Politique et religions, les retrouvailles que Marianne n’avait pas prévues

par Foucauld Yolshein
jeudi 1er mars 2007

Pour résumer le contenu, l’intérêt et la portée du livre de Matthieu Grimpret (qui publie régulièrement des articles sur Agora Vox) intitulé « DIEU EST DANS L’ISOLOIR - Politique et religions, les retrouvailles que Marianne n’avait pas prévues » (aux Presses de la Renaissance), trois axes viennent à l’esprit : il s’agit à la fois d’une enquête sur les revendications des principales religions présentes en France ; d’un appel à tenir compte de la question religieuse dans le débat politique ; et d’un guide de l’électeur croyant.

Une enquête sur les revendications communautaires.
En premier lieu, DIEU EST DANS L’ISOLOIR est un ouvrage qui se situe à mi-chemin entre le journalisme d’investigation et le travail universitaire. En effet, il s’agit d’une enquête documentaire qui fait la synthèse des positions des quatre principales religions présentes sur le territoire français (Catholicisme, protestantisme, judaïsme, islam) à propos des grands débats politiques actuels et à venir. Cette enquête est entièrement fondée sur des textes écrits émanant d’organismes religieux représentatifs. J’en cite quelques-uns : le CRIF, l’Union des Patrons Juifs de France, le Consistoire de France pour les Juifs ; la Conférence des Evêques de France, les Associations Familiales Catholiques, la CFTC pour les catholiques ; la Fédération protestante et toutes les églises qui la composent pour les protestants ; et enfin les associations représentés au sein du Conseil Français du Culte Musulman pour les musulmans. Pour aborder un sujet aussi sulfureux que les rapports entre religions et politique, cette précaution méthodologique était indispensable : comme disaient les Anciens, "Verba volant, scriptura manent", les paroles s’envolent, les écrits restent ! Ainsi, le propos de l’auteur est, en tout cas dans les références invoquées, incontestable. Cette enquête se structure en sept grands thèmes (identité, politique familiale, questions internationales, vie économique...) appelés de manière significative des "revendications communautaires".

Le troisième grand bouleversement de l’histoire religieuse de la France, après la crise arienne du V° siècle et la réforme protestante du XVI°

Et cela nous conduit au deuxième axe : ce livre vise à faire comprendre aux lecteurs croyants et non-croyants, mais aussi aux hommes politiques, qu’on ne peut plus tenir la "question religieuse" - c’est-à-dire la manière dont l’Etat, la société, les corps intermédiaires vont se charger d’organiser leurs rapports avec chaque religion, et les rapports des religions entre elles - pour quantité négligeable dans le débat politique. En 2004, dans son livre "La République, les religions, l’espérance", Nicolas Sarkozy avait accompli une avancée courageuse en reconnaissant le bienfait des religions au coeur de la société et en proposant qu’on en tienne compte dans le fonctionnement de notre régime institutionnel. Le déclin sociologique du catholicisme, autrefois religion quasi-nationale, l’arrivée de nouvelles croyances (l’évangélisme protestant mais surtout, bien sûr, l’islam) a changé la donne : nous voici dans une situation de pluralité religieuse (d’où le pluriel dans le titre, d’où ces « retrouvailles imprévues ») absolument inconnue en France depuis l’arianisme du V° siècle et la Réforme des XVI° et XVII° siècle. Nous ne pouvons minimiser ce bouleversement considérable, il faut s’y confronter, en se soumettant à l’impératif de réalité. DIEU EST DANS L’ISOLOIR se veut donc aussi un livre engagé, poursuivant deux objectifs : poser dans le débat la cause de la visibilité des religions dans l’espace public, et exhorter les Français à "tendre la joue gauche à la gifle du réel". Comment, par exemple, encaisser le défi de la présence massive de Français musulmans ? Par des imprécations alarmistes ou en posant les problèmes de manière lucide ?

Un guide de l’électeur croyant

Enfin, DIEU EST DANS L’ISOLOIR a une finalité pratique : il explore dans le détail les positions de chaque religion sur des thèmes aussi variés que le respect de la vie, l’environnement, le statut du salarié, et constitue donc à cet égard, pour les croyants de chaque religion, un véritable "guide de l’électeur" dans l’optique des élections à venir (présidentielles et législatives de 2007, municipales de 2008).

Pour conclure, DIEU EST DANS L’ISOLOIR se veut une contribution au grand chantier des années à venir : comment faire en sorte que parviennent à cohabiter des communautés d’origines, de moeurs, de mentalités différentes ? Cela ne peut passer que par une rupture institutionnelle grâce à laquelle la république (avec un petit R !) se dépouillera de son "idéologie" à bout de souffle, et mettra en place des règles permettant non seulement aux individus, mais également aux communautés en tant que telles, de vivre dans la paix. Car la politique, comme le dit Jean Miguel Garrigues, n’est pas l’art d’atteindre des idéaux et des absolus, mais "l’art du meilleur possible".


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