Nicolas Sarkozy sur France 2 le 8 mars...

par Lucien-Samir Arezki Oulahbib
vendredi 9 mars 2007

Eh hop ! la porte coulisse et Sarkozy glisse vers son pupitre en verre, un peu fatigué, (vient-il d’apprendre que Chirac se représente ?). Chabot lui demande si c’est dur, une élection présidentielle, et s’il pense que Jacques Chirac, « puisqu’il ne se représente pas » dit-elle, va le soutenir. Là, Sarkozy répond : « C’est vous qui le dites »... Et puis un peu d’humour, quoi, devant les photos d’enfance... (Il sera moins à l’aise plus tard avec le catastrophisme de Nicolas Hulot. Une photo à cinq ans en train de monter une échelle... de la vie ? Une photo de sa mère...

Chabot lui parle alors de l’humanité de Ségolène Royal, Sarkozy lui répond assez vertement qu’il a aussi un coeur et même qu’il bat à gauche, mais avec pudeur... Auparavant, il aura traité de Bayrou, évidemment, et son désir d’"ensemble c’est tout", gauche-droite, consensus ou immobilisme ? Sarko choisit ce dernier terme, puis, plus tard, fait rêver avec un gouvernement de quinze ministères (Prodi, l’équivalent italien de Bayrou, en annonce cent...) avec même un ministre de l’Identité et de l’Intégration... qui aura à charge cette nécessité de faire parler français, et Sarkozy en rajoute dans le couplet sur la libération des forces du travail... On s’endort un peu...

Chabot nous réveille en montrant le vertige des chiffres de la dette. Et lui demande comment on fait pour diminuer à la fois les impôts et la dette tout en investissant dans le service public ? Ça réveille un peu, Sarkozy reparle de libération, de croissance, comme tout le monde (sauf Bové, mais on verra cela avec Hulot plus loin) révèle que le socialiste espagnol Zapatero n’est pas un chaud défenseur des 35 heures... et Sarkozy, narquois, dit qu’il veut au moins la même chose... ce qui permettrait de créer de la richesse et donc des entrées d’argent pour les finances publiques.

Tout en réduisant le nombre des fonctionnaires. Au niveau de 1992. Puisque les collectivités locales ont augmenté leur nombre sur les territoires... Il veut par exemple fusionner trésorerie et impôt. Remettre des enseignants en détachement de mission devant des élèves. Il observe aussi que si les taxations de patrimoine étaient moindres, cela aiderait à la création de richesses...

Allez-vous augmenter le SMIC, demande Chabot un peu atone depuis que Sarkozy l’a mouchée sur l’histoire de l’humanité que Ségolène aurait en plus... -17% des salariés français sont au SMIC, répond Sarkozy, il faut penser aussi aux autres, en diminuant certaines charges, en taxant cependant plus les bénéfices des entreprises qui suppriment des emplois... En ayant une politique plus dynamique, par exemple le Royaume Uni n’a que 4% de chômeurs...

Fondu enchaîné, nous voilà en reportage, une usine, à Altsom... Tour de chauffe, une boîte que Sarkozy est fier d’avoir remise à flot. 25 000 emplois sauvés... Dialogue avec des ouvriers, Sarkozy les harangue en leur disant qu’on les oubliés sauf lui, cela tangue un peu, plus mécaniquement que par conviction, un de ses contradicteurs lui propose par exemple de devenir le patron parce qu’il semble en effet moins distant, plus contremaître sympa que l’actuelle patronne, BCBG mitterrandienne, dont le look fait rire Sarko, mais il n’ose pas la traiter de bourge devant la caméra, il lui dit simplement qu’il a un peu repris le slogan de Mitterrand " la rupture tranquille"...

