Lang ne se voit pas en Royal canin
par LM
mardi 22 août 2006
Déjà du grabuge au PS : au lendemain de la fête de Ségolène à Frangy, le numéro 2 du parti, François Rebsamen, a cru bon de demander aux candidats Lang et Strauss Khan de rentrer dans le rang derrière la favorite. Il n’en fallait pas plus pour faire aboyer « battling » Jack qui demande à Hollande de reprendre les clefs de la maison rose.
C’est la rentrée chez les socialistes, et ça se voit ! Ce week-end, Arnaud « Lou Ravi » Montebourg avait organisé un grand raout autour de la « favorite des sondages » Ségolène Royal. La petite mère du peuple ne s’en est pas privé, devant 3000 personnes (un tsunami selon Montebourg) pour exposer ce que Libération a appelé son « programme en pointillé », ce qui ne veut rien dire, si ce n’est que la presque officiellement candidate n’a encore une fois rien dit sauf des platitudes, comme son envie de répondre au « désir d’avenir et de changement » qu’elle « voit monter dans le pays. » Grand bien lui fasse de « voir monter » ainsi les aspirations de la nation qu’elle remodèlerait bien à la... suédoise. « La France doit sortir de l’archaïsme de ses relations sociales. J’ai vu, en Suède, un autre état d’esprit et des pratiques bien différentes, grâce à un syndicalisme de masse. » Elle a vu, en Suède... et pan pour ceux qui prétendent qu’elle n’a aucune expérience internationale ! Blague à part, on peut être circonspect, au minimum, devant son enthousiasme pour le « syndicalisme de masse ». Est-ce à dire qu’une fois au pouvoir elle ne décidera rien sans l’aval des syndicats ? Ce qui reviendrait au bout du compte à ne rien voir aboutir, ni réforme, ni avancées quelconque, tant on connaît le talent des syndicats pour bloquer tout progrès. Français, syndiquez-vous, en voilà un beau slogan, un peu moins vide que le coup du « désir d’avenir », mais plus risqué. On passera sur la « lignée mitterrandienne » qu’elle revendique, ce qui ne veut, là non plus pas dire grand chose, mais ça ne mange pas de pain. On sait quel succès certains avaient eu quand ils avaient osé réclamer un « droit d’inventaire » de l’œuvre du Tonton. Quand à l’Europe ? ... Eh bien l’Europe aussi a eu droit à son petit laïus, sa petite improvisation, sa maigre déclaration de début de campagne : « Notre horizon, c’est l’Europe sociale, l’Europe politique, et l’Europe de l’environnement. » Elle a ensuite insisté sur les deux « chantiers majeurs » : l’environnement et la recherche. Encore du convenu, mais il faut fixer des « chantiers majeurs » et il faut parler d’environnement, que l’on soit de gauche ou pas, c’est indispensable. C’est souvent du vent, mais cela rafraîchit. La politique américaine ? Sans tomber sa veste de tailleur, Ségolène ne s’est pas déballonnée, accusant Bush d’avoir une « vision simpliste » estimant que les « guerres préventives aggravent les problèmes qu’elles prétendent traiter. » On le dira au texan. Bref rien de bien neuf du côté du cirque Royal, pas de quoi fouetter un chat, juste animer cette douce petite ville de Frangy qui ne remerciera jamais assez Lou Ravi Montebourg d’avoir fait venir la reine des pourcentages pour finir l’été. Tout le monde était content, le bain de foule sans entarteur, pas un nuage dans cette précise mise en orbite de la presque candidate. Et puis, ce matin, parce que le temps depuis quelques jours est capricieux, un petit nuage est venu obscurcir le ciel de la compagne de Hollande. Une déclaration du numéro 2 du parti, François Rebsamen, qui demandait poliment mais clairement aux Lang et Strauss Kahn, autres prétendants au trône, de se retirer de la course pour « soutenir » Ségolène. Enfin, plus exactement pour « provoquer la réflexion. » Pour provoquer, il l’a provoquée, la réflexion, ça n’a pas traîné ! L’ancien ministre de l’aculture jack Lang n’a pas tardé à écrire une missive au premier secrétaire, ce bon Hollande, missive dans laquelle en des termes choisis, il refuse tout net « l’invitation » de Rebsamen. "Nous ne sommes pas des toutous auxquels, sur un coup de sifflet, on pourrait intimer l’ordre de rentrer au chenil. (...) L’injonction caporaliste n’est pas nécessairement la meilleure méthode pour favoriser le nécessaire rassemblement des socialistes."(...) "La fatwa renouvelée par François Rebsamen à l’égard des camarades candidats tourne le dos à notre culture socialiste et à nos valeurs communes "Battling" Jack est fâché, et ça se lit. Et on le comprend aisément : qu’on lui demande de s’effacer devant une candidate non déclarée avant même que les socialistes se soient réunis pour désigner celui qui devra partir à la bataille, c’est un peu fort de café. Le numéro 2 du PS, sans doute pas encore dégrisé de son escapade à Frangy s’est pris les pieds dans le tapis avec sa déclaration à l’emporte pièce, en grillant en plus le patron du parti, François Hollande, qui se retrouve maintenant avec une rentrée délicate à gérer en perspective. Et Jack Lang ne se prive pas de faire la leçon au compagnon libre de Ségolène Royal en lui expliquant que "Si demain nous décidions de faire bloc autour d’un candidat ou d’un autre, ce ne peut être qu’en fonction des pressions médiatiques ou de sondages prédictifs, le plus souvent déjoués par les circonstances" assène-t-il. "Ce serait en raison de sa capacité à rassembler la gauche et à gouverner le pays". Du bon sens, encore. Lang appelle ensuite Hollande à reprendre en main sa formation et ses hommes. "C’est l’avenir de notre formation qui est ici en cause. Dans l’immédiat, c’est la procédure même du choix de notre candidat qui peut être entachée de suspicion." Suspicion, le mot lâché. Le vieux Jack a suffisamment de kilomètres au compteur pour sentir les petits arrangements à dix kilomètres à la ronde. Et il prévient, à mots à peine couverts, qu’il ne se laissera pas faire. Ses compères candidats à la candidature, DSK et Fabius ont réagi eux plus discrètement : DSK a traité par « le mépris » la déclaration de Rebsamen, tandis que Fabius, rentré des chèvres s’est déclaré, lui, « pas concerné. » Lionel Jospin, lui, en conférence « internationale » à Santander, n’a pas voulu s’exprimer sur le sujet. Alors Hollande a-t-il orchestré la sortie de Rebsamen ou a-t-il été pris de cours ? La deuxième solution serait fatale à son autorité, la première ne le rendrait plus crédible pour décider de l’investiture socialiste... Nous attendons impatiemment de voir comment il va se dépatouiller de ce vrai clash, lui qui a souvent été critiqué pour son manque de charisme et de leadership. N’en déplaise à ce brave Montebourg, l’euphorie de Frangy semble être déjà retombée comme un soufflet, et les multiples candidats socialistes déclarés ou pas encore n’entendent pas servir de chien-chien à la petite mère du peuple. Ils pourraient même montrer les dents, dès ce week-end, à La Rochelle.