Gabon : Omar Bongo Ondimba, candidat à sa propre succession

par David TCHUENTE
mardi 18 octobre 2005

Le couperet est tombé samedi 1er octobre 2005, à l’appel du forum des jeunes de la majorité présidentielle, rassemblés au palais des conférences de la cité de la démocratie de Libreville : le président Omar Bongo Ondimba a été acclamé, a fait face aux sollicitations des différentes couches de la population gabonaise (les populations de Lambaréné et Ndjolé étaient les premières à demander au président sortant de conduire la destinée du Gabon), partout où il est passé lors de sa dernière tournée républicaine dans les neuf provinces de juin à juillet de l’année en cours. Il a réservé sa réponse aux jeunes, qui constituent la frange la plus importante de la population gabonaise. Le décor vient d’être planté.

ÉTAT DES LIEUX :

Le contexte politique gabonais est spécifique à plus d’un titre, et ne saurait être comparé à un autre en Afrique. Depuis l’instauration de la démocratie multipartite dans ce pays, en 1990, à l’occasion d’une conférence nationale, plusieurs avancées significatives se sont produites vers la modernité politique. Même si le chemin est encore long, nul ne peut nier les efforts consentis par ce pays dans ce domaine. Sur le plan politique :

Si les deux chambres du parlement, le Sénat et l’Assemblée nationale, sont dominées par le Parti démocratique gabonais (PDG) au pouvoir, il n’en demeure pas moins vrai que les partis de la majorité présidentielle et de l’opposition y sont représentés, même si les proportions sont faibles. Ainsi, on retrouve en ordre parsemé, le Rassemblement pour le Gabon (RPG) de Paul Mba Abessole, le Parti gabonais du progrès (PGP) de maître Pierre Louis Agondjo, décédé le mois dernier, et bien d’autres partis, tant de l’opposition pure que de la majorité présidentielle. Ces partis sont aussi bien représentés au niveau des mairies et des collectivités locales ; c’est le cas de l’Union des populations du Gabon, dont le leader, Pierre Mamboudou, est maire de Ndende dans la province de la Ngounié. D’autres institutions, tels la Cour constitutionnelle, le Conseil national de la communication, jouent également un rôle clé dans le processus démocratique. Sur le plan des libertés :

L’instauration de la démocratie, au début des années 90, a permis une émergence du débat d’idées dont les précurseurs ont été la presse privée, les radios libres et les télévisions appartenant à des particuliers ; pour éviter tout dérapage, et réguler au mieux ces médias, l’État gabonais a créé le Conseil national de la communication (CNC) qui fait son bonhomme de chemin...

Même si beaucoup de choses restent encore à faire, le mérite d’Omar Bongo Ondimba est d’avoir réussi à fédérer autour de lui les leaders politiques qualifiés d’irréductibles, pour l’exercice du pouvoir : c’est son concept de démocratie apaisée.

POURQUOI LES JEUNES POUR SE PRONONCER CANDIDAT ?

Il n’est pas anodin que Omar Bongo ait attendu d’être parmi les jeunes avant de donner une réponse à des sollicitations de plus en plus répétées lui demandant de présider une fois de plus aux destinées du Gabon. Omar Bongo, en dépit de quelques actes commis par une certaine jeunesse qui déçoit plutôt ses aînés, a toujours clamé haut et fort que pour lui, ‘’la jeunesse est sacrée’’. Dont acte.

On comprend aisément pourquoi, malgré les multiples appels à sa candidature, il a toujours réservé sa réponse à plus tard ; l’occasion lui a été donnée, samedi 1er octobre 2005, de répondre favorablement à cette catégorie ô combien importante de la population gabonaise ; mais en chef de famille, il a demandé à ces derniers d’être plus responsables en s’inscrivant massivement sur les listes électorales, car conscient qu’entre l’appel au vote et l’exercice effectif du droit de vote, le chemin peut être long... Il revient donc à ceux qui lui font confiance de se manifester le moment venu. La responsabilité qui leur incombe est de maintenir une cohésion, de se discipliner en abandonnant les calculs politiciens, les ambitions personnelles, au profit d’un engagement sans faille, total, en faveur du candidat dont ils ont sollicité la candidature.

ET L’OPPOSITION ?

A la veille de la réponse d’Omar Bongo Ondimba à l’appel de la jeunesse, l’opposition a organisé une conférence de presse, à la chambre de commerce de Libreville. L’unique point à l’ordre du jour était de délibérer après le rejet par la Cour constitutionnelle du pouvoir en cassation afin de rendre caduque la décision du président de la Commission nationale électorale (CNE) de nommer les membres des commissions provinciaux et départementaux ; selon eux, la nomination devait se faire de manière bipartite ; ils sont aussi revenus sur le mode de scrutin, souhaitant un scrutin à deux tours, et l’instauration d’un bulletin unique. Un communiqué du gouvernement a renvoyé à plus tard l’examen de cette requête, jugeant la période actuelle très courte pour tout débat sur le thème. Fidèle à son esprit de dialogue, le président Omar Bongo Ondimba a réuni au palais présidentiel les responsables de l’opposition autour de lui ; sur le point les opposant à la Cour constitutionnelle, relatif aux nominations des responsables des commissions électorales, il a demandé à ses adversaires de revenir sur leurs décisions, car ils seront présents dans les commissions consulaires, provinciales et départementales, au prorata de 40%. L’opposition, satisfaite, a demandé au président Bongo d’user de ses prérogatives pour qu’ils puissent avoir un temps de campagne conséquent dans les médias. C’est cela le concept de démocratie apaisée à la gabonaise. Le Vendredi 14 octobre 2005, le président de la Commission nationale électorale, conformément aux instructions du Président de la République, a rendu publiques les nominations, comme le souhaitait l’opposition, avec l’accord de cette dernière. Les responsables des différentes commissions ont été installés ce même jour. La sérénité est donc revenue, pour une parfaite organisation et un bon déroulement du scrutin.

Faut-il le rappeler, les querelles entre le pouvoir et l’opposition ne datent pas d’aujourd’hui.

REPÈRES  :

Les élections au Gabon ont été, ces dernières années, l’objet d’un bras de fer constant entre le pouvoir et l’opposition. 1990 : au lendemain du 1er tour des élections législatives, Paul Mba Abessole, à l’époque leader de l’opposition, aujourd’hui dans la majorité présidentielle, appelle au boycott du second tour à cause, selon lui, de fraudes. 1993 : à la suite des résultats des élections présidentielles, sous la houlette du Haut conseil de la résistance (HCR), l’opposition forme un gouvernement parallèle, se disant victime d’un hold up électoral ; il a fallu les accords de Paris de 1994 pour que les jalons d’une cohabitation multiforme se mettent en place, afin de définir les règles du jeu démocratique gabonais.

1998 : l’opposition, de nouveau, crie à la mascarade, après la proclamation des résultats de l’élection présidentielle. Le contraire surprendrait beaucoup en 2005, l’opposition ne jouant que son rôle de contestataire.

Sans vouloir verser dans l’afropessismisme, et contrairement à ceux qui pensent que la démocratie est loin d’être comprise des Africains, nous pensons que les choses, quoiqu’avançant à pas de tortue, vont dans le bon sens, dans de nombreux pays africains, dont le Gabon, depuis ces dernières années. Même si l’écart est réel face aux grandes démocratie, qui aurait imaginé, il y a une vingtaine d’années, que les journaux, les radios pourraient à longueur de journée chiffonner un chef d’Etat, sans représailles ? On le vit bien aujourd’hui, et tout ceci est à mettre à l’actif de la démocratie. A ceux qui, non réalistes, pensent que la démocratie implique inéluctablement un changement au sommet de l’État, nous disons qu’il s’agit là d’une mauvaise appréhension des choses, car il est extrêmement difficile de changer en dix ou vingt ans ce qui s’est mis en place en quarante ans. L’opposition gagnerait beaucoup à revoir ses stratégies de conquête du pouvoir.

Les démocraties occidentales, que nous prenons aujourd’hui comme références, ont mis parfois des siècles pour se construire, au prix de sacrifices, humains, matériels et financiers. Au cours des dernières semaines, les élections présidentielles, qui se dérouleront novembre 2005 au Gabon, sont entrées dans la dernière ligne droite. Ainsi, après la déclaration du président Omar Bongo, Ondimba, tout s’est accéléré. Trois jours après son intervention, un communiqué du président de la Commission nationale électorale (CNE) a été entériné par le Conseil des ministres ; les dates suivantes ont été retenues pour l’échéance de novembre 2005 :

Souhaitons qu’il n’ y ait plus de grincements de dents...


Lire l'article complet, et les commentaires