In vino veritas, le jour des morts

par Bernard Dugué
lundi 6 novembre 2006

Musique, Antar de Rimsky-Korsakov, boisson, vin de pays du Gard, en brick, 1,65 euro le litre, adapté à l’intellectuel précaire que je suis.

Une question. Ai-je enfin toutes les réponses que je n’ai cessé de chercher à travers les écrits et dans une mesure très limitée, mon expérience ? Oui, je dois avouer qu’aucun écrit, scientifique, philosophique ou théologique ne me résiste pour ce qui est de la compréhension intellectuelle. Ce qui ne me permet pas pour autant de produire une pensée puissante. Je reste un citoyen éclairé.

J’ai lu le recueil de textes de Jürgen Habermas paru sous l’intitulé La science et la technique comme idéologie, traduit et excellemment préfacé par Jean-René Ladmiral. Je vois des problèmes sémantiques, soulignés d’ailleurs par le traducteur lui-même. Notamment sur le pratique qui, pour moi, devrait être précisé comme éthico-pratique. Ce n’est pas la première fois que je ressens quelque distance face à un texte qui, traduit, ne reflète pas la pensée de son auteur, si bien que je dois jouer sur une libre interprétation ayant valeur de surimpression visant à retrouver ce qui a été pensé. Cette question s’est déjà posée alors que j’étudiais quelques écrits d’Alice Bailey, mais cela vaut pour bien des écrits à portée métaphysique.

Quand on a fréquenté une femme, qu’on l’a aimée, qu’on l’a parfois détestée sur des détails de la vie courante, qu’on en a été séparé, qu’on l’a retrouvée, qu’on ne sait plus, qu’on ne sait pas, qu’on ne saura peut-être jamais, qu’on apprécie, qu’on ressent, qu’on capte intuitivement, qu’on désire affectivement tout en la fuyant parfois pour ne pas être inféodé à la demande pratique, qu’on regarde avec une tendresse inconditionnelle, qu’on sait être une compagne non éternelle, qu’on ne veut pas voir perpétuellement mais sans laquelle les jours seraient ternes, bref... je ne pose pas de question, n’ayant pas la réponse.

Parfois, des questionnements sur les mystères de l’univers trouvent des réponses alors que dans l’existence de tous les jours, des questions simples, comme dire je t’aime, n’ont pas de réponse.

Changement de musique, Nuits orientales de Fikret Amirov, boisson, le même vin de pays du Gard, 1,65 euro au litre. Plus cher qu’un litre d’essence, mais qui permet d’aller plus loin vers la vérité de l’in vino veritas.

En vérité, quels sont les mystères de l’univers et la place de l’homme ? Au vu des civilisations passées, chacun a sa réponse. Mais pour avoir une réponse, il faut faire un travail de questionnement. Une enquête, pour une quête de sens. L’inspecteur qui veut trouver le coupable réunit les indices, celui qui veut trouver le sens réunit les livres et tente une compréhension. La hauteur de la réponse est à la hauteur de la question. Misérables sont ceux qui veulent des réponses sans faire le libre effort de les conquérir, ils ne seront jamais que les jouets des gourous et des idéologues.

C’est la journée des morts. Une pensée affectueuse et respectueuse pour mon père décédé le 8 octobre 2005. Une pensée pour Debussy, Descartes, Kant, Aristote, Schrödinger, libre à vous de compléter cette liste.

C’est la journée d’un monde insensé, avec ses actes stupides de jeunes en manque de célébrité prêts à incendier des bus et cette meute de journalistes disposés à filmer pour alimenter le voyeurisme des individus en errance. Les séries télévisées ne parviennent pas à sevrer leur désir de divertissement, il leur faut des faits divers, des enquêtes de police, des arrestations, des déclarations de ministres et tout ce beau monde prêt à assouvir le dévoiement démocratique.

Dévoiement, voilà le mot qui fera fureur d’ici quelque temps. Je prends date. Les dispositifs sociaux, politiques, médiatiques, scientifiques, sont dévoyés. Les stars madonnesques veulent assouvir quelques caprice d’adoption, les Friedmann de la procréation assistée se lamentent de l’absence des dons d’ovule, envisageant une rémunération des donneuses. Rien ne fait reculer la vénalité des techniciens de la médecine de soutien aux caprices des bourgeois stériles. Stars et bourgeois, un dévoiement parallèle, le délitement d’une civilisation, avec des masses, les unes précarisées et mortes, les autres en voie d’émancipation par la culture. Le jeu symbolique sera cruel.

Vénalité, l’autre terme qui fera fureur d’ici quelque temps. Quand les mots vont exploser et dire le sens de la société. Vénalité, le mot est juste, le mot vise les attitudes et faits de bon nombre de cadres du système économique, technique et politique. Une femme vénale transige avec les idéaux de l’amour et triche pour s’acoquiner avec un mari friqué. Un cadre vénal transige avec les idéaux éthiques pour s’associer aux bailleurs de fond pour des opérations mercantiles. Ainsi se présente le système.

Vénalité et dévoiement, la mort lente de la civilisation.


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