Et là, retour sur le plateau, on discute avec le public...un chômeur, Paolo, que Sarko appelle Paulo à la fin, et il développe à nouveau sur le travail la formation, rien de neuf sous le soleil de la rhétorique bien huilée... fusion ANPE-UNEDIC etc... Augmentation des prestations mais accompagnement strict du chômeur, etc. Deux refus et l’on diminue les allocations. Mais tout cela va trop vite, facile à dire car bonne chance pour fusionner des administrations qui peuvent se mettre en grève... La Trésorerie et les Impôts l’avaient fait lorsqu’il s’agissait de les fusionner sous Juppé avec le succès que l’on sait : statu quo...

Et les seniors, alors ? Leur sort est jeté en pâture. N’est-on plus bon à rien à 55 ans ?... Sarkozy s’insurge. Ce qui n’est pas rien. On pourrait même continuer à travailler après l’âge de la retraite, dit-il... (Il est vrai que dans le monde politique, à 55 ans, on débute à peine en France...).

Question intéressante de Mireille : un CDI de 96 heures, cela fait 630 euros, tandis qu’avec le RMI et l’allocation logement, elle gagnerait plus. Proposition de Sarko : cumuler salaires et allocations pendant deux ans...

Question de Brigitte sur une promesse d’allocation pour le premier enfant. Sarko confirme. Il ajoute qu’une protection sociale et une prise en compte pour les points retraite des années passées à élever les enfants.

Par contre, en réponse à une question de Djamel sur le déficit de la Sécurité sociale, Sarkozy pense rassurer en disant qu’il ne veut pas privatiser l’assurance-maladie et propose une franchise. Dommage qu’il aille si vite sur cette question en balayant d’un revers de main l’énorme question de la protection sociale dont l’ouverture à la concurrence ne serait pas nécessairement un mal...

Par la suite, le problème de la désertification rurale l’occupe, et puis Airbus, avec son problème d’actionnaires qui ne veulent pas augmenter le capital, il s’en prend à Daimler qui demande des dividendes avec 10 000 supressions d’emploi, et se gausse des doublons en matière de direction.

En discutant avec Eric Le Boucher, Sarkozy parle d’une politique industrielle et récuse la conception de l’avantage comparatif, " le marché ne dit pas tout ", il faut mettre " le paquet"... Investir dans la recherche-développement.

Et l’Europe ?

Les Allemands se vengent peut-être du fait que Siemens n’ait pas pu justement racheter Thomson, songe Eric Le Boucher. Sarko en parle à plusieurs reprises, de Thomson : son fleuron. Nicolas Hulot est annoncé.

Et les sous-traitants d’Airbus ? Vive les airbusiens ! répond Sarko qui les rassure.

Retour sur les effectifs de la fonction publique... avec l’intervention d’une enseignante un peu retorse... Sarkozy propose d’encadrer les études dirigées et d’être payé davantage... Il observe que les ZEP ne sont pas un succès... Or il s’agit de s’occuper de chaque enfant... Ne pas mettre les enfants en échec scolaire ensemble, surtout avec de jeunes profs inexpérimentés... Sarkozy surfe sur la carte scolaire et ses 30 % d’exonération qu’il ne veut plus, et prône une autonomie des établissements au niveau pédagogique, tout en martelant l’idée d’une école de l’excellence, allant demander à ce que les élèves se lèvent lorsque l’enseignant entre, vive les fondamentaux, Jules Ferry, ça y est Sarko se lance... au risque de faire rire dans les chaumières...

Et dans les banlieues...

Sihem, de Ni pute ni soumise : que proposez-vous aux familles en dehors de la répression ? Sarkozy sort le grand couplet du et-et (répression et retour à... l’emploi à la formation...). Mais comment on fait lorsqu’on peut gagner cent euros jour pour faire le guet ? Détruire le trafic par la répression et non pas la fin de la prohibition, comme le proposent Besancenot et Fillias (d’Alternative libérale) mais pas conjointement, évidemment... Et Sarkozy lance à nouveau la machine : formation, se lever tôt, droits-devoirs...

ok ok ok chantait Jonas...

Sihem de nouveau : faut que ça bouge : 340 mamans ont signé un appel...

