Jouez à faire semblant

par C’est Nabum
mardi 14 mai 2013

Heures historiques de Sully sur Loire

La tête dans le passé.

Par curiosité j'ai voulu retourner à cette étrange manifestation « Macédoine de Costumes » que constituent les Heures historiques de Sully sur Loire. Au pied du magnifique château, entre douves, Sange et Loire, des milliers de gens déguisés se donnent en spectacle. Il y a de toutes les époques, un curieux mélange sans fondement ni explication, un cocktail surprenant d'impossibles rencontres !

 

Mais qu'a donc notre époque pour qu'ainsi tant de gens sains de corps et d'esprit la boudent pour le seul plaisir de se grimer et de se retrouver plongés dans une machine à renoncer à notre temps ? Manifestement, ils se sentent tous bien mieux en tenue de grognard, de poilu ou bien d'indien. Elles se préfèrent en noble dame, en bergère ou bien en suffragette. Nos oripeaux modernes pèsent du poids insupportable d'un monde qui a perdu la tête.

Il est rassurant de se plonger en une époque lointaine (ou plus proche) qui porte des repères et des valeurs facilement identifiables. Nous, les mariniers de pacotille, nous ne faisons guère autrement en nous replongeant dans la belle histoire de Loire, écrasant nous aussi quelques centaines d'années en une indéfinissable représentation illusoire. C'est sans doute le même mouvement de fond qui nous réunit, dos tourné à une modernité qu'on perçoit comme inhumaine.

 

Pourtant, tout n'est pas parfait dans les époques revisitées. On met en scène les tortures du Moyen-Âge, les facéties du bourreau débonnaire, les batailles sanglantes, de Napoléon à la dernière guerre, les combats des preux chevaliers … Chacun est dans sa bulle temporelle, croise son voisin qui vit dans une autre sphère et tous de se retrouver pour le plaisir de jouer à faire semblant.

 

La guerre, les combats, les souffrances sont en arrière plan. Pourtant, ce sont d'abord ces instants pesants qui sont mis en avant, qui sont présentés au public avide de pétarades, d'armes, de fumée et de cris. L'enfance revient au premier plan et elle reste belliqueuse, surtout pour les hommes qui sont nombreux à jouer aux petits soldats. Que de gens en armes sur cette fête ! Que dire de notre époque ? Y aurait-il un vague regret de cette si exceptionnelle période de paix sur notre territoire ? Je m'interroge …

 

 

Plus loin, presque à l'écart, les métiers d'autrefois, un temps jadis renvoyé à un temps incertain, lointain et flou. Les tenues sont souvent moyenâgeuses, cette période si vaste qui a provoqué, il me semble, ce grand mouvement de fascination historique. On retrouve d'ailleurs tous les marchands du marché médiéval, cette vache à lait de la foire à gogos.

Car, quand beaucoup jouent à faire semblant, quelques autres ne font pas semblant de vouloir gagner quelque argent. Tout est bon pour faire du pognon et la fête permet de proposer n'importe quoi, pourvu que le produit puisse faire référence à un temps jadis. Cette fois, la reconstitution est beaucoup moins soignée que pour les costumes de nos grands enfants, l'approximation est la règle quand le « made in China » ne vient pas briser les songes !

 

Je ne parviens pas à trouver cohérence dans cet incroyable brouet des temps passés. Comment un enfant peut-il comprendre ce qu'il voit avec le peu d'histoire qu'on lui apprend désormais ? Je plains les maîtres et les maîtresses qui essaieront demain de remettre en place les diverses pièces de ce puzzle écartelé. Mais tel n'est pas le souci de tous ces gens en costume qui vivent vraiment dans un monde virtuel, le temps d'une fin de semaine.

 

Quelques spectacles ici ou là. Beaucoup d'amateurisme et de grands cris. La farce fait l'affaire et la réalité historique est sans importance. C'est à l'image de l'ensemble tout comme ces musiciens qui mêlant en habits, des instruments d'avant-hier et des percussions d'ailleurs pour des rythmes d'aujourd'hui. On n'est plus à un anachronisme prêt.

 

Nonobstant cet inextricable imbroglio, j'ai trouvé mon miel dans ce capharnaüm de pseudo-scènes historiques. Une dame potinait à l'écart de la foule. Elle racontait les expressions de notre langue qui avaient trouvé racine au Moyen-Âge. D'à la queue leu-leu à ça ne vaut pas un clou, du potin au caquetoire, elle raconte, elle explique, elle fait véritablement œuvre utile en montrant l'histoire des mots, leur évolution, leur origine. Elle rencontre un joli succès, preuve s'il en est que les curieux aiment aussi comprendre et apprendre à travers les mots.

 

Je vais quitter ce lieu étrange quand un char fend la foule. La guerre encore et la grande sarabande des gens en costumes. À défaut de faire la chenille, ils se retrouvent sur cet engin de mort pour faire la fête. C'est férocement de mauvais goût, un raccourci de notre époque en somme.

 

 

Confusément leur

 

 


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