L’avis de château …

par C’est Nabum
mercredi 24 août 2022

 

Quand les souvenirs font boutique !

 

Un château en bord de rivière, loin des grandes références qui attirent les foules et les circuits touristiques cherche désespérément à faire son trou. Il lui faut faire parler de lui ou mourir, l'alternative suppose de sacrifier bien des vérités pour redorer un blason que le temps et l'indifférence ont singulièrement terni.

Il y a mille et une manières de prendre les mouches avec du vinaigre et le touriste n'échappe pas à ce grand principe de la communication. Pour se faire, il convient d'emballer les vieilles pierres dans un emballage flambant neuf, histoire de refaire l'histoire tout en s'en moquant éperdument. La chronologie ne s'encombre point de nuances quand on glisse des dinosaures dans le parc afin de prendre au piège les enfants, friands de ces grosses bêtes.

Ailleurs, ce sont les murs qui feront cache-misère, s'éclairant et s'animant d'une scénographie lumineuse qui fera esbroufe et animation populaire. Un bon récit, une bande son tapageuse pour une parfaite illusion, qu'importe si tout ceci enfante des chimères et des aberrations. En mettre plein les yeux sans se soucier de s'adresser à des têtes qui de toute manière ne sont guère remplies de cohérence historique.

Plus loin, des figurants se figureront être de diaboliques envahisseurs à moins qu'ils ne soient de preux chevaliers. Le Viking a le vent en poupe, l'air torve et la mine patibulaire. Il est le cousin très lointain de l'abominable dinosaure pour effrayer les enfants en de meurtriers assauts. L'hémoglobine coule à flot pour peu qu'un drakkar de pacotille puisse accoster aux abords du parc ou du château. Le chevalier n'est pas en reste, partant lui aussi pour une nouvelle croisade, celle du taux de fréquentation d'une demeure tout juste médiévale dans laquelle on croise le fer sans soucis de véracité.

Les belles toilettes seront de sortie pour inviter au bal des curieux qui se moqueront des incongruités chronologiques entre danses et musiques, costumes et décors, architecture et histoire. Tout est bon dans la représentation pourvu que le cochon de payant se laisse prendre par la bourse. Ce n'est du reste pas désagréable à admirer et sans doute moins disgracieux que les combats sus-évoqués.

La culture, pour ce qu'il en reste au royaume du divertissement de masse, tente vainement de jouer des coudes dans ce fatras ronflant. Théâtre et musique classique attirent encore quelques individus appartenant à une espèce en voie de disparition. L’avènement des parcs d'attraction a provoqué un bouleversement des gouts. Le loisir de masse ne fait pas dans le détail, plus c'est grossier et factice, plus grand sera le succès.

Le reste du temps, le château traîne sa misère. Il cherche bien dans ses expositions et décors à singer le gentil Stéphane Berne, en évoquant les grandes figures des époques révolues. Pour peu qu'une duchesse ait passé deux nuits dans la demeure et la mise en scène s'étendra sans honte ni pudeur sur les frasques de la dame. Si par hasard un roi a fait un petit crochet, il héritera de tout un décorum pour symboliser cet extraordinaire épisode.

Tout pour les gens de la haute, ceux-là même qui ne faisaient que passer dans des demeures si inconfortables et rien pour ce petit peuple qui au long de l'année vivait en ce lieu qu'il fallait entretenir et faire vivre. J'aimerais qu'eux aussi disposent de quelques égards qui mettraient en lumière des existences souvent loin de l'histoire qu'on veut bien nous vendre.

Pour se convaincre de la vacuité de bien des visites, il n'est qu'à passer justement par la boutique souvenir. Il en est qui font assaut de mauvais goût au point qu'il conviendrait d'en établir un palmarès. À défaut, avant d'acheter son billet pour une éventuelle visite, il n'est qu'à observer attentivement ce qu'on vous y propose, c'est le plus sûr moyen de se faire votre idée sur l'endroit. L'avis de château, ce n'est pas plus compliqué que ça.

À contre-temps


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