Sarkozy réitère dans son et-et, donne l’exemple de ce gosse de 19 ans toujours en 3e et transformé en poignard à Etampes...

Mais Clichy, sous-Bois, y aller ou pas ?... Argenteuil ? 93 : interdit de séjour ? Justice et fermeté, autorité, travail, mérite, excellence, sont-ils des mots interdits, rétorque Sarkozy assez à l’aise, mais l’on sent planer l’idée que cela va être chaud sur la dalle d’Argenteuil bientôt...

Et Hulot,en guest-star, arrive, il tique de l’oeil droit, renifle, refuse que l’écologie devienne un chapitre parmi d’autres... or, dix lignes lui ont posé problème dans le discours que Sarkozy a prononcé à Bordeaux et où il était question d’une certaine interprétation de l’écologie comme idéologie totalitaire cherchant à sortir de la civilisation. Or, pour Hulot, une telle critique est irrecevable. C’est, quasiment, une Querelle des Anciens et des Modernes pour lui, parce qu’il s’agit de traiter prioritairement des problèmes de la planète, Hulot parle de René Dumont (ce qui devient alors son point faible parce que celui-ci était un illuminé malthusien par-dessus le marché : il parlait d’une explosion de démographie, de famine majeure, etc.), Hulot, l’idéologue apparaît enfin et se désole au fond de s’être vu si laid dans le miroir.

Sarkozy lui répond qu’il ne s’agit pas d’opposer progrès et développement durable, nucléaire et énergies renouvelables... Faut-il interdire par exemple les voitures ? Sarkozy parle de taxe carbone : ou comment taxer les produits importés qui ne s’occupent pas de protection écologique... Il s’agirait de taxer aussi le fret routier...

Mais la croissance ? Il existe un culte de la croissance quantitative, repart à l’attaque Hulot : comment fait-on ? Surtout en condition de rareté des ressources. Les catastrophes surgissent plutôt dans les pays en sous-développement, répond Sarko ; mais si le mode de production occidental est adopté par tous, insiste Hulot, comment faire ? Il faudrait trois planètes...

Sarkozy ne répond pas, il est un peu coincé par le catastrophisme de Hulot qui ne fait que s’accentuer...

Hulot parle du prélèvement inconsidéré des poissons... ils vont disparaître, dit-il, la morue a disparu à Terre Neuve, Sarkozy arrive quand même à contrer avec le hareng qui pullule depuis qu’il est classé espèce protégée (il aurait pu aussi parler des cormorans et des mouettes qui débordent...).

Hulot n’est pas content, il veut plus. Il parle façon Edgar Morin, nouveau gourou du carrefour des civilisations (et comme Baudrillard vient de mourir il y a une place de pythie à prendre). Hulot pousse Sarko dans les cordes : il faut que le développement durable devienne le déterminant exclusif, Sarkozy cède, un peu, se protège en récusant le terme exclusif mais avec mille excuses ( "les emplois vous savez "), Hulot exulte alors, il assène les coups, réitère... et s’enflamme en arme fatale, botte secrète : la planète agonise, le XXIe siècle est celui de tous les dangers...

Sarkozy cède, tout, promet, promet encore, accepte in fine les conclusions d’un Nicolas Hulot qui évidemment peut s’appuyer sur un parterre de scientifiques (même si d’autres résistent encore comme sur www.climat-sceptique.com...).

C’était le moment fort : lorsque l’idéologie triomphe parce qu’elle a réussi à embrigader, pour le moment, la science et la politique pour arriver à ses fins : comme en Allemagne et en Russie dans les années 1930 où la plupart des scientifiques et politiques allemands ont cautionné les thèses racistes du sang germanique qu’il fallait purifier de la pollution sémite, tandis que les scientifiques et politiques russes faisaient leurs les thèses d’un Lyssenko récusant la théorie mendelienne du croisement chromosomique...

Dommage que Sarkozy s’y soit laissé prendre... Mais il n’est pas le seul...


Lire l'article complet, et les commentaires