Juste un petit coup de moins bien

par C’est Nabum
jeudi 9 mai 2013

Les rencontres de Loire

État d'âme d'un bonimenteur.

Ce samedi soir, la fête de la Possonnière bat son plein ! Les animations ont été rangées. C'est la nuit qui réclame sa part. La buvette ne désemplit pas, les mariniers chantent et boivent à l'écart de la foule des curieux, des badauds, des spectateurs. Les barbecues exhalent leurs fumets, les gourmands font la queue. Plus loin, assez loin du bruit et du tumulte, les bateaux sont bien seuls, la Loire monte encore et quelques rares promeneurs regardent les embarcations abandonnées.

J'ai trouvé un lampion allumé et j'écris loin du joyeux charivari. Une fois encore, je ne me sens pas vraiment à ma place. Une fois les pitreries terminées, il n'est plus l'heure des histoires ou des contes. Les gens, privés depuis si longtemps, sont là pour profiter d'une des premières belles soirées, goûter la musique et le plaisir de se retrouver autour d'un verre ou à flâner dans la douceur d'une nuit enfin printanière. Ce soir, je n'ai pas le cœur à la réjouissance malgré l'accueil formidable des gens de La Possonnière. Je leur en demande pardon ! D'autres soucis m'ont rattrapé ...

Pourtant, ils ont tout mis en œuvre pour que la fête soit belle. Le port est agréable, l'espace que Monsieur le Maire a créé si convivial que je suis un malotru de bouder ce merveilleux moment simple et sincère, paisible et animé. L'édile opiniâtre a réussi son défi de réconcilier son village avec la Loire. Un désir simple, une tâche immense qu'il a menée à bien en trois mandats. Chapeau l'artiste ! Il y a une âme ligérienne dans ce village, je l'ai sentie vibrer.

Je n'ai pas l'envie ou la place pour inviter quelques personnes à de douces rêveries. Le conte exige une disposition d'esprit qui n'est, pour l'heure pas compatible, il me semble, avec cette belle fête populaire (expression ici utilisée sans aucune connotation négative). Je les laisse à leur bonheur, il n'est pas temps de les prendre par la main et le cœur pour faire un voyage au pays des songes. Je ne suis pas état pour cela.

Je me brûle souvent les ailes à ce constat difficile. Le chemin choisi n'est pas simple, c'est une voie étroite où il faut jouer les équilibristes et les magiciens à la fois. Je n'en ai, ce soir là, plus la force. J'ai pourtant réussi en de brefs instants à tenir sur mon fil de funambule des mots. Le talent ou bien l'énergie me manquaient pour y rester plus longtemps ce soir-là. Demain, c'est certain, sur la Loire, tout reviendra une fois encore.

Qu'importe ! La fête est derrière moi, elle a conquis bien des gens de ce pays merveilleux. Laissons les à leur bonheur. Ils n'ont pas besoin de mes états d'âme déplacés. Qu'ils rient et qu'ils s'amusent, qu'ils chantent et qu'ils boivent, qu'ils profitent de ce moment suspendu, de cette abstraction du temps et des soucis quotidiens. Le ciel et la Loire ont mêlé leurs efforts pour leur offrir ce don délicieux.

Des bénévoles par dizaines se mettent en quatre pour leur offrir ce moment hors du temps. La Loire, la musique, les lumières et la solidarité. Que demander de mieux ? Je devrai me réjouir que l'alchimie ait, ainsi, atteint ce miracle. Pourquoi vouloir toujours plus et décrocher la Lune ? Je suis un incurable perfectionniste. Désolé, vraiment, promis juré, demain je me remets en joie.

Revenons aux histoires qui ne seront pas dites ce soir, aux inventions qu'il me reste à faire encore. Les flonflons au loin me laisseront-ils le courage d'écrire ? Le froid monte sur la rivière, une humidité fraîche qui finit par me glacer. Je vais laisser sur ce clavier atone ce récit morose pour aller faire bonne figure ou simplement tuer le temps.

Il me faut retenir la leçon. Je ferai à nouveau pitreries et grimaces. Le rêve ne sera pour ce soir. Le bouffon est à la mode, c'est lui qui plait au public. Ils en auront pour leur content. Laissons ce texte sans esprit boire la tasse d'un chagrin passager. La Loire coule à deux pas de moi, elle a su elle aussi absorber la mélancolie d'un soir terni par une très mauvaise nouvelle personnelle. J'ai su faire bonne figure, la journée durant et au crépuscule, elle est revenue au galop.

Je reprends mon baluchon, la prochaine étape s'annonce déjà. C'est ainsi que le métier rentre. Ils appellent ça la vache enragée ! Me faudra-t-il grand estomac pour la manger ? D'autres ont eu droit à ces instants de doute et de solitude. Je découvre qu'il n'est pas simple de se donner en spectacle. Le rideau se baisse, le clown triste fait sa dernière pirouette et vous souhaite le bon soir.

Coupdebluesement vôtre.

Photographies : Bertrand Deshayes

 

 


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