Le kaléidoscope facétieux

par jack mandon
mercredi 23 septembre 2009

Ce pourrait être un conte de l’ancien orient, à l’époque de la communication orale, quand fleurissait le langage, époque ou prophétisait le manant, sur la place de la cité, dans la campagne, sur la montagne, en tout autre lieu d’improvisation et de rencontre improvisée.

De ce lointain passé, la métaphore demeure. Elle est un moyen privilégié pour distribuer l’information. Elle accueille toutes les sensibilités, sans discrimination, tous les concepts, les esprits les plus simples et les plus complexes. C’est un grand réceptacle rempli de rêves et de rires d’enfants, qui multiplie les degrés de lecture à l’infini.

Autrefois existait une ville dont tous les habitants étaient aveugles.

Un jour, un prince étranger qui traversait le pays, s’établit avec sa cour au pied des remparts.

Les habitants entendirent bientôt parler d’un étrange animal que montait le prince. Il s’agissait d’un éléphant. Or cet animal leur était complètement inconnu et ils ignoraient donc à quoi il pouvait ressembler.

Un comité de sages, décida d’envoyer une délégation de 6 représentants de la communauté pour aller palper et sentir l’animal mystérieux afin d’en faire une description à l’ensemble des citadins.

A leur retour, les six experts furent accueillis par la population en émoi, tellement impatiente de savoir à quoi pouvait bien ressembler cet animal extraordinaire.

Le premier homme prit la parole et affirma en toute bonne foi : « Un éléphant est pareil à un grand éventail rugueux et très souple »...il avait touché une oreille.

« Absolument pas, s’exclama le second, c’est comme un os doux et courbe effilé en pointe. » Il avait caressé une défense.

« Mais pas du tout, dit le troisième, cela ressemble à une grosse corde bosselée qui se dilate en serpentin. » il avait palpé la trompe.

« Mais vous divaguez messieurs, » s’emportant devant tant d’invraisemblance le quatrième homme, « c’est puissant et ferme comme un tronc d’arbre » il avait entouré une patte de ses bras.

Je ne comprend pas ce que vous racontez, dit le cinquième, « un éléphant, est semblable à un mur épais et chaud qui respire » il s’était blotti contre le flanc de l’animal.

« Tout cela est pure fantaisie, » s’écria le sixième. « Un éléphant est pareil à une longue ficelle qui se balance dans tous les sens » Il avait touché la queue.

Les six aveugles étaient dans toutes leurs émotions, gesticulant et reproduisant dans l’espace la forme et la dimension de leur découverte. Dans un discours d’agitations et d’exclamations bruyantes la pantomime à la fois drôle et pathétique prenait des allures de conflit déclaré.

Dans cette dispute ouverte, chacun refusait d’écouter la description des cinq autres.

Les habitants s’impatientaient, plongés dans le doute et la consternation, il ne savaient plus à quelle parole accorder du crédit tant la cacophonie grondait et les renvoyait dans leur univers naturellement hermétique au monde de l’espace coloré, particulier et global.

Dérangé par tout ce tumulte, le prince intervint.

Sire, dit un vieillard, nous avons envoyé ces hommes découvrir votre éléphant et chacun nous fait une description différente. Nous ne savons plus quoi penser.

Le prince écouta attentivement et respectueusement les explications amplifiées de chacun des six aveugles.

Après un silence, s’adressant à la foule, il déclara : « Tous ces hommes disent juste et vrai, mais chacun n’a touché qu’une partie de l’animal et ne connait donc qu’une parcelle de la vérité. Tant que chacun d’eux pensera qu’il a raison, ils ignoreront tous la vérité dans sa globalité.

Le prince décrivit synthétiquement l’éléphant en rassemblant harmonieusement les six descriptions. Les habitants de la ville surent enfin à quoi ressemblait le fameux animal.

 

Si l’on tentait un petit survol dans la réalité de notre monde.Tous les protagonistes de ce conte, sont des composants de notre psyché.

L’éléphant, l’objet de toutes les interrogations et de tous les débats, la motivation permanente.

Les aveugles, les multiples facettes de notre sensibilité, de notre intelligence et de nos actions.

Le prince, la représentation la plus sage, la plus docte, la plus évoluée de notre personnalité.

Tout ceci est incorporé, intériorisé en nous même, mais se vit en même temps interactivement dans le couple, la famille, la société, le pays, le monde.

Cela peut se nommer un kaléidoscope, ses miroirs réfléchissent les couleurs de la lumière extérieure produisant d’infinies combinaisons fascinantes, belles mais troublantes, génératrices de confusion.


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