Un concept en pleine expansion : les coopératives funéraires

par Fergus
mercredi 8 novembre 2023

En janvier 1993, une loi (entrée de fait en vigueur en 1996) a mis fin au très contestable et archaïque monopole des Pompes funèbres générales (PFG). Depuis cette date, les opérateurs se sont multipliés, entre les grandes enseignes spécialisées et les petites entreprises familiales. Parmi cette offre élargie, de nouvelles venues ont fait leur apparition il y a quelques années sur la base d’un concept venu du Québec : les coopératives funéraires...

C’est en effet au Québec qu’est né – en 1942 à Château-Richer – le concept de coopérative funéraire à l’initiative d’un prêtre, Louis-Philipe Gravel, désireux de proposer des obsèques à des prix raisonnables aux plus modestes. Très lié dans les premiers temps aux paroisses, au point que les coopératives pionnières étaient domiciliées dans les sous-sols des églises ou dans les presbytères, le concept a fait son chemin : après des années de difficultés liées notamment à une image d’obsèques bas de gamme (possiblement aiguillonnée par la concurrence commerciale), il s’est développé depuis 1987 au sein d’une fédération capable d’offrir désormais ses services dans une centaine de villes de la « Belle province ».

Contrairement aux entreprises traditionnelles de pompes funèbres – notamment aux grands acteurs du secteur que sont les groupes OFG (maison mère des PFG) et FUNECAP –, les coopératives funéraires n’ont pas d’actionnaires. Elles n’ont, de ce fait, pas vocation à faire des profits, mais à rendre les meilleurs services possibles aux familles ou aux ayants-droits des défunts « au juste prix ». Autrement dit, en dégageant les ressources nécessaires à l’équilibre des comptes, y compris le paiement des salariés, mais sans but lucratif. D’où, en France, leur statut juridique de SCIC (Société coopérative d’intérêt Collectif). Tout cela sur la base d’une philosophie axée sur la solidarité et le respect des personnes.

C’est dans l’agglomération de Nantes, à Orvault, qu’a été créée, en 2016, la première coopérative funéraire française. Avec pour objectif, nous disent les fondateurs dans leurs statuts, de répondre aux attentes des personnes qui « n’étaient pas satisfaites des prestations funéraires proposées, ni des prix pratiqués, [ni] du manque d’informations sur ce sujet, [ni] de l’opacité des propositions commerciales ou encore de la pression (...) qui pouvait être faite sur les familles » de la part de commerciaux dont il faut reconnaître – la plupart d’entre nous ont pu le constater lors d’un deuil familial – qu’ils ne sont pas toujours scrupuleux au plan de l’éthique professionnelle.

« Le décès d’un être humain ne devrait pas être l’occasion d’une recherche de profit et d’exploitation du deuil », nous disent encore les fondateurs de la coopérative funéraire nantaise avant de préciser : « Au contraire, l’importance de l’évènement doit être l’occasion d’offrir des services de très grande qualité, avec des pratiques commerciales humaines respectueuses. Cela doit être l’occasion d’offrir un accompagnement solidaire, responsable, où l’information et la sensibilisation favorisent [la] réflexion et [le] choix. » Des valeurs qu’a fait siennes la Fédération des Coopératives Funéraires Française (FC2F), créée en 2021 à l’initiative des premiers établissements.

Il n’est pas nécessaire de devenir membre d’une coopérative funéraire pour être éligible aux services qu’elle propose. Mais si des milliers de personnes ont d’ores et déjà fait ce choix en optant pour l’un des établissements français – moyennant 20 euros pour devenir membre à vie –, c’est principalement pour deux raisons : d’une part, recevoir des informations actualisées sur l’évolution des pratiques et de la législation funéraire, pas toujours claire dans l’esprit du public ; d’autre part, bénéficier, pour soi-même le moment venu ou pour des parents proches, de réductions significatives des frais d’obsèques, tant en matière de services que de fournitures.

Depuis 2016 à Nantes, le concept n’a cessé d’essaimer. En quelques années, des coopératives funéraires ont été implantées à Bordeaux (Talence) et Rennes en 2019, à Dijon en 2020, à Angers (Mozé-sur-Louet), Caen (Ifs) et Tulle en 2021, à La Roche-sur-Yon, Lille (Marcq-en-Barœul), Lyon (Brignais) et Nancy (Jarville) en 2022, à Bayonne (Anglet) et Strasbourg en 2023. Et d’autres établissements, en voie d’ouverture prochaine ou en projet plus ou moins avancé, verront le jour dans une vingtaine d’autres villes, notamment à Alès, Amiens, Auray, Clermont-Ferrand, Grenoble, Laval, Le Havre, Millau, Orléans, Ploërmel, Poitiers, Saint-Etienne, Toulouse et Valence.

Eu égard au succès croissant rencontré par cette offre funéraire alternative, nul doute que le mouvement va encore s’amplifier dans l’avenir, et le nombre des centres urbains concernés augmenter de manière significative. Peut-être serez-vous intéressé(e) vous-même ?

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