue de Grenelle confine au ridicule tant ses positions sont contradictoires avec celle de Gabriel Attal.

D’ailleurs, la liste LR aux européennes résiste bien. Il faut dire qu’elle peut compter sur une tête de liste solide, cohérente, clairement opposée à Macron, qui s’est imposée dans le temps, sans jamais verser dans une course un peu superficielle à la droitisation. Bref, loin du champ du cygne, les indécisions du président, sur son équipe, comme sur sa ligne, pourrait permettre à LR de ne pas disparaître. Pire pour la macronie, le virage à droite pourrait permettre un rebond temporaire du PS aux européennes, qui passerait outre l’expérience de mort imminente de la dernière élection présidentielle. La majorité a trop brutalisé son aile gauche pour ne pas risquer faire fuir une partie de son électorat social-démocrate, qui a du avaler un peu trop de couleuvres. La fin du droit du sol, pourtant nécessaire à Mayotte, ne va pas aider…

Pour couronner le tout, cette semaine a produit à la fois une grosse fâcherie publique avec François Bayrou et un remaniement sans le moindre souffle, qui, loin de donner le moindre élan, a mis en scène l’indécision et la lenteur du président. Les critiques de Bayrou sont cruelles pour Macron car ces critiques viennent du cœur même de son électorat : ce centre bien pensant. Les troubles dans son cœur électoral, alors même que le centre gauche et le centre droit semblent revigorer, et que le RN n’a jamais été aussi fort dans les sondages (au point que Marine Le Pen semble maintenant en position de l’emporter) est très inquiétant pour la majorité. Dans des élections européennes où les électeurs peuvent se disperser, Macron compte encore sur une forme de vote utile pour ne pas se retrouver réduit à son premier cercle.

Car il ne faut pas oublier que le vrai cœur électoral de la macronie représente à peine 4 ou 5% de la population, quand dix fois plus lui sont radicalement hostiles (48% dans un récent sondage). La macronie pensait avoir trouvé la pierre philosophale du pouvoir en réunissant anciens PS et LR et en annihilant ces vieux partis. Son bilan calamiteux et ses gesticulations ridicules pourraient donner une dernière bouffée d’air à ces partis qui ont échoué sur tout, tout en précipitant l’effondrement du bloc central.


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