Le covid-19 a-t-il disparu ?

par Sylvain Rakotoarison
samedi 10 septembre 2022

« Dans les grandes crises, le cœur se brise ou se bronze. » (Balzac).

En France, on ne parle plus de la pandémie de covid-19, au moins depuis six mois, alors que cette épidémie qui sévit sur la planète entière dure depuis deux ans et demi. À cela, il y a deux explications pas forcément très honorables : la première, c’était la campagne présidentielle et législative qui a occupé l’esprit des Français pendant le premier semestre ; la seconde, c’est qu’une actualité chasse la précédente, l’Ukraine chasse le covid-19, la mort de la reine Élisabeth II chasse celle de Mikhaïl Gorbatchev, comme d’autres drames de l’actualité sont chassés par une actualité galopante qui oublie les précédentes (Yémen, Afghanistan, Birmanie, etc.).

Une troisième mauvaise raison, c’est que "les gens" ne veulent plus entendre parler du covid-19, ils en ont été abreuvés matin midi et soir pendant deux ans et ils n’en peuvent plus. Il suffit d’ailleurs de voir à quel point le tourisme a refleuri cette année 2022, dépassant largement l’année de référence 2019. On veut tourner la page, que ce soit avec ou sans pertinence. On veut reprendre la vie normale.

Et puis, on aimerait qu’il y ait une quatrième raison, celle-ci rassurante, qui voudrait ce que nous souhaitions tous depuis mars 2020 : que cette satanée pandémie soit enfin terminée.

Le 3 juin 2022, Brigitte Delaney observait sur Internet : « Après un traumatisme de masse vient l’oubli de masse. Personne ne veut plus vraiment parler du covid, même s’il a déchiré toutes les dimensions de nos vies. Mais maintenant, c’est comme si la perturbation était si grande, bizarre, terrible et abrupte, que nous ne pouvons pas l’intégrer dans nos récits présents et futurs. Nous avons donc fait un travail remarquable et largement collectif en agissant comme si la pandémie était terminée et, plus encore, en essayant d’oublier qu’elle s’est même produite. (…) Les décès liés au covid ont été annoncés chaque jour par un Premier Ministre au visage grave. Un mort était "de trop". Maintenant, les décès liés au covid sont en augmentation et personne ne cligne des yeux. (…) Pour une expérience collective à laquelle littéralement tout le monde sur Terre s’identifiera, elle constitue très peu de notre contenu culturel (…). La prise de la troisième dose du vaccin est lente et les gens tardent à se faire vacciner contre la grippe, peut-être parce qu’ils souffrent de fatigue. (…) Je suis curieux de savoir ce qu’il y a dans la psyché humaine qui rend possible une telle volte-face collective. Comment, en tant que collectif, sommes-nous passés de la peur à l’abandon si très, très rapidement, et ce, à une si grande échelle. (…) Ce que nous vivons en ce moment, c’est la mort sociale de la pandémie, fascinante à observer d’un point de vue sociologique (ou horrifiante, si vous êtes vulnérable ou immunodéprimé). (…) Une époque s’est terminée, et peut-être qu’un jour, nous nous demanderons si cela s’est même produit. ».

Cette réflexion illustre ce qui est en train de se passer, le déni de réalité durable. Son auteure note d’ailleurs que les éditeurs en ont soupé des romans qui parlent du covid ou du confinement, et les fictions filmées rejettent catégoriquement tout ce qui pourrait faire penser au covid (pas de masque, pas de passe sanitaire, pas de confinement). Cependant, il y a quand même des signes encourageants.

Alors, où en est-elle au 9 septembre 2022 ? La bonne nouvelle est que l’épidémie est toujours en baisse en France. Cette baisse a commencé il y a près de deux mois et elle se poursuit malgré la fin des vacances scolaires et la rentrée. Il y a eu une inquiétude avec le taux de reproduction effectif qui est remonté très vite de 0,67 à 0,90 il y a trois semaines, mais depuis une dizaine de jours, ce taux n’a pas dépassé le seuil de 1 et est resté en plateau, stable, autour de 0,90. Cela signifie que la vague d’automne n’est pas encore dans les radars. Pour l’instant, le niveau épidémique (taux d’incidence) est de l’ordre de 160 nouveaux cas par 100 000 habitants en une semaine, soit environ 20 000 nouveaux cas par jour. Quasiment tous les voyants sont au vert.

Le nombre de personnes en réanimation pour cause de covid-19 était le 9 septembre 2022 de 742, toujours en décroissance (le seuil de 800 a été dépassé il y a quelques jours), et il n’a jamais été aussi bas depuis plus d’un an, depuis juillet 2021. Le nombre de décès quotidien est lui aussi en baisse, avec environ 40 décès par jour. Le niveau est néanmoins plus élevé qu’en octobre 2021, on se retrouve plutôt au niveau d’avant cette dernière vague, celui du mois de juin 2022. Le taux d’admission aux urgences pour covid-19 a aussi chuté à 0,6%, il était de 2,8% le 19 juillet 2022. Le seul élément moins encourageant est le fort niveau de lits en hospitalisation conventionnelle occupés pour le covid-19 : il était de 13 286 au 9 septembre 2022 et s’il baisse, il n’a jamais retrouvé, depuis novembre 2021, le faible niveau de l’été et automne 2021. Le variant omicron nécessite moins de soins critiques et entraîne moins de décès mais mobilise encore l’hôpital de manière permanente et massive.




Depuis la seconde quinzaine de mois d’août 2022, il y a une remontée du taux de reproduction, mais, bonne surprise, cette remontée, comme écrit plus haut, s’est arrêtée pour rester stable en dessous de 1. En clair, si on personnifiait l’épidémie, on dirait que l’épidémie hésite à reprendre de la vigueur avec une nouvelle vague ou à s’éteindre dans la vague actuelle. La courbe n’est pas vraiment prédictive, du moins sur du moyen terme. Elle l’est sur le court terme qui laisse entendre un automne relativement apaisé par rapport aux précédents automnes de covid-19. Actuellement, il y a moins de 350 000 personnes qui sont atteints par le covid-19, ce qui, depuis les vagues omicron, est exceptionnellement bas. Cependant, ce virus a déjà joué suffisamment de tours pendables pour rester très méfiant et vigilant.

Sur le plan international, l’épidémie a repris beaucoup de force surtout dans des pays asiatiques qui avaient été peu touchés jusqu’alors en raison de leur comportement très protecteur : le Japon (près de 2 000 décès les sept derniers jours), la Corée du Sud, Taiwan, Hongkong ont des niveaux épidémiques très élevés. En Europe, le Royaume-Uni, qui a subi de beaucoup plus fortes pertes humaines que la France, est quasiment sans nouveaux cas depuis plusieurs semaines.

Le cas de l’Allemagne est assez instructif. On a souvent glorifié ce pays car il avait eu beaucoup moins de victimes que les autres pays européens (France, Grande-Bretagne, Italie, Espagne, etc.). Certes, pendant la première vague au printemps 2020, l’Allemagne n’a été pratiquement pas touchée, et en tout cas, pas du côté de Berlin, parmi les rares grandes métropoles européennes qui ont été épargnées par la première vague (seule, la proximité de la frontière alsacienne fut touchée, car l’Alsace a été parmi les premiers foyers du covid-19). Ainsi, il y a eu un écart de 20 000 décès entre la France et l’Allemagne vers l’été 2020. Mais en automne 2020, l’Allemagne, comme tout l’Est de l’Europe, Russie comprise, a été énormément touchée par la seconde vague, entraîne des dizaines de milliers de décès. L’Allemagne s’est "normalisée" dans le sens où elle n’a pas été plus protégée ou elle n’a pas mieux géré l’épidémie mieux qu’un autre pays.

Aujourd’hui, depuis quatre mois, l’Allemagne a du mal à réduire l’épidémie car la dernière vague est repartie avant que la précédente n’ait eu le temps de diminuer. Cela a abouti à un nombre de décès quotidiens nettement supérieur à celui en France (le double en ce moment). Si bien que l’écart du nombre de victimes entre la France et l’Allemagne se réduit aujourd’hui à environ 6 000, et semble encore se réduire dans les semaines à venir (148 217 décès pour l’Allemagne et 154 468 pour la France, à comparer aux 189 026 décès pour le Royaume-Uni et aux 176 157 pour l’Italie, au 9 septembre 2022).

Bien sûr, l’Allemagne est un pays beaucoup plus peuplé que la France (85 millions d’habitants en Allemagne, 67 millions en France), ce qui fait que la densité de décès (nombre de décès par habitant) est plus faible en Allemagne qu’en France. Mais je conteste la pertinence de ce critère (nombre de décès par habitant) car s’il est exact que dans une grande métropole où la population est à forte densité, le risque de contamination est beaucoup plus grand, il y a d’autres critères non démographiques. Il faudrait plutôt prendre la comparaison des feux de forêt. Il ne viendrait à l’esprit de personne de comparer la situation de différents pays en prenant comme critère le nombre d’hectares de forêt brûlés par habitant. L’extension de l’épidémie obéit aussi à une loi géographique de proximité. Un petit pays peut être gravement atteint démographiquement parce que tout son territoire est touché par l’épidémie (c’est d’ailleurs le cas de tous les pays d’Europe centrale et orientale).

Le bilan global de la pandémie depuis janvier 2020 est monstrueux car il a dépassé le seuil de 6,5 millions de décès il y a quelques jours, avec un rythme encore supérieur à 10 000 décès par semaine, ce qui reste préoccupant même s’il est maintenant bien plus bas qu’aux pires moments de l’épidémie (plus de 10 000 décès par jour). Et au-delà des décès, il y a les près de 600 millions de personnes qui ont été infectées par le coronavirus dans le monde, du moins ceux qui ont été testés positifs, dont des centaines de milliers vivent avec des troubles plus ou moins grave de ce qu’on appelle le covid long.

Ce qui semble se dessiner et qui pouvait être prévu par les spécialistes dès le début de cette pandémie, c’est que le covid-19 se fonde enfin parmi les maladies infectieuses ordinaires, qui font, elles aussi, leur lot de victimes, et les gouvernements devront continuer à mener des campagnes efficace pour inciter la population à se faire vacciner afin d’en réduire le nombre de victimes.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (09 septembre 2022)
http://www.rakotoarison.eu